En conclusion de mon dernier article, j’indiquais que la polémique qui naissait de la crise automobile était absurde et n’était pas au niveau de l’enjeu.
Je confirme que cette crise est davantage structurelle que conjoncturelle.
Le 25 juillet, au nom du gouvernement, le Ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, a présenté un plan de sauvetage de la filière automobile.
Que faut-il en penser ?
Ce plan ne va pas à rebours de ce qu’il faut faire, mais il s’inspire largement de ce qui a été réalisé au cours de ces deux dernières décennies.
Des aides d’Etat aux particuliers, pour acheter un véhicule neuf, ne sont rien d’autre que l’administration d’un cachet d’aspirine à un paraplégique.
Le point positif de ce plan réside dans le fait que les véhicules concernés sont exclusivement des véhicules électriques et des véhicules hybrides fabriqués, pour une immense majorité d’entre eux, sur le territoire national.
Mais pour combien de temps ? A terme, les constructeurs ne seront-ils pas tentés de délocaliser la fabrication de ces nouveaux modèles ?
Alors quel peut être l’impact de ce plan ?
Il risque d’être faible car la part de l’hybride et de l’électrique dans le parc automobile français n’atteint pas 2 %, autant dire que le maintien de l’emploi grâce au plan Montebourg risque de décevoir.
Par ailleurs, il faut démystifier ce qui entoure ces véhicules classés de propres, qui disposent d’une technologie totalement différente.
àL’un, tout électrique, nécessite une infrastructure particulière, privée et publique, pour recharger les accus. Un autre processus est envisagé : changer le bloc accus dans une station spécialisée pour réaliser un gain de temps appréciable.
Quoiqu’il en soit l’autonomie est d’environ 150 kilomètres.
à L’autre, cumule un moteur thermique (essence ou diésel) et un moteur électrique dont l’énergie est générée lors du freinage. Le plein de carburant se fait, comme pour toutes les automobiles, à une station.
Ce plan chiffré, à 490 millions d’euros, risque d’être un flop, s’il n’est pas considéré comme le premier acte d’une profonde mutation du déplacement individuel.
Le plus important dossier du nouveau gouvernement donne, à l’opposition de droite, l’occasion de se déchainer et de démontrer son irresponsabilité face aux dangers qui menacent notre économie.
Les artilleurs les plus en vue sont Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Valérie Pécresse, ex-ministre du budget, Laurent Wauquiez, véritable « artiste » du contre-pied, qui n’hésite pas à se qualifier de gaulliste social et à déclarer, sans vergogne, que l’assistanat est le cancer de la société française. Enfin, Bruno Le Maire dont le discours glisse dangereusement vers le populisme.
Le député de la première circonscription de l’Eure a récemment déclaré à la radio « Je ne sais pas si nous verrons l’euro à la fin de l’été ou à la fin de l’année en Europe. Il n’y a rien de garanti, il n’y a rien de certain »
De tels propos tenus par un militant du Front National n’auraient rien d’étonnant, mais prononcés par un militant de l’UMP, qui fut en 2008 et 2009, secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, sont plus que troublants.
Ainsi, dans ce contexte de démagogie et de dogmatisme, la droite n’a d’autres arguments que le soi-disant coût élevé de la main d’œuvre en France. Le rejet, par la nouvelle majorité, de la TVA, honteusement qualifiée de sociale ou d’anti délocalisation, est resté en travers de la gorge des battus de mai-juin derniers.
Ce qu’oublient de nous dire les représentants de la réaction, c’est que nos coûts salariaux dans la filière automobile sont proches de ceux pratiqués en Allemagne.
Mais ce n’est pas le seul élément que nous cache l’opposition parlementaire.
Les études montrent que la part sociale dans le coût de fabrication d’une automobile se situe aux alentours de 12 à 13 %.
Ainsi, une baisse du coût du travail en équivalence avec les pratiques d’outre-rhin n’excéderaient pas 300 €. Pas de quoi fouetter un chat pour des véhicules au prix de base de 10.000 € environ.
Ce chantage au coût de fabrication n’est pas nouveau. La taxe professionnelle était accusée d’entrave au développement économique. Elle est désormais supprimée sans que cela ne produise aucun effet positif sur l’économie.
Le seul résultat enregistré est celui de priver les collectivités locales de fonds pour répondre à l’intérêt général. A titre d’exemple, les recettes du budget de la région Haute-Normandie ont été amputées de 9,1 % en 2011 par rapport à 2010.
En vérité, l’opposition comme le patronat, en général, utilisent toutes les opportunités pour humilier les salariés. Le chantage à l’emploi contre les salaires fait recette.
De nouveau, cela vient de se vérifier chez PSA-Sevelnord, où les employeurs ont déclaré accepter la poursuite de l’activité, à la condition de la mise en place d’un accord de compétitivité.
Dos au mur, une majorité de syndicats de l’entreprise ont validé le blocage des salaires pour au moins 3 ans et encore plus de flexibilité, en échange de l’engagement d’une pérennité du site de 3 ans !!!
Des exemples de cette nature ne manquent pas.
Le plus emblématique d’entre eux fut le manufacturier Continental. Les fameux Conti. Cela n’a pas empêché la direction de fermer le site de Clairoix quelques années après les sacrifices consentis par les salariés.
Certes, les confédérations ouvrières refusent de contractualiser les fumeux accords de compétitivité/emploi, mais elles laissent leurs syndicats d’entreprises au feu des employeurs locaux.
Pour les salariés, le résultat est le même.
Les raisons de l’atonie de notre industrie en général et de la filière automobile en particulier ont été déclinées par un ancien ministre de l’industrie de l’actuelle opposition, Christian Estrosi.
En janvier dernier, il accusait, en réaction à l’implantation d’une usine Renault au Maroc, l’ex-régie de « jouer contre la politique du gouvernement et contre l’industrie française » et jugeait « dangereux et insoutenable que Renault, dont l’Etat est le premier actionnaire, réalise du dumping social au Maroc, pour produire des voitures destinées à l’Europe et à la France »
Même si l’Etat n’est pas actionnaire, ni chez Peugeot, ni chez Citroën, les critiques adressées à Renault valent également pour PSA.
Ces accusations trouvent leurs justifications à l’examen des trafics portuaires.
Au Havre, par exemple, à quelques encablures de l’usine Renault-Sandouville, qui peine à survivre, les chiffres de l’exercice comptable 2010 de l’import et de l’export dans le domaine de l’automobile sont éloquents.
à Pour les véhicules de marques françaises 174.300 furent importés, 114.300 PSA venant d’Espagne, de Turquie et d’Europe de l’Est et 60.000 Renault venant d’Espagne et de Corée.
à Pour les véhicules de marques non françaises 56.700 unités furent importées.
Soit un total de 231.000 véhicules.
à Pour les véhicules de toutes marques fabriqués en France, 135.740 furent exportés.
La balance est largement en défaveur de l’exportation : moins 95.260
(Chiffres recueillis dans la parution du 12.12.2011 de Paris-Normandie)
Tous ces chiffres montrent bien où est le problème.
Le coût du travail n’est pas responsable, en France, de la crise de l’automobile.
C’est bien la mondialisation qui conduit à cette situation.