Nous fûmes quelques uns à avoir eu la faiblesse de penser que François Hollande aurait des pratiques différentes de celles de Nicolas Sarkozy, que le PS et les parlementaires de la nouvelle majorité auraient à cœur d’être plus proches du peuple que l’UMP.
Mal nous en a pris.
Force est de constater que les réflexes politiques de ces deux leaders et de leurs formations sont incroyablement proches.
La gestion du Traité de Stabilité, de Coordination et de Gouvernance, initié et rédigé par quelques technocrates bruxellois, est identique à celle concernant le Traité de Lisbonne de 2008.
Dans un cas comme dans l’autre, les citoyens sont priés de s’écarter du chemin pour laisser les néolibéraux européistes agir sans entrave.
Nous avons eu la faiblesse de croire en l’adage : « L’histoire ne se répète jamais »
Nous avons eu tord.
En 2008, Nicolas Sarkozy avait fait entériner le Traité de Lisbonne (frère jumeau du Traité Constitutionnel Européen rejeté par le peuple lors du référendum du 29 mai 2005) par le Parlement à majorité UMP.
En 2012, François Hollande chausse les bottes de son prédécesseur et s’apprête à confier au Parlement à majorité PS le sort du T.S.C.G., c'est-à-dire à l’entériner. De fait, il imite Nicolas Sarkozy alors que François Mitterrand, en 1992, avait soumis à référendum le Traité de Maastricht et Jacques Chirac, en 2005, avait fait de même pour le TCE.
Incontestablement, ce T.S.C.G. couplé au M.E.S. (Mécanisme Européen de Stabilité) tourne le dos au principe élémentaire de la République qui veut que les représentants du peuple, élus et mandatés par celui-ci, votent librement le budget de la nation.
Ainsi, François Hollande aujourd’hui, comme Nicolas Sarkozy hier, piétine sans vergogne l’article 2 de la Constitution française « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »
Un budget sous tutelle permanente
Concrètement, avant d’être présentés aux assemblées législatives de chaque pays, les projets de budget devront être visés par les technocrates de Bruxelles pour conformité aux règles de l’austérité budgétaire européenne.
Parmi les critères contenus dans le traité, citons :
- un déficit inférieur à 0,5 %, sous peine d’amende
- une maîtrise des dépenses sociales (Sécu – retraite – indemnités de chômage etc...)
- et un programme dit de compétitivité (flexibilité de l’emploi et des salaires)
Par ailleurs, toute aide budgétaire de l’Union Européenne serait conditionnée à un tour de vis social supplémentaire.
En fait, si on appliquait aux particuliers le T.S.C.G. cela voudrait dire qu’un ménage, ou un individu, ne pourrait décider de ses propres dépenses qu’après avoir reçu le feu vert de sa famille, voire de ses voisins !
Comment peut-on oser parler de solidarité européenne ?
Si le T.S.C.G. venait à s’appliquer, cela signifierait la fin de ce que fut notre modèle social et nous entrerions dans une période post-démocratique.
Cette prévision n’est pas de moi, même si je la partage, mais du sénateur Chevènement qui pourtant n’a pas ménagé son soutien à François Hollande au cours de la campagne présidentielle.
L’austérité, sauce hollandiste
Celles et ceux qui penseraient que mon propos est exagéré devraient alors s’interroger sur la signification de deux évènements récents.
Le 25 août, le Président Hollande a reçu à l’Elysée le 1er Ministre grec (droite européenne) Antonis Samaras.
En substance, la conclusion du Président français a été la suivante « La Grèce doit rester dans la zone euro, mais pour cela le gouvernement grec doit appliquer toutes les réformes promises »
Le 30 août, c’est à Madrid que le locataire de l’Elysée rencontra le chef du gouvernement Mariano Rajoy (droite européenne)
Le discours du Président français ne dérogea pas à celui d’Herman Van Rompuy exprimé quelques jours plus tôt et s’avéra en osmose avec celui de Mme Merkel prononcé le 6 septembre, elle aussi en visite à Madrid.
En substance, le message était clair, l’Union Européenne ne laissera pas tomber l’Espagne mais à la condition que d’importantes réformes structurelles soient poursuivies.
Exprimé de manière triviale, mais à l’égale dimension de la violence du propos, cela peut s’exprimer ainsi « l’Europe vous donnera du pognon à la condition que vous meniez une guerre sans merci au peuple pour lui arracher une baisse drastique des salaires et une réduction maximale de la protection sociale »
Or, en Grèce comme en Espagne, la vie du peuple est un véritable enfer (Voir article posté sur ce site intitulé : Le trou noir du syndicalisme) Chez les hellènes, le taux de suicide, déjà très élevé au cours de ces dernières années, ne cesse de croître.
En Grèce, au 2ième trimestre 2012, le taux de chômage était de 24 % - 16,3 % à la même période de 2011. Pour les jeunes de 15 à 24 ans, le taux de chômage est de 54 % et de 36,8 % pour la tranche de 25 à 29 ans.
Le résultat des 9 plans d’austérité imposés au peuple grec depuis 6 ans conduit à une chute du PIB de 7 points en 2012 sur 2011.
Pour l’Espagne, la situation sociale n’est pas meilleure. Le taux de chômage est actuellement de 24,63 % - 52,28 % des jeunes de 16 à 24 ans sont sans emploi. Dans un million sept cent trente huit mille foyers, aucun membre de la famille ne travaille !!!
Dernièrement, la troïka (Union Européenne, BCE, FMI) a autorisé, qu’en Grèce – peut-être, faut-il dire a imposé – le principe du licenciement sans indemnité dans le privé comme dans le public et la semaine de 6 jours de travail.
Face à cette énième phase de régression sociale, une grève générale est prévue pour le 26 septembre.
Voilà la conception du changement du nouveau Président de la République française.
S’imaginer que cette régression sociale, qui veut faire revenir 60 ans en arrière, n’aura aucun effet sur nos conditions de vie est une grave erreur.
Comment interpréter l’injonction du gouvernement à l’adresse des syndicats de négocier avec le patronat plus de flexibilité contre une fumeuse sécurité professionnelle ? Ajoutant à cet ordre : si pour la fin de l’année aucun texte n’est négocié, le législateur se saisira de l’affaire.
Dans un contexte d’interpénétration de l’économie et de la finance, la concurrence intra-européenne va amplifier sa férocité. Plus besoin d’aller dans les pays de l’ex-Union Soviétique pour trouver de la main d’œuvre bon marché. La Grèce, l’Espagne, le Portugal, mais aussi l’Italie et l’Irlande, feront office d’eldorado pour les affairistes, seulement pour les affairistes. Déjà, PSA a fait son choix, il ferme Aulnay, massacre l’usine de Rennes, mais garde le site de Madrid. Cherchez l’erreur !
Méfions-nous que cette déferlante nous submerge également.
Une situation cauchemardesque pour les progressistes
Même si, pour le peuple de gauche, la situation politique actuelle est cauchemardesque, il faut être lucide, le pouvoir issu des urnes le 6 mai dernier et la nouvelle majorité résultant du scrutin du 17 juin travaillent à la généralisation de la régression sociale.
Les faits sont là et incontestables.
Ainsi, le mouvement ouvrier est amputé de son aile politique, reste son aile sociale.
Hélas, elle n’est pas en meilleure santé.
Depuis près de 10 ans, l’utilisation de la formule « partenariat social » n’est pas un écart de langage mais une posture assumée. La réforme des retraites de l’automne 2010 avait montré de nombreux signes d’inquiétude. La mobilisation des appareils n’était que de façade. Mais il faut remonter au printemps 2005 pour situer l’origine du malaise (voir rubrique Réflexions de fond : Articles - Fusion, absorption, le syndicalisme international n’y échappe pas, du 25/03/07 sur site le 7/08/12 – Dialogue social ou politique de l’os à ronger, du 22/06/08 sur site le 7/08/2012 – Elections prudhommales : c’était prévisible, du 17/12/08 sur site le 17/09/2012)
Aujourd’hui, la situation est ubuesque.
Alors qu’un énième traité européen, en voie de légalisation, institutionnalise l’austérité à vie, la seule réponse apportée par la technostructure qualifiée de partenariat social va du soutien clair au texte à l’adresse d’une missive contestataire aux parlementaires !
Seule, une organisation exprime plus fermement son opposition, sans toutefois aller trop loin.
En Haute-Normandie, la presse écrite et audiovisuelle a permis récemment l’expression des technostructures régionales et départementales.
Les propos tenus tiennent de l’incompréhensible puisqu’ils vont de l’incantation à l’énumération de statistiques sur les pertes d’emplois et les reculs sociaux.
Pas besoin de « partenaires sociaux » pour connaître le recul industriel, la montée du chômage et de la précarité.
L’INSEE produit régulièrement des statistiques et des analyses fiables et de qualité. Il en est de même des organes officiels comme la DARES.
La responsabilité n’est pas celle d’analyser en permanence les conséquences, mais d’identifier les causes et d’organiser le rapport de force.
Ce que l’on attend, ce sont des initiatives de combat.
Concrètement, aujourd’hui, nous ne sommes plus dans le choix d’un homme ou d’une femme pour la plus haute responsabilité de l’Etat. La question n’est pas celle de choisir l’orientation de la majorité parlementaire. Ces choix appartiennent désormais au passé et sont de la responsabilité de chaque citoyen.
La question posée aujourd’hui est clairement celle du respect de la dignité de celles et ceux dont les conditions d’existence dépendent d’un bulletin de salaire, d’une indemnité de chômage ou d’invalidité, d’une pension de retraite.
Allons-nous encore assister longtemps à l’esseulement des militants d’entreprises et des salariés confrontés aux manœuvres capitalistes conduisant à la fermeture des sites industriels ?
Apporter son soutien par quelque déclaration verbale face à un micro ou devant une caméra n’a jamais constitué une volonté de s’attaquer au capitalisme dévastateur. Cette attitude est un refus de combattre.
Allons-nous devoir briser d’autres chaînes que celle du patronat ?
Autre curiosité, la date du 9 octobre. Un mouvement social serait organisé à cette date sous l’égide de la très truculente Confédération Européenne des Syndicats. Mais en France, une seule organisation en fait état. Comprenne qui pourra.
Le risque de reconduire une droite décomplexée est écarté
A ce jour, seul le Front de Gauche et quelques autres expliquent avec crédibilité les enjeux de ce TSCG et proposent une action le 30 septembre à Paris.
On peut ne pas être d’accord avec l’ensemble du programme politique du Front de gauche, on peut considérer que tel ou tel de ses représentants est trop ceci ou pas assez cela, mais il faut aller à l’essentiel.
L’indispensable mobilisation
La question n’est pas d’apporter son soutien au Front de Gauche ou à l’une de ses composantes mais de considérer que l’essentiel est de montrer sa force d’opposition à une orientation politique qui, si elle s’appliquait, nous conduirait à un recul de 60 à 70 ans en matière sociale.
Nous ne sommes plus sur un choix partisan (cela a été fait le 6 mai et le 17 juin) mais sur un choix de société.
Alors, mobilisons-nous pour la marche du 30 septembre, sans perdre de vue que cette bataille ne se limitera pas à cette seule date.
Le combat contre le T.S.C.G. devra se poursuivre, jusqu’à l’obtention d’un référendum.