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Libéralisme social : an I



L
es ministres, la majorité présidentielle, les socialistes en général n’ont pas exulté pour commémorer le 1er anniversaire de François Hollande à l’Elysée.
Pour une fois, ils ont fait preuve de lucidité.
Mais l’industrie de la com n’a pas raté l’occasion pour enfoncer le clou du néolibéralisme.
Le « capitaine de pédalo » a reçu une volée de bois vert médiatique, la plupart du temps injustifiée et en tous les cas inadéquate avec la réalité.
Que peuvent reprocher au Président de la République les thuriféraires de la mondialisation et du fédéralisme européen ?
A mon sens, pas grand-chose, sinon rien.
Le parcours des douze premiers mois de François Hollande à l’Elysée en apporte la preuve.
-         Augmentation du SMIC en forme d’aumône. (Le fameux carambar de Mélenchon)
-         Visite de François Hollandeen Grèce et en Espagne pour rappeler aux dirigeants de ces pays qu’ils doivent appliquer scrupuleusement les plans de rigueur imposés par la troïka. (Ces injonctions montrent que Hollande est en phase avec la troïka et son cortège d’austérité, il vulgarise ainsi son attachement au fédéralisme européen)
-         Présence de 10 Ministres dont le Premier d’entre eux à l’université du MEDEF, certainement pour y déposer le projet d’offrande de 20 milliards d’euros, qualifié de crédit d’impôt/compétitivité. (Le Président précise son orientation économique : politique de l’offre rejetant la relance par le pouvoir d’achat)
-         Validation par la majorité parlementaire, socialiste, des textes écrits par Merkel et Sarkozy, le TSCG et le MES qui institutionnalisent la riguer pour les peuples européens, écartant toute idée de relance économique. (Cette position sur l’Europe est conforme à celle engagée au plan national, austérité sociale sur le long terme)
-         Mise en place du plan Gallois, dit de crédit impôt/compétitivité de 20 milliards d’€ accordés aux entreprises, sans condition. Par expérience, on peut redouter que ces fonds alimentent davantage les dividendes des actionnaires que l’investissement productif. Curieusement, l’ex-PDG d’EADS a délaissé son argument justifié d’un euro surévalué pour produire en France de manière compétitive, pour privilégier, sans raison économique, les cadeaux aux entreprises.
-         Validation par la majorité parlementaire de l’accord dit de flexicurité signé par le MEDEF et entre autres la CFDT, qui indéniablement fragilisera le Code du Travail. (Une fois de plus satisfaction est donnée au patronat)
-         Projet de loi bancaire à minima sur la séparation des activités spéculatives des banques et du financement de l’économie réelle. (On est loin du discours du Bourget « Mon ennemi c’est la finance »)
-         Refus d’amnistier des ouvriers et des syndicalistes condamnés pour diverses raisons sous le mandat de Sarkozy. Bien sûr la violence ne peut pas être amnistiée, mais les ouvriers qui ont refusé de se soumettre à des tests ADN - qui ont refusé de couper le courant à des familles pauvres - qui ont inscrit des slogans sur les routes au cours de luttes sociales - qui ont accueilli des enfants sans papier, sont-ils des délinquants ? On perçoit clairement le choix du Ministre de l’Intérieur qui fait de Clémenceau son modèle contre Jaurès. Rappelons que Clémenceau avait sévèrement réprimé les mineurs de Carmaux en grève alors que Jaurès les soutenait dans leurs luttes.
-         Substitution du principe de RGPP par celui de Modernisation de l’Action Publique (MAP) dont l’idée est de supprimer de nombreux postes de fonctionnaires comme cela fut fait sous l’ère Sarkozy.
-         Refus du Ministre des Finances d’encadrer les rémunérations des dirigeants d’entreprises privées, préconisant « l’autorégulation exigeante » (Là aussi, la reculade est effrayante)
Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive mais, cependant suffisante, pour attester que les néolibéraux n’ont vraiment pas à se plaindre de l’an I du libéralisme social de François Hollande.
 
Le reproche qui doit être fait à François Hollande ne peut pas être celui d’une absence de résultat, un an d’exercice gouvernemental c’est court, mais celui de constater qu’aucune orientation n’a été prise pour modifier le cours de la politique néolibérale pratiquée par son prédécesseur Nicolas Sarkozy.
 
Tous les plans de rigueur imposés aux peuples dans plusieurs pays de l’Union Européenne sont des catastrophes et engendrent des drames humains.
Certes l’élection de François Hollande fut avant tout la volonté d’évincer Nicolas Sarkozy.
Peu d’électeurs « hollandistes » se berçaient d’illusions, mais quand même, pour certains élire un candidat classé à gauche autorisait quelques espoirs.
Les douze premiers mois d’exercice du pouvoir confirment qu’une alternance au sommet de l’Etat ne signifie en rien une alternative politique.
Alors, maintenant, que faire ?
Il n’y a rien à attendre du côté de Jean-Pierre Chevènement. Sa conversion au social libéralisme, ponctuée de hoquets souverainistes, entamée en 2006 avec Ségolène Royal, est totalement assumée avec François Hollande.
Le sénateur de Belfort ne cesse d’encenser le plan crédit d’impôt/compétitivité concocté par Louis Gallois, son ancien directeur de cabinet, lui aussi converti au néolibéralisme après l’avoir contesté pendant plusieurs années.
Jean-Pierre Chevènement fit preuve d’un « grand courage » sur la question du mariage homo !!! Bien que déclarant son désaccord avec cette loi, il refusa de voter contre ou de s’abstenir. Il refusa de prendre part au vote pour, dit-il, ne pas être classé dans un camp ou dans un autre !!!
Alors il faut se tourner vers Jean-Luc Mélenchon, le Parti de Gauche et son prolongement, le Front de Gauche.
Jean-Luc Mélenchon est sans aucun doute l’élu de gauche qui analyse le mieux la situation actuelle.
Il est le seul homme politique de gauche à avoir compris que les ressources de la planète ne sont pas inépuisables et que, de plus, les énergies carbonées causent des dégâts irrémédiables à la planète.
Quand les journalistes lui en donnent le temps, il explique, avec détails et précisions, les erreurs des systèmes économique et financier actuels.
Il pointe les risques pour nos démocraties à imposer aux peuples l’austérité dans toute l’Europe.
Voilà bientôt cinq ans que ce parti existe, que Mélenchon est aux avant-postes politique et médiatique, un temps suffisamment long pour faire un bilan crédible.
Incontestablement, la mayonnaise ne prend pas au sein du Front de Gauche, les relations PC/PG sont trop conflictuelles pour rendre le peuple confiant. Les résultats électoraux locaux attestent de cette méfiance, et le score de la présidentielle de 2012 n’est pas plus enthousiasmant.
Analysons la forme et le fond par quelques exemples.
            La forme
Beaucoup lui reprochent la verdeur de ses propos, ses emportements et son agressivité à l’égard des journalistes.
Lors du dernier congrès du PG, l’un de ses « lieutenants » a qualifié de « salopards » les 12 ministres des finances formant l’Eurogroupe.
Certes, un tel propos dans la bouche d’un élu pour qualifier un ministre de la République est choquant, mais encore faut-il situer le contexte.
Courant mars, la partie de l’ile de Chypre, membre de l’Union Européenne, est au bord de la faillite, comme le fut la Grèce en 2009, 2010.
La troïka (CE/BCE/FMI) s’empare de l’affaire et ordonne à ses sbires de trancher dans le vif.
Dans la nuit du 24 au 25 mars, les 12 ministres des finances de l’Eurogroupe décident, arbitrairement, de ponctionner à la hauteur de près de 7 % tous les dépôts, tous les comptes gros et petits de tous les chypriotes, qu’ils soient gros rentiers ou petits épargnants.
Si une telle décision visait la France (pouvons-nous considérer en être épargnés pour le futur ?) il est quasiment certain que les français utiliseraient un langage encore plus fleuri.
Pour autant, fallait-il que les militants du PG se laissent aller à ce genre d’expression ?
Je ne le pense pas.
Pour faire progresser ses idées, point n’est besoin de parler cru, de parler dru. Il suffit simplement de faire preuve de pédagogie.
Or, pédagogie et violence verbale ne vont pas de pair.
Cependant, méfions-nous des discours policés.
Jérôme Cahuzac tenait des propos d’une « profondeur économique et financière » qui en enthousiasmaient plus d’un, et maintenant, nous savons ce qui se cachait derrière cette fausse respectabilité.
            Le fond
Le partage du pouvoir organisé entre le PC et le PG est curieux et peu crédible aux yeux des citoyens.
C’est flagrant s’agissant des échéances électorales.
A Mélenchon, les élections à caractère individuel et national, au PC les scrutins nécessitant un ancrage local : municipales, cantonales, régionales.
A peine sorti de la présidentielle de mai 2012, Mélenchon se projetait sur les européennes de 2014, pensant que le PS tiendrait sa promesse de modifier les modalités du scrutin en supprimant les 8 circonscriptions pour n’en laisser qu’une au plan national.
Il fait ainsi l’impasse sur les scrutins locaux privant le Parti de Gauche d’un indispensable ancrage local.
Sur le plan programmatique, la situation n’est pas meilleure.
L’exemple des élections régionales de 2010, en Haute-Normandie, atteste de ce désordre.
Quel crédit peut avoir une liste menée par un défenseur acharné du nucléaire civil sur laquelle figurent des militants du réseau sortir du nucléaire ?
Aucun, bien évidemment, d’autant que le PG milite pour le désengagement progressif du nucléaire civil.
Pour tenter de régler cette question douloureuse, le PG et le PC n’ont rien trouvé de mieux que de promettre, qu’en cas d’accès du Front de Gauche à la direction du pays, un référendum serait organisé sur le nucléaire civil.
C’est un camouflet indigne d’un courant politique qui veut relever le défi de l’oligarchie politique et qui se dote d’un programme bâti sur l’éco-socialisme.
Sur la question du nucléaire civil, il ne faut pas tergiverser.
Soit le nucléaire civil comporte trop de risques d’exploitation pour les populations, dans ce cas on programme la fin de cette énergie en lui substituant une énergie moins dangereuse et moins polluante, soit on considère que le risque est « jouable », alors on continue.
Or, scientifiquement, personne n’ose dire que les risques sont mineurs.
Le nucléaire ne peut être comparé à un traité européen, les dégâts en cas d’échec ne sont pas de même nature.
Cette instabilité politique semble créer des remous internes au PG. Le cofondateur de ce parti, Marc Dolez, a quitté celui-ci tout en restant au Front de Gauche, l’économiste Jacques Généreux n’est plus dans les instances dirigeantes !
Il ne s’agit là que des personnes les plus connues.
Sur le terrain, aucune structure estampillée Parti de Gauche n’émerge.
Dès qu’une bonne volonté se présente, elle est tout de suite étouffée par le PC qui ne veut voir qu’une tête, la sienne, quand on parle du Front de Gauche.
Jean-Luc Mélenchon est, semble t’il, convaincu qu’en aboyant cru et dru il va capter les mécontentements autour de sa personne. C’est une erreur et peut-être même une faute.
Un parti de gauche n’a de chance de réussir durablement qu’en présentant un programme clair et crédible et en constituant des équipes dynamiques et actives sur le terrain.
Mélenchon et l’euro : une autre ambiguïté
Le positionnement de Mélenchon et du Parti de Gauche sur l’euro n’est pas particulièrement rationnel.
Certes, Mélenchon avait voté « oui » au référendum du Traité de Maastricht inclinant franchement pour la monnaie unique, mais il avait activement fait campagne pour le « non » au référendum sur le TCE en 2005.
Alors considérer que la monnaie unique nous appartient c'est-à-dire que l’euro a été inventé dans l’intérêt des peuples, me semble relever de la ficelle un peu grosse.
Mélenchon justifie son attachement à la monnaie unique pour s’opposer à la Chancelière Merkel qui voudrait s’en séparer.
Personne ne croit en cette fable.
La vérité c’est que Mme Merkel, comme l’immense majorité de la classe politique allemande, défendra la monnaie unique tant qu’elle pourra la diriger.
D’ailleurs, Mélenchon se prend les pieds dans le tapis quand il explique que Merkel défend l’euro surévalué pour protéger le pouvoir d’achat des retraités allemands qui disposent d’un système par capitalisation.
Certainement sans le vouloir, il apporte la preuve que la monnaie unique à plusieurs pays, dont les économies sont de niveau et de développement économique différents, les organismes de protection sociale construits sur des systèmes opposés, ne peuvent conduire qu’à l’échec.
Faudrait-il sacrifier notre système par répartition pour y substituer la capitalisation ?
Jusqu’à quand Jean-Luc Mélenchon tiendra sur cette ligne ?
Son ami Oskar Lafontaine l’a récemment lâché et, en Grèce, Syriza vient d’exploser.
L’un de ses fondateurs à créé un nouveau parti nommé « Plan B » dont l’objectif est de sortir la Grèce de la zone euro.
 
En l’état, ni le Parti de Gauche, ni le Front de Gauche ne sont en mesure de donner l’espoir d’une alternative politique conduisant à une République sociale et laïque.
Le Front de Gauche n’est pas un ensemble homogène.
Il est dominé par une somme d’intérêts particuliers.
Les uns refusent de choisir clairement entre la rupture franche avec le PS et le maintien d’une proximité avec celui-ci, pour des raisons électoralistes à l’image de ce que pratiquent le PRG et EELV.
Les autres mènent un combat de coqs avec le Front National y compris en choisissant des circonscriptions électorales spécifiques.
Or l’influence du FN ne sera pas réduite de cette manière, les résultats électoraux le prouvent. De la même manière le PG ne progressera pas en draguant les militants et les voix de l’extrême gauche.
Le mouvement trotskiste dans sa diversité ne veut pas du pouvoir dans l’état actuel de nos institutions, il veut la révolution. Laissons-le dans cette idée.
C’est vers les déçus du Parti Socialiste qu’il faut se tourner, mais Mélenchon semble ne pas croire en cette stratégie.
Cependant, je pense que jeter le bébé avec l’eau du bain serait une erreur.
Un mince espoir existe, il appartient aux citoyens de se mobiliser à partir de ces fragiles fondations, pour construire un modèle politique porteur d’une République sociale, laïque, souveraine, consciente de la fragilité des écosystèmes.