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Retraites : les socialistes à la manoeuvre



 
Les 20 et 21 juin, sous l’égide du gouvernement, se tiendra une Conférence Sociale chargée, entre autres, d’examiner l’évolution de nos systèmes de retraite.
Cette Conférence Sociale rassemblera autour d’une table ronde les Ministres concernés, les représentants des syndicats de salariés et du patronat.
Cependant, ne soyons pas dupes, le cadre du débat sera très étroit, car les choix sont faits dans d’autres instances. Ce n’est pas faire un procès d’intention que de dire que les grandes lignes sont déjà arrêtées.
Voici quelques semaines, simulant une volonté de mansuétude à l’égard de notre pays concernant la dette, la commission européenne indiquait qu’elle reportait, de deux ans, l’exigence d’un déficit français en deçà des 3 %.
Mais cette fausse générosité était assortie de conditions non négociables :
les autorités françaises étaient sommées d’accélérer les réformes de structures.
Ainsi, nos systèmes de retraites étaient clairement visés.
Puis récemment, estimant vraisemblablement avoir été insuffisamment entendu, le Président de la commission, M Barroso exprimait publiquement son impatience.
Même si le Président Hollande répondit qu’il ne recevait pas d’ordres de Bruxelles, nous avons bien conscience qu’il ne s’agissait que d’un jeu de rôles.
Quelques semaines plus tôt, la surprise vint du député Henri Emmanuelli déclarant que désormais les temps de retraite sont supérieurs aux durées d’activité !!!
Il tentait ainsi de justifier une réforme allongeant les durées de cotisations pour accéder à la retraite.
Pour rendre crédible son propos, le député desLandes devrait publier les études et rapports qui lui permettent une telle affirmation. Ce qu’il n’a toujours pas fait.
Je crains qu’il ait quelques difficultés à produire de tels documents.
En effet, la revue mensuelle « Science et Vie » de juin 2013 vient de publier une étude selon laquelle l’espérance de vie, en bonne santé, commence à reculer en France, mais aussi dans le monde entier.
Ce constat n’est pas surprenant, les prémices de ce recul étaient apparues depuis plusieurs années en Russie, en ex-Allemagne de l’Est, entre autres.
Or, de manière quasi automatique, la diminution de l’espérance de vie en bonne santé entraînera la diminution de l’espérance de vie (tout court)
C’est un élément non négligeable, au moment où les pouvoirs publics nous présentent des projections de déficit à l’horizon 2040 sous l’argument d’une nécessaire adaptation de nos systèmes de retraite face à une espérance de vie en continuelle augmentation !!!
Dans l’hypothèse d’une confirmation du recul de l’espérance de vie, les pouvoirs publics s’engageraient-ils à adapter en conséquence les critères d’accès à la retraite ? C'est-à-dire, de diminuer le nombre d’années cotisées et revenir à l’âge de départ à  60 ans.
Maintenant, venons-en au « déficit »                                                               
Dans le domaine social, il n’y a pas de déficit, il n’y a que des choix politiques en matière de santé, de retraite, d’assurance chômage, etc…
La question posée est celle de savoir quelle part du PIB veut-on consacrer au social ?
Le gouvernement explique qu’en fonction des projections établies, le « déficit » atteindrait 20 milliards d’euros en 2020.
Même si c’est une somme importante, cela peut se solutionner sans grande difficulté. Pour quelle raison l’épargne salariale (intéressement et participation) octroyée en échange d’un travail effectué, comme le salaire, ne serait t’elle pas soumise à cotisation ?
Par ailleurs, depuis 1998, les allégements de cotisations patronales, accordées au titre des 35 heures, coûtent annuellement 25 milliards d’euros à l’Etat, compensés partiellement à la Sécurité Sociale.
Une remise à plat de ces allègements est possible et indispensable.
Dans le cadre d’une économie néolibérale, l’Etat doit-il continuer à intervenir financièrement pour l’application d’une loi qui a, aujourd’hui, plus de 15 ans et qui, au plan économique, est largement amortie avec le principe d’annualisation et le paiement des heures supplémentaires dont l’abondement fut fortement réduit ? Faudrait-il dédommager, par exemple, les employeurs pour la 5ième semaine de congés créée en 1982, et pourquoi pas pour les 2 semaines de congés obtenus en 1936 ???
Arrive également dans le débat, la tarte à la crème de l’égalité du public et du privé.
L’égalité sur le nombre d’années cotisées est en place depuis 2010.
Ce qui est important, c’est le résultat final, c'est-à-dire le montant du revenu de remplacement.
Or, le constat est clair, à revenu d’activité équivalent, les retraites du privé sont supérieures parce que le privé dispose de retraites complémentaires.
Quoi qu’il en soit, statistiquement et proportionnellement, il y a autant de retraités pauvres venant du public que du privé.
En s’engageant dans cette voie, les pouvoirs publics, mais aussi les citoyens, doivent comprendre qu’en agissant ainsi, notre modèle social est clairement menacé.
La Fonction Publique dispose d’un statut général mis en place au sortir de la seconde guerre mondiale.
L’objectif de ses créateurs était d’assurer un service public gratuit pour des activités essentielles à la vie des citoyens (éducation, santé, fiscalité, justice, police, gendarmerie ...), ou avec des tarifs en péréquation  (transport, communication, énergie ...)
Il s’agissait d’appliquer concrètement l’une des valeurs de notre République, l’égalité de tous les citoyens devant les droits et les devoirs, quelles que soient leur condition sociale, leur origine, leur croyance politique, religieuse et leur situation géographique.
Le  statut particulier de la Fonction Publique a pour fonction de protéger ses activités, de toutes influences : politique, philosophique, religieuse, économique.
Il faut préciser qu’il y a trois Fonctions Publiques, la FP d’Etat (Education Nationale – Trésor – Impôts – Justice – Police – Gendarmerie...) la FP Territoriale (personnels des Conseils Régionaux – Conseils Généraux – Communes – Intercommunalités...) et la FP Hospitalière.
Seule, la Fonction Publique d’Etat n’a pas de caisse de retraite. Les fonctionnaires d’Etat n’ont pas de retraite mais une pension dont la ligne de dépense figure au budget de l’Etat. Juridiquement, c’est important.
Les Fonctions Publiques Territoriales et Hospitalières disposent d’une caisse de retraite :
Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales (CNRACL)
Or, cette caisse est un véritable coffre-fort dans lequel les pouvoirs publics puisent allègrement. En 2011, la CNRACL s’est vu ponctionner 1,6 milliard d’€. Depuis 1974, date de la mise en place de la compensation, selon la Commission des comptes de cette caisse, 65 milliards lui ont été subtilisés !!!
L’uniformisation des régimes de retraites conduirait à la fusion des caisses. Ainsi, les transferts budgétaires se feraient dans une quasi-opacité.
Il en est de même du régime général des salariés qui renfloue en permanence le régime des commerçants, des artisans, des agriculteurs et des ecclésiastiques.
Enfin, l’expérience montre que les fusions ne sont pas nécessairement des gages de réussite, à l’image de la fusion des ASSEDIC et de l’ANPE, pour créer Pôle Emploi !
Or, en portant atteinte aux régimes des pensions de la Fonction Publique, c’est tout l’édifice qui est menacé : recrutement, déroulé de carrière ....
Ainsi, que ceux qui veulent s’attaquer au régime de pension des fonctionnaires sachent qu’ils s’en prennent à leur propre système social.
Ne serait-il pas paradoxal que les socialistes au pouvoir se prêtent à ce jeu morbide ?
Sur ce dossier comme sur d’autres, la raison doit conduire à s’affranchir de la pratique de la langue de bois.
Le but que se fixent les élus, de toutes tendances, est dogmatique : réduire la part du coût des retraites dans le Produit Intérieur Brut, pour distribuer toujours plus de dividendes aux actionnaires.
C’est un jeu très dangereux car il conduit à augmenter la paupérisation des retraités.
Le nombre de personnes assujetties au minimum de pension – soit 787,26 € mensuels – ne cesse d’augmenter. Il est aujourd’hui d’environ 5,400 millions.
Les bénévoles des associations caritatives, restos du cœur par exemple, indiquent qu’ils rencontrent dans leurs permanences de plus en plus de retraités. Il n’est pas rare également de voir des retraités fouiner sur les marchés, après le départ des marchands forains, pour y trouver quelques fruits, quelques légumes, encore « consommables ».
La question posée est celle de savoir comment vivre décemment avec si peu, et surtout, comment faire face dans le cas d’un hébergement en maison de retraite au coût mensuel oscillant entre deux mille et deux mille trois cents euros ?
Cette question est d’autant plus cruciale que l’Etat ne cesse de diminuer sa participation à l’Allocation Personnalisée d’Autonomie et que les Départements n’ont pas de budgets extensibles à l’infini.
Le risque de voir les descendants ponctionnés sur leurs biens pour régler les factures du séjour des parents ou grands-parents n’est pas une fable.
En pratiquant ainsi, nombre de retraités, en perte d’autonomie, n’auront plus les moyens d’être hébergés en maisons spécialisées. Ils finiront leurs jours à leur domicile, dans des conditions sociales et sanitaires des plus précaires.
Le discours de nos dirigeants est quelque peu schizophrénique. Alors qu’ils prévoient une relance de l’activité, dès cette fin d’année, conduisant à une baisse du nombre de chômeurs et donc un abondement des comptes sociaux, paradoxalement, ils préconisent un déficit persistant de ces mêmes comptes sociaux.
La logique est donc difficile à comprendre.
Ce que l’on attend de nos dirigeants, porteurs de changement, c’est une juste répartition des richesses produites en France.
 
Les citoyens ne supporteront plus très longtemps qu’annuellement 600 milliards d’euros de richesses produites quittent le territoire national pour se réfugier dans des paradis fiscaux.
Non seulement c’est un manque fiscal de 60 à 80 milliards d’euros, mais c’est aussi une privation en matière d’investissement et donc d’emplois, de salaires et de cotisations sociales de plus de 500 milliards d’euros.
Le courage politique c’est d’affronter concrètement ce problème, et dans ces conditions, il n’y a aucun doute, les françaises et les français apporteraient un total soutien.