SEPTEMBRE 2011
Le site de DPVRS-27 n’a pas vocation à se préoccuper de la santé du patronat en général et du MEDEF en particulier, mais pratiquer l’ostracisme à l’égard de la classe dominante serait une erreur.
Pour fourbir ses armes, il est indispensable de connaître les méthodes du camp d’en face et parfois d’en détecter les failles.
Le Medef a tenu son Université d’été les 31 août et 1er septembre 2011.
Le thème était la mise en place du B20 et donc d’en ouvrir le débat.
B20, quèsaco ?
En interface au G20 (réunion des dirigeants des 20 plus grandes puissances de la planète) le monde économique de ces mêmes 20 pays a décidé de s’organiser d’où le nom de B20 – Business 20.L’un des thèmes débattus publiquement, puisque la chaîne parlementaire a retransmis cette séance fut « Que j’aime ta couleur B20, diagnostic sur le fonctionnement de l’économie mondiale ». Tout un programme.
Le débat montra des divergences affirmées entre les participants.
Il faut dire que la tribune était composée de personnages importants. Jacques Attali, ancien sherpa de François Mitterrand, chantre du libéralisme - François Baroin, actuel Ministre des Finances - Louis Gallois, Président d’EADS - François Lamy, Directeur Général de l’OMC - Michel Pébereau, PDG de BNP Paribas – Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires Etrangères – Laurent Fabius, Député de Seine-Maritime - ...
Le débat conduisit à l’affrontement de deux positions.
1 - Les partisans de la mondialisation libérale, François Baroin, dont le seul message fut de valoriser le G20 – François Lamy qui n’a eu de cesse de stigmatiser la démondialisation et d’encenser la globalisation allant jusqu’à déclarer que, certes il y avait des perdants mais qu’il y a tellement de gagnants qu’au bout du compte le solde était globalement positif – Michel Pébereau qui, confirmant les propos de Lamy, conclut en disant « nous n’avons pas d’autres choix que de nous adapter à la mondialisation » !!!
2 - L’autre camp, dont on pouvait néanmoins détecter quelques nuances, réclamait une régulation de l’économie mondiale.
Jacques Attali, contrairement à son tropisme libéral légendaire, fit part de son inquiétude quant à la situation économique actuelle. Il indiqua que, selon lui, la croissance telle que nous l’avons connue au cours des 50 dernières années était compromise, que seule la recherche d’énergies nouvelles et d’économie d’énergie pouvait être facteur de croissance. Il s’est évertué à décrédibiliser le G20, considérant qu’au-delà des discours et des déclarations de clôture, il n’en sort rien.
En conclusion, il déclara qu’à la moindre étincelle le système pouvait exploser.
Hubert Védrine eut un discours proche de celui d’Attali, ajoutant qu’il ne croyait pas à la gouvernance économique mondiale constatant que la loi est celle des puissances économiques. Il invita fortement à être attentif aux opinions publiques.
Laurent Fabius ne se dit pas opposé au G20, mais constata un résultat très insuffisant. Lui aussi fit part de son inquiétude quant au fossé qui se creuse entre les populations et les forces politiques.
Il conclut par une citation d’Einstein « On ne solutionne pas un problème avec les règles qui l’ont engendré »
Jusque là, on peut dire que ce débat fut un affrontement politique classique.
Mais l’intervenant suivant, véritable capitaine d’industrie, troubla opportunément le jeu qui s’était installé dans cette Université.
Louis Gallois, Président d’EADS, développa un discours très en marge des orientations du MEDEF.
Il déclara son soutien à l’économie réelle, refusant que la France se détache de son industrie. Il demanda avec urgence la mise en place d’une régulation mondiale de l’économie pour éviter les risques de protectionnisme. Il stigmatisa les paradis fiscaux, interrogeant « A quoi servent-ils à l’économie réelle ? »
Il indiqua que pour apporter une stabilité nécessaire aux entreprises il fallait défendre la propriété intellectuelle et l’innovation. Il dénonça par ailleurs la spéculation sur les matières premières.
Comme Hubert Védrine, il alerta sur les risques d’explosion sociale et demanda d’être plus à l’écoute des opinions publiques pour éviter des replis nationalistes.
S’exprimant devant plus de 2000 patrons, on ne peut douter de la sincérité de l’ex-président de la SNCF. Même si en approfondissant le propos, on trouverait vraisemblablement des désaccords. Je pense néanmoins que sur le fond, en cette période très troublée ce discours ne peut laisser indifférent les humanistes.
Hélas, j’ai pu vérifier que ce positionnement n’est pas majoritaire au sein du MEDEF. D’ailleurs Mme Parisot dans son intervention de clôture n’a pas relayé les propos du Président d’EADS.
Je considère donc qu’il serait irresponsable de faire la sourde oreille à ce message.
Je suis inquiet du silence des syndicats face à de telles déclarations. Mais il est vrai qu’on est pas obligé d’étaler sur la place publique les contacts de cette nature.
Et pourtant, cela aurait pour effet de rassurer des centaines et des milliers de salariés qui ont franchement le sentiment d’être abandonnés face au rouleau compresseur de la mondialisation libérale.
Quoi qu’il en soit, dans cette Université, Louis Gallois fut un capitaine – d’industrie- courageux.