S'identifier - Contact

Archives par mois


La gauche m'a poussée sur l'échafaud, la droite va me guillotiner



Le gouvernement vient de décider d’ouvrir le capital de La Poste.
Quoiqu’en dise l’exécutif c’est bien un projet de privatisation qui s’organise. Le gouvernement argue d’une nécessaire adaptation de « l’entreprise » pour faire face à l’abandon du monopole prévu par l’Union Européenne, à l’horizon 2011. La gauche (P.S./P.C.) pousse des cris d’orfraie expliquant qu’on casse un service public. Pour cela elle s’associe à des syndicats pour revendiquer la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne.
S’il ne s’agissait pas d’un sujet aussi grave,      nous     pourrions en rire.
D’abord, pour les syndicats, se réduire à revendiquer un référendum situe assez clairement l’impossibilité de mettre en place un rapport de force. Le partenariat social serait-il en difficulté ?
Sans vouloir jouer les anciens combattants, je me souviens du combat mené en 1974, pour s’opposer au projet de Valéry Giscard d’Estaing de démanteler les P.T.T. en privatisant les télécommunications par fusion avec la Compagnie Générale d’Electricité. Cinq semaines de grève suivies par plus de 40 % du personnel (avec des pointes à plus de 60 %) avaient été nécessaires pour obliger le Président de la République à retirer son projet.
Nous étions là dans l’authentique combat ouvrier et plus particulièrement dans la défense du service    public   républicain.
L’initiative de la gauche oblige à s’interroger sur ses réelles motivations, défense d’un service public, qui d’ailleurs n’en est plus un depuis longtemps, ou simple action anti-Sarkozy ?
Cette gauche fait comme si elle n’avait pas de responsabilité historique sur ce dossier. Il semble nécessaire de rappeler que c’est Michel Rocard Premier Ministre et Paul Quilès Ministre chargé des P.T.T. qui avaient décidé à la fin des années 80 de sortir les P.T.T. de l’administration d’Etat, au fallacieux prétexte de dépoussiérer (selon le terme utilisé) le statut des P.T.T. Pour réussir cette opération risquée, un haut fonctionnaire avait été chargé d’une vaste entreprise de communication. M Prévost, dont on dit qu’il avait des accointances cédétistes, s’était prêté à ce jeu. Les postiers et télécommunicants furent dotés d’un volumineux rapport, présenté sous la forme d’un bouquin de poche, des visioconférences interactives furent organisées. Ce grand show médiatique, qui dura plus d’un an, servit de laboratoire pour d’autres privatisations de services publics.
Tout ceci mena à la loi du 2 juillet 1990 conduisant à la séparation des deux activités, postale et télécommunicante, en donnant à chacune d’elle un statut d’EPIC. Très vite, France Télécom devint une société anonyme et son capital fut ouvert en 1996 par le gouvernement Juppé. Une deuxième tranche fut réalisée sous le gouvernement Jospin.
Cette évolution du statut conduisit à la disparition de la moitié des effectifs. Quant aux usagers, devenus clients, ils se débattent dans un maquis tarifaire profitant aux actionnaires de trois grosses firmes qui se gavent des dividendes. En 2005 les trois opérateurs mobiles ont été condamnés     par       le conseil de la concurrence pour entente illicite.
Si, à la fin des années 80, les socialistes, tant à l’exécutif qu’au législatif n’avaient pas ouvert la boîte de pandore, aujourd’hui ils auraient du crédit dans leur opposition à la privatisation de La Poste. Hélas, c’est loin d’être le cas. Est-ce étonnant ?
Leur aptitude à placer les services publics sur le créneau de la concurrence lève toute ambiguïté sur leur positionnement. La décision majoritaire du parti d’appeler à voter pour le T.C.E qui portait le principe de la concurrence libre et non faussée et substituait au service public républicain la notion de service d’intérêt général apte à concéder des délégations de gestion            au        privé,   atteste du        choix.
Cette position fut confirmée en février dernier, quand une majorité de parlementaires socialistes a mêlé ses voix à la droite au parlement réuni en congrès, pour adopter le Traité de
Lisbonne qui réintroduisit ce que les citoyens avaient démocratiquement expulsé le 29 mai 2005.
La question n’est pas d’obtenir une abjuration de la gauche, nous pourrions simplement l’absoudre (oui, je sais cette phraséologie s’affranchit de la laïcité, mais c’est consciemment que je l’utilise pour montrer l’attitude jésuitique du P.S. en particulier et de la gauche en général)
Pour cela, il faudrait que la gauche explique ce qu’elle veut pour La Poste.
Au-delà de s’opposer à la privatisation décidée par le gouvernement, rien de précis n’émerge du côté de la rue Solférino. Or, si l’ouverture du capital est inacceptable le statu quo n’est pas davantage tolérable.
Depuis plusieurs années les services de La Poste se dégradent. La Poste se déleste de ses bureaux en milieu rural. Bon nombre sont transférés aux communes (Agence Postale) à la charge de la fiscalité locale, ou bazardés à des commerces privés (Point Poste) Les services rendus ne sont pas identiques à ceux des établissements dits de plein exercice. Dans la plupart des bureaux les horaires d’ouverture ont été considérablement réduits.
Parallèlement le coût des services a vertigineusement augmenté. Des prestations commerciales ont été imaginées permettant de gonfler les prix. A titre d’exemple, le coût d’une enveloppe pré affranchie pour 20 g est en moyenne supérieur de 0,05 centimes d’euros (32 centimes de francs) à une enveloppe du même type que l’on achète et que l’on affranchit soi-même. .
A l’époque où La Poste était une administration d’Etat, pour faire suivre son courrier lors d’un changement de domicile, de mémoire il fallait dépenser entre 15 et 20 Francs pour une année complète. Aujourd’hui pour un service identique, il faut débourser 40 euros soit 262 francs.
Et         vive      la         modération       des       augmentations !!!
Expliquer qu’aujourd’hui, La Poste est un service public qui fonctionne bien est une erreur. C’est oublier qu’au cours de ces dernières années, La Poste a véritablement été démembrée par l’autonomie de ses activités. La création de la Banque Postale est l’opération la plus visible. Vraisemblablement, celle-ci n’a d’autres buts que de la fusionner dans un grand ensemble bancaire. Son réseau commercial ne laisse pas indifférent.
Quant au référendum d’initiative citoyenne engagé par le P.S., le P.C., le P.R.G. et les Verts, n’y aurait t’il pas là une manœuvre de transfert de responsabilité ?
Faut-il rappeler que ce type de référendum a été introduit dans la constitution par la dernière réforme de cet été, certainement pour se conformer à l’hypothétique Traité de Lisbonne ?
Pour avoir une chance d’être retenu par l’exécutif, deux conditions doivent êtres assurées : 1/5ème des parlementaires et 1/10 des électeurs doivent concrètement le demander. Or, il y a environ 42 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales !!! En clair, il faudrait recueillir plus de 4 millions de signatures. A titre de comparaison, le combat mené contre le fichier Edvige qui a mobilisé beaucoup d’organisations, a permis de collecter 180 000 signatures. La marche est haute, très haute, pour obtenir un référendum d’initiative citoyenne.
Ainsi, dans l’hypothèse d’une impossibilité de recueillir plus de 4.000.000 de signatures les
partis, qui ont pris cette initiative, ne seraient t’ils pas tentés de considérer que finalement les
citoyens veulent la privatisation de La Poste ?
Pour être crédible sur ce dossier, les partis de gauche doivent très clairement préciser quel
type de service postal ils veulent ?
Espérons que nous n’aurons pas trop longtemps à attendre.
 
Article publié le 2 octobre 2008