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Les opérations "chloroforme" du gouvernement



Pour n’avoir jamais participé à un exécutif national, beaucoup les qualifiaient de novices et par conséquent d’incompétents.
Or, tout juste un mois après que le verdict des urnes ait qualifié le parti socialiste et ses alliés de majorité présidentielle, les duettistes Mrs Hollande et Ayrault montrent qu’ils ne font preuve d’aucune improvisation.
Est-ce dû à un sens inné de la politique politicienne, ou est-ce le résultat d’une série d’innombrables répétitions en coulisses ?
L’avenir nous le révélera peut-être ?
Quoi qu’il en soit, les résultats sont éloquents mais hélas ne vont pas dans le sens que nous souhaiterions.
Certes, la majorité des électeurs qui ont porté François Hollande au sommet de l’Etat et qui lui ont accordé une majorité nette ont surtout agi pour mettre un terme aux cinq dernières années.
Ils ont eu raison. Il fallait en passer par là.
Mais déjà nous commençons à percevoir les limites du T.S.S. (Tout Sauf Sarkozy)
Depuis le 6 mai, nous assistons à de véritables opérations de « chloroformage » du peuple.
Acte 1 Dans l’incertitude d’une majorité législative
Le score finalement très serré du 2ième tour de la présidentielle (3,60 points) alerta le parti socialiste sur les risques d’aboutir à une majorité législative différente de la majorité présidentielle.
Ainsi, dès son installation à Matignon, le Premier Ministre organisa des consultations bilatérales avec les organisations syndicales et les représentants patronaux, suivies d’une plénière le 5 juin.
A priori, difficile de ne pas approuver la démarche, il faut se parler pour se comprendre.
Mais à la condition d’avoir de réelles intentions à l’égard des plus exposés.
Or ces réunions ne furent que de simples échanges largement médiatisés. L’objet était de montrer à la population que la nouvelle majorité présidentielle opérait une franche rupture avec les discours passés, en particulier celui prononcé, avec morgue, sur les corps intermédiaires et notamment les syndicats de salariés. Ainsi, cette plénière du 5 juin ne produisit  rien de concret, et pourtant, le pouvoir d’achat du SMIC est de la seule responsabilité de l’exécutif. L’impatience et le doute commencèrent à se faire sentir.
          De l’aide aux candidats, aux premières déceptions du peuple
Il semble évident que cette série de consultations avait, avant tout, pour but d’aider les candidats socialistes à la députation. D’ailleurs, une majorité d’entre eux  développèrent leurs arguments de campagne autour de deux thèmes : « le retour du dialogue social » organisé par le 1er Ministre et « la nécessité de donner une majorité législative au nouveau Président »
Après qu’une large majorité socialiste émergea des urnes vinrent très rapidement les premières déceptions.
Sur le SMIC tout d’abord. Le coup de pouce de 0,6 point a déçu bon nombre de salariés qui avaient cru au changement. Par contre, les employeurs apprécièrent, qualifiant cette augmentation de raisonnable.
Autre déception, celle des fonctionnaires de l’Etat. Le ton fut donné par le Ministre délégué au budget qui déclara le 26 juin « Il n’y aura pas un fonctionnaire de plus, pas un fonctionnaire de moins » Le message ne souffrait d’aucune ambiguïté. Ainsi, l’actuel gouvernement, dirigé par Jean-Marc Ayrault, et à n’en pas douter la nouvelle Assemblée Nationale, font leur, la Révision Générale des Politiques Publiques mise en place par la majorité précédente de droite.
Le gouvernement poussa même l’offense jusqu’à considérer qu’il y avait une Fonction Publique prioritaire (Education Nationale – Justice – Police – Gendarmerie) et « les autres »
Pour « ces autres » l’avenir pourrait être encore plus sombre que le vécu des cinq dernières années.
La volonté d’injecter, à juste titre, 60.000 emplois sur 5 ans à l’Education Nationale sera gagée par une ponction sur « les autres ».
Des experts considèrent que dans ces conditions « les autres » subiront le non remplacement de trois agents sur quatre partants à la retraite.
La rumeur court, même si le Ministre de l’Intérieur l’a démentie, que le réseau des sous-préfectures pourrait être lourdement mis à contribution.
Nombre de zones rurales pourraient se retrouver dépouillées de ces établissement décentralisés de l’Etat.
Acte 2 La rigueur européiste qu’il convient de dissimuler !
L’opération de chloroformage s’exerce aussi sur le dossier européen.
Au cours de sa campagne, François Hollande avait indiqué qu’il exigerait la réécriture du Traité de Stabilité, de Coopération et de Gouvernance, pour y introduire un objectif de croissance.
Mais au fil du temps et des rencontres, l’exigence s’estompa pour finalement se réduire à la simple adjonction, au texte initial, d’une annexe faisant référence à la croissance !!!
Dans cette ambiance tristement théâtrale, Juin fut le mois ou se joua une véritable comédie politicienne en trois actes.
1 – pseudo coup de froid sur les relations Hollande/Merkel
2 – relations courtoises Hollande/Monti et Hollande/Rajoy
3 – énième sommet européen dit de la dernière chance des 28 et 29 juin
Cette opération purement relationnelle et de communication atteignit son but : assurer aux marchés financiers que, pour eux, le changement serait la continuité.
Du 3ième acte de cette sinistre comédie sortit une « bouillie » ne satisfaisant que ses acteurs, et pourtant ?
Finalement, l’exigence de croissance devra se contenter de 120 milliards d’euros, soit moins de 1% du Produit Intérieur Brut de l’Union.
A cette mesquinerie s’ajoute le fait que, sur cette somme, 55 milliards étaient déjà budgétés au titre des fonds structurels (aides européennes accordées pour diverses opérations d’investissement)
Il serait intéressant que le gouvernement précise à quel secteur d’activité il entend consacrer la part qui reviendra, peut-être, à la France.
Pour une nation budgétairement indépendante, ou pour une nation    budgétairement chaperonnée
Désormais, très vite va venir la phase de ratification du T.S.C.G. et du M.E.S.
Pour l’instant, le gouvernement n’est pas bavard, mais comme dit le dicton « Méfions-nous de l’eau qui dort »
Faute de ne pouvoir recueillir une majorité des trois cinquièmes du congrès, il semble qu’il ait abandonné la constitutionnalisation de l’équilibre budgétaire. Ouf !
Même s’il est assuré d’une majorité parlementaire (Assemblée Nationale – Sénat) il redoute cependant des ruades de quelques-uns des siens et de quelques-unes des siennes d’autant que le congrès du PS prévu fin octobre à Toulouse ravive les courants.
Pour éviter ces désagréments, nous proposons à l’exécutif l’organisation d’un référendum.
Mais hélas, pour le Président de la République et son gouvernement la démocratie a ses limites.
          Dormez-bien, on s’occupe de vous
La liste des opérations de chloroformage ne se limite pas aux dossiers précités.
A court terme, l’exécutif et le législatif pourraient bien être amenés à croiser deux exigences des tenants de la concurrence libre et non faussée.
L’option libérale d’un retour à la croissance passe par « des réformes structurelles » dit plus clairement :
à contenir fortement les salaires,
à décharger les employeurs de leur contribution sociale
à flexibiliser, encore davantage, l’organisation du travail.
Pour satisfaire ces exigences absurdes, Nicolas Sarkozy avait inventé les accords dits de compétitivité/emploi qui prévoyaient d’ajuster le salaire (surtout à la baisse) et le volume horaire à la densité du carnet de commande.
Difficile pour l’actuelle majorité de reprendre à son compte les visées de sa devancière.
Alors comment faire, sachant que François Hollande, candidat, invité au congrès du SPD, avait rendu hommage aux Allemands d’avoir su opérer des réformes de structures ?
          Décentralisation, phase 3
L’idée serait de mettre en place une troisième phase de décentralisation.
Cette offre satisferait une majorité de Présidents de régions à une double condition :
1 – que l’activité économique leur soit entièrement dédiée,
2 – qu’une latitude leur soit accordée pour adapter les lois nationales au contexte local.
Une loi, allant dans ce sens, serait débattue au cours de l’hiver et promulguée dès le printemps.
Gageons qu’avec ce processus les salariés seraient, en permanence, confrontés au choix cornélien d’accepter des baisses de salaires contre un maintien de l’emploi, par expérience aléatoire, pour « sauver » l’entreprise et rendre la région plus compétitive que ses voisines.
Ainsi, le Code du Travail et les conventions collectives ne représenteraient plus aucune garantie.
Le contrat régional primerait sur la loi nationale.
Les quelques réjouissances énumérées ci-dessus ne constituent pas l’intégralité de notre avenir.
L’augmentation des prélèvements, dont la CSG payée à 80 % par les salariés, fait partie du programme « du changement »
Il ne semble pas que la « Grande conférence sociale » des 9 et 10 juillet fut plus éclairante que la plénière du 5 juin.
La constitutionnalisation du dialogue social est une autre opération de chloroformage.
Les choix de ce gouvernement de centre-gauche et de sa majorité nous invitent à la vigilance.
Peut-être sera-t-il nécessaire de passer à l’action ?
Même si l’abrogation de la loi T.E.P.A., et le rejet de l’augmentation de la TVA honteusement qualifiée de sociale ou d’anti-délocalisation, sont positifs.
Elever le débat
Mais, c’est sur les dossiers de fond que l’on attend un gouvernement responsable, à la tête de la 5ième puissance économique au monde.
La crise de la filière automobile nous revient comme un boomerang.
Mon propos n’est pas de défendre le groupe P.S.A. ou la famille Peugeot, mais on ne peut s’étonner de cette situation quand, depuis de nombreuses années, on laisse l’industrie, dont la filière  automobile, autogérer son business, admettant lâchement, l’argument des industriels selon lequel l’Etat n’a pas à s’immiscer dans l’économie.
Depuis plusieurs mois, le site d’Aulnay faisait l’objet d’inquiétantes discussions. En novembre 2011, Peugeot stoppait brutalement son activité compétition/endurance sans en dissimuler les raisons : urgence à resserrer les budgets du groupe.
Quant aux critiques sur la stratégie, économique et commerciale, faut-il prendre Renault pour exemple, qui « dégraisse » ses effectifs hexagonaux pour conforter ses implantations extérieures, Turquie, Est européen et plus récemment Maroc... ?
Faut-il rappeler que l’ex-régie conforte ses équilibres financiers en produisant des véhicules en Roumanie, y compris pour le marché français, au moindre coût puisque le salaire moyen mensuel de cette filiale se situe autour de 230 € ?
La vérité c’est que le secteur automobile est dans le rouge depuis plusieurs années. Les primes à la casse ne furent rien d’autre que des palliatifs aux difficultés de la filière.
Les raisons sont multiples :
1 – Plus de 60 % des véhicules de marques françaises, immatriculés en France, sont fabriqués à l’étranger !!
2 – Après l’équipement d’un véhicule par foyer, puis deux et parfois trois pour les enfants, la demande est à saturation.
3 – Le développement justifié du transport collectif n’est pas sans effet sur les véhicules individuels.
4 – Le prix des carburants freine les déplacements.
Il faut donc prendre conscience de cette évolution et la traiter autrement que par la polémique stérile.
La relocalisation des véhicules français, immatriculés en France, doit être envisagée.
Par ailleurs, au lieu de gaver les actionnaires de dividendes indécents, il faut réhabiliter le système des préretraites pour permettre aux jeunes de trouver un emploi.
Si gérer, c’est prévoir, c’est peut-être le moment de prendre conscience de l’inévitable mutation économique qui, fatalement, va s’imposer à nos sociétés, notamment sur la question de l’énergie.
De réelles mutations en matière d’emploi existent.
Qu’attend-on pour moderniser nos systèmes de transports, marchandises (ferroutage) voyageurs (chemins de fer et multimodal) ?
Qu’attend-on pour développer les énergies renouvelables ?
Qu’attend-on pour lancer un vaste plan d’économies d’énergie concernant les bâtiments publics et privés ? etc... etc... etc...
De manière globale, nous sommes à la veille de l’autosuffisance des continents en matière de ressources, de recherche et de manufacturation. Seule l’Afrique a du retard, mais son potentiel est énorme à la condition que l’occident et maintenant l’extrême orient cessent de piller ses richesses intellectuelles et géologiques.
La grande question est de savoir si face à cette évolution de l’humanité, nos dirigeants préféreront le partenariat et la complémentarité, responsables, bannissant, de fait, la concurrence stérile, coûteuse et dangereuse.
C’est le moment pour le Ministre du redressement productif de montrer son talent. Mais il semble que la marche soit haute entre la démondialisation et le carcan européen.
 
 
Je voulais livrer mes premières réflexions sur l’activité du nouveau gouvernement et de sa majorité.
Pour la rentrée, je publierai une réflexion sur la question du vote des étrangers.
 
 
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