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S'opposer à l'Europe libérale n'a rien de nationaliste



Les partisans et les défenseurs d’une Europe fédérale, effaçant de fait les Etats/Nations, accusent de tous les mots celles et ceux qui militent pour préserver la souveraineté des Etats, c'est-à-dire la liberté des peuples d’élire des femmes et des hommes pour appliquer les politiques de leurs choix.
Dans un passé récent, les européistes qualifiaient les opposants au fédéralisme d’anti-européens, incapables de reconnaître que l’Union Européenne les protège de la guerre !
Comme si défendre la souveraineté des Etats était synonyme de comportement belliqueux.
Au contraire, c’est la concurrence libre et non faussée, chère aux fédéralistes européens, qui met la concorde et la paix en danger.
Le jusqu’au-boutisme de la concurrence, travestie du costume de la « compétitivité » met les individus sous pression conduisant certains à se réfugier dans les extrémismes de toutes sortes.
On se souvient de la propagande que les européistes développèrent lors des campagnes des référendums de Maastricht en 1992 et du TCE en 2005.
L’excessif journaliste Serge July (ex-gauche prolétarienne) osa même qualifier de xénophobes celles et ceux qui avaient voté contre le TCE.
La tâche leur fut facilitée quand Mme Le Pen succéda à son père et orienta le FN contre l’Europe et la monnaie unique (encore qu’il semble que sur la monnaie, le FN vacille actuellement)
Les gardiens du temple Maastrichtien ont ainsi beau jeu de repousser les opposants au libéralisme européen dans le camp lepéniste.
Hélas, le constat est clair, ces apprentis sorciers ont une mémoire de pélican, ou un raisonnement politique des plus réduit.
Pour les aider à l’étoffer, ils sont invités à consacrer une vingtaine de minutes à la lecture du discours que Pierre Mendès France prononça le 18 janvier 1957 à l’Assemblée Nationale pour justifier son opposition au Traité de Rome.
Ainsi, ces ignorants ou ces manipulateurs comprendront, peut-être, que s’opposer à l’Europe des Traités de Rome, Maastricht, Lisbonne ...., n’est ni nationaliste, ni xénophobe, mais simplement Républicain et socialiste.
Il est soumis à votre réflexion quelques passages du discours de Pierre Mendès France, mis en interface avec la réalité d’aujourd’hui.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« L’harmonisation doit se faire dans le sens du progrès social, dans le sens du relèvement parallèle des avantages sociaux et non pas, comme les gouvernements français le redoutent depuis si longtemps, au profit des pays les plus conservateurs et au détriment des pays socialement les plus avancés. »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Cette mise en garde était justifiée. Les traités qui règlementent l’Union Européenne interdisent l’harmonie sociale par le haut. Le moins-disant social qualifié de dumping social est la règle avec le principe de la concurrence libre et non faussée.
Avec ce système est apparue la directive Bolkestein en 2005 (le fameux plombier polonais) Face à l’opposition qui s’organisait dans plusieurs Etats, la directive dite de « détachement » de 1996 fut réactivée. Il s’agit de faire travailler des étrangers sur le sol français, aux conditions de salaires françaises, mais avec des cotisations sociales du pays d’origine des salariés.
En France, le nombre de travailleurs détachés était de 8.000 en 2000 et 155.000 en 2011 !
Pour le Ministre du Travail le chiffre réel serait de 300.000. Il y aurait ainsi environ 150.000 travailleurs étrangers exploités en toute illégalité.
C’est ce qu’ils appellent la libre circulation des personnes !!!
Nous sommes donc loin de l’harmonie sociale voulue par Pierre Mendès France.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
 
 
« Or, l’harmonisation des charges salariales, directes et indirectes, c’est la vieille revendication de tous les Français qui ne veulent pas que notre pays soit victime des pas en avant qu’il a faits ou qu’il fait dans le sens du progrès. A cet égard, qu’il me suffise d’évoquer la proposition qui a été présentée par le gouvernement français au Conseil de l’Europe le 20 septembre 1954 en vue d’égaliser les charges sociales par le haut pour empêcher qu’une libération des échanges réalisée sans précaution conduise à l’égalisation par le bas. A la suite de cette initiative gouvernementale, M Guy Mollet, qui était alors président en exercice de l’assemblée de Strasbourg, chargea la commission des affaires sociales de ladite assemblée, d’une part, et pria le comité des ministres, d’autre part, d’élaborer une charte sociale commune. »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Dès le départ, le risque du moins-disant social était patent, car une charte n’a aucune valeur juridique.
Elle n’est qu’un engagement moral qui peut être diversement apprécié selon les Etats.
Une charte n’est ni une loi, ni un décret.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« … En fait, mes chers collègues, ne nous le dissimulons pas, nos partenaires veulent conserver l’avantage commercial qu’ils ont sur nous du fait de leur retard en matière sociale. Notre politique doit continuer à consister, coûte que coûte, à ne pas construire l’Europe dans la régression au détriment de la classe ouvrière et, par contrecoup, au détriment des autres classes sociales qui vivent du pouvoir d’achat ouvrier. Il faut faire l’Europe dans l’expansion et dans le progrès social et non pas contre l’une et l’autre. »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Pierre Mendès France avait du respect pour la classe ouvrière, qu’il ne qualifiait pas de partenariat social. Il avait le souci des intérêts du monde ouvrier. Les ressources humaines n’étaient pas son langage. Pour lui l’Europe sociale avait un sens, développement économique et développement social étaient indissociables.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« Il me paraît impossible que l’Assemblée se prononce définitivement sur un objet aussi vaste et qui implique pour notre main-d’œuvre un risque terrible de chômage, sans qu’elle connaisse exactement, par l’étude du nouveau tarif, cependant facile à calculer lorsqu’on dispose des éléments d’information que le gouvernement possède, les conséquences précises qui peuvent en résulter pour l’ensemble de nos productions. »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Déjà les objectifs de fond de la construction européenne étaient cachés aux représentants du peuple, par des manipulateurs que l’on qualifierait aujourd’hui de lobbyistes. Ce qui se jouait n’était rien d’autre qu’une partie de poker menteur à l’échelle européenne.
La ratification du Traité de Rome, par les parlementaires, fut un coup de force organisé par les partisans de l’effacement des Etats et du recul des garanties sociales que l’on masque aujourd’hui par un terme passe-partout de « réformes structurelles »
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« … il faut que nous sachions que le démantèlement, la libération vers lesquels nous nous acheminons ne vont pas seulement s’appliquer aux échanges entre les six pays participants, ils s’appliqueront aussi à l’égard des importations venues du dehors. C’est bien ce qui explique la déclaration officielle qu’a faite le State Department et que vous avez lue dans la presse hier matin, déclaration dans laquelle le gouvernement américain se félicite … »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Pierre Mendès France avait compris que derrière la construction libérale de l’Europe se profilait la mondialisation, c'est-à-dire la dépossession du politique sur le commerce, au profit de l’affairisme tout puissant.
Le satisfecit des USA en disait long sur leur dessein. Aujourd’hui, ils négocient avec les oligarques de Bruxelles, le « grand marché transatlantique » dont les effets sur notre économie et nos valeurs sociales et environnementales seront catastrophiques.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« Il est prévu que le Marché commun comporte la libre circulation des capitaux. Or, si l’harmonisation des conditions concurrentielles n’est pas réalisée et si, comme actuellement, il est plus avantageux d’installer une usine ou de monter une fabrication donnée dans d’autres pays, cette liberté de circulation des capitaux conduira à un exode des capitaux français. Il en résultera une diminution des investissements productifs, des pertes de potentiel français et un chômage accru. »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Pierre Mendès France redoutait la délocalisation des entreprises implantées sur le sol français. Ses craintes se sont révélées exactes.
Le textile, la chaussure, les téléviseurs, la hi-fi, la radio, la téléphonie et ses dérivés smartphones et autres, l’automobile, sont manufacturés en Orient, en Chine principalement et depuis 2004 dans des pays du Centre et de l’Est de l’Europe. Le moindre coût social attire les capitaux.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« La question qui se pose est alors la suivante : où se feront les investissements futurs, créateurs de nouvelles occasions de travail pour la classe ouvrière, créateurs de nouvelles occasions de production pour le pays tout entier ? Où les capitaux des six pays participants se dirigeront-ils pour financer de nouveaux investissements ? »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Un demi-siècle après ces craintes, celles-ci sont devenues le cancer social de nos sociétés. Nous sommes entrés dans une énième révolution industrielle qui est devenue « l’industrie de la finance »
La question n’est plus de savoir si ce que l’on produit est profitable au plus grand nombre, mais rentable pour un petit nombre d’actionnaires spéculateurs, du CAC40 par exemple.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« … l’ensemble des conditions dans lesquelles vont désormais se développer les mouvements de marchandises et les mouvements de capitaux tels que je viens de les décrire ne peut pas ne pas entraîner très vite des suites faciles à prévoir sur notre balance des payements dont le déséquilibre risque de devenir permanent. »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Pierre Mendès France avait compris le risque de la mondialisation financière. Il redoutait que les Etats ne contrôlent plus, ni les marchés, ni la finance. Il craignait la constitution de bulles financières et leur éclatement ruinant les populations comme en Grèce, en Espagne, au Portugal, ou quand la dette est qualifiée d’insupportable comme en Italie et en France.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« En quelque sorte, l’autorité internationale, dans le cas particulier, va avoir le droit de légiférer d’une manière autoritaire à laquelle nous ne pourrons pas échapper et de prendre des décisions qui primeront celles du gouvernement et même celles du Parlement. Ce sera une loi supérieure à la loi française qui s’imposera à nous. »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Pierre Mendès France avait cette lucidité sidérante, comprenant qu’à terme, les directives européennes seraient juridiquement supérieures aux lois des Etats (françaises nous concernant). Aujourd’hui, c’est la cruelle réalité, le droit européen (qui n’a fait l’objet d’aucun débat démocratique, digne de ce nom) s’applique aux 450.000 millions d’individus des 28 Etats membres.
Mais plus horrible encore, actuellement se négocie dans le cadre du dit Grand Marché Transatlantique entre l’Union Européenne et les USA la création de Tribunaux d’arbitrage composés d’acteurs privés, grassement rémunérés, capables d’attaquer la législation des Etats !
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
 
« M Maurice Faure nous a dit hier que l’on pourrait faire en même temps et le marché avec nos cinq partenaires et la zone de libre échange avec une demi-douzaine d’autres pays dont la Grande-Bretagne. Cette solution est peu vraisemblable. La création d’une zone de marché commun avec cinq partenaires est déjà une opération très compliquée qui comporte toutes les modalités dont nous avons parlé ici depuis quatre jours, et nous nous apercevons tous actuellement de l’extraordinaire complexité de la situation. »
 
Commentaire DPVRS 27
 
Pierre Mendès France s’inquiétait d’un partenariat commun entre 6 partenaires, il rejetait l’idée d’une zone de libre échange avec 6 autres pays.
Il n’est pas étonnant qu’aujourd’hui, avec 28 membres, l’Union Européenne soit en pleine déconfiture.
Et comme si cela ne suffisait pas, l’Union Européenne et donc la France mènent une politique d’expansion visant à terme à inclure l’Ukraine.
 
Extrait discours Pierre Mendès France
 
« De là la difficulté même de notre entreprise et de notre politique. Mais cette difficulté ne doit pas nous faire oublier notre véritable intérêt et ne doit pas nous faire renoncer à organiser l’Europe, avec un équilibre sain et non sous l’influence décisive et unilatérale de l’Allemagne … »
 
Commentaire DPVRS 27
        
Pierre Mendès France ne rejetait pas l’idée d’une Europe solidaire, mais en homme politique averti, il savait que l’intransigeance des dirigeants allemands contrarierait l’indispensable solidarité.
 
 
Pierre Mendès France avait cette lucidité politique qui fait que, ce qu’il redoutait il ya 50 ans en prononçant son valeureux discours justifiant son rejet du Traité de Rome, est aujourd’hui cruellement d’actualité.
Alors, il ne faut pas avoir peur, il ne faut pas avoir honte, il ne faut pas culpabiliser.
L’opposition au fédéralisme européen n’a rien d’extrémiste, n’a rien de xénophobe.
Elle est simplement la prise en compte du respect des peuples à disposer de leurs conditions de vie en ayant « la main » sur leurs représentants politiques (élection et contrôle du mandat) ce que n’assume pas l’actuelle Union Européenne, avec ses oligarques de la commission qui décident de tout sans aucun mandat des peuples.
C’est dans ce cadre qu’il faudra aborder les prochaines élections au Parlement Européen du 25 mai prochain.
 
 
Le discours intégral que Pierre Mendès France prononça le 18 janvier 1957
à l’Assemblée Nationale est consultable sur Internet