S'identifier - Contact

Archives par mois


Unir la Basse et la Haute-Normandie, pour quoi faire ?



L’unification de la Normandie n’est pas un dossier normando-normand. Incontestablement et opportunément il est et sera un laboratoire pour engager et peut-être finaliser la fin de l’organisation politique et administrative de la République Française, même si déjà l’apparition des régions faisait une entorse au principe d’une République une et indivisible.

Or ce qui se prépare sort du cadre national pour s’inscrire dans celui d’une Europe des régions. L’exemple normand n’est pas isolé, celui de l’Alsace en est un autre même s’il ne s’agit pas d’unifier deux régions, mais deux départements. 
La Haute-Normandie a, avec sa région sœur, la Basse-Normandie, une particularité au sein de notre République, celle de chercher à se constituer en une seule et même région.
A priori, la chose va de soi et même s’impose.
Pour les femmes et les hommes de gauche qui mettent l’individu, quel que soit son statut au cœur de leurs préoccupations, cette volonté de rapprochement n’est pas aussi évidente et mérite, pour le moins, analyse.
Leur devoir et leur responsabilité est d’en mesurer bien évidemment les avantages, mais il serait inconcevable qu’ils n’en évaluent pas  les inconvénients.
Voici près de dix ans que plusieurs élus locaux et nationaux des deux régions utilisent ce thème de la fusion des deux normandies comme « hochet » électoral. Le maître d’œuvre de ce jeu fut le député de la 3ième circonscription de l’Eure, aujourd’hui Ministre de la Défense.
Ce dossier ébranla les partis, du P.S. à l’U.M.P., sans épargner le P.C. et à un moindre degré les centres. L’unanimité pour une position ou l’autre fut et reste très difficile pour ne pas dire impossible. Ces divisions perdurent. Quand elles s’estompent, ce n’est que très rarement sur des raisonnements de fond, mais à chaque fois pour satisfaire des stratégies électorales.
Pour tenter de maîtriser ce dossier, un bref rappel historique s’impose.
Un bref rappel historique
Il faut tout d’abord démystifier la formule utilisée « réunifier la Normandie » accréditant l’idée que dans un passé plus ou moins récent, la région Normandie aurait été cassée en deux.
Cette version est historiquement fausse, car l’entité politique et administrative qu’est la région n’existe que depuis un demi-siècle. 
C’est en 1956 que 21 régions furent constituées. Deux ans plus tard des « Plans régionaux de développement économique et social d’aménagement du territoire » virent le jour. Puis un décret du 2 juin 1960 institua deux régions, la Basse et la Haute-Normandie, le tout entériné par les lois de décentralisation de 1982. 
Par contre, ce que porte l’histoire de notre pays c’est l’entité « province ». Sous l’Ancien Régime, la Normandie était une division territoriale du Royaume de France.
Or, de fait et légalement, les provinces n’existent plus depuis 1789. Elles sont remplacées par les départements créés en 1790.
Ainsi, revendiquer la réunification de la province de Normandie a autant de sens que de demander la recréation politique et administrative de l’Aunis, de la Saintonge, de souhaiter le retour du comté de Nice et pourquoi pas de donner l’indépendance à la Corse !!!
Certes, l’histoire et la culture normandes existent. Son passé religieux dont de nombreuses abbayes en font témoignage. L’invasion des Vikings, le Traité de St Clair sur Epte, les relations historiques avec l’Angleterre, le débarquement de 1944 etc, etc… l’attestent.
Il n’est pas question d’ignorer et d’essayer d’effacer ce passé, par certains côtés, riche en architecture. Des structures associatives et officielles existent, il faut les aider à entretenir cette mémoire tant mémorielle que physique.
Et tout ceci peut se réaliser dans le découpage politico-administratif actuel.
Pour la plupart des normands, s’il ne s’agissait que d’écouter son cœur, le processus d’unification n’a que trop tardé. Ceci étant, sur ce dossier comme sur d’autres, la maîtrise de l’émotion s’impose pour s’interroger sur les motivations des « politiciens » qui poussent à l’unification. 
 
Ainsi, les partisans de l’unification font valoir deux idées principales :
1 - Faire des économies de gestion administrative (dit plus clairement, supprimer des services publics et corrélativement des emplois publics)
2 - Adapter nos régions au contexte européen (là aussi, dit plus clairement, réduire le nombre de nos régions pour n’en laisser subsister que 6 ou 7 dans le but de réduire au maximum le rôle de l’Etat, pour aboutir au principe cher aux européistes, l’Europe des régions)
L’unification, pour quoi faire ?
Si l’unification de la Normandie n’est pas motivée par la nostalgie d’une organisation territoriale de l’Ancien Régime, quel est donc l’objectif recherché ?
Depuis cinq ou six ans, les autorités politiques locales s’intéressent à ce dossier, les unes pour promouvoir l’unification, les autres pour l’édulcorer et d’autres encore pour la repousser. 
Pour tenter d’y voir clair et de mesurer concrètement les avantages et les inconvénients d’une fusion des deux régions, les Présidents des exécutifs régionaux ont commandé deux rapports.
En 2003, les deux Conseils Economiques et Sociaux concernés furent sollicités, voir site : www.cesr-haute-normandie.fr. Le résultat des travaux n’apporta que peu d’enseignements probants, la faute incombant à des représentants de la société civile trop clivés, excluant toute analyse objective. 
Ce rapport n’apportant que peu d’informations utiles, les deux Présidents de Région décidèrent de confier à un cabinet d’experts une étude objective. Le cabinet E.D.A.T.E.R. fut retenu. Son rapport apporte des éclairages suffisamment précis pour permettre à chacune et à chacun de se faire sa propre opinion. Il peut être consulté sur le site www.region-haute-normandie.com.
Pour les femmes et les hommes de gauche dont le premier souci est de défendre les intérêts de ceux qui souffrent, entre autres de la mondialisation financière, la question est de savoir ce qu’apporterait l’unification de la Normandie en matière de niveau de vie.
Le Produit Intérieur Brut de la « Normandie »
L’argument privilégié des partisans d’une région de la Normandie est le niveau du produit intérieur brut (P.I.B.)
Les rapports publiés apportent des données statistiques peu convaincantes dans ce domaine.
En premier lieu, il est fait état du P.I.B. global. Dans le cas d’une fusion, si l’on s’en tient à la mathématique, cette région serait classée au 5ième rang national pour un classement actuel au 13ième rang pour la Haute-Normandie et au 18ième rang pour la Basse-Normandie.
Mais, si l’on regarde le P.I.B. en moyenne par habitant, la région Normandie passerait au 10ième rang contre une 5ième place actuelle pour la Haute-Normandie et un 13ième rang pour la Basse-Normandie !
Par ailleurs, la question venant immédiatement à l’esprit est celle de savoir s’il existe un parallèle entre l’augmentation du P.I.B. et le niveau de vie des citoyens les plus exposés (salariés – chômeurs – retraités – petits commerçants – artisans – petits agriculteurs)
La réponse est non. Paradoxalement, c’est même devenu le contraire puisque avec la mondialisation financière le coût du travail est désormais la seule variable d’ajustement.
Donc, exhiber et comparer le P.I.B. est une sorte de manipulation de l’information.
La preuve la plus criante se trouve hors de nos frontières hexagonales. Le taux de croissance de la Chine est depuis plusieurs années à deux chiffres. Est-ce pour autant que le milliard trois cents millions d’habitants bénéficie d’une amélioration du niveau de vie ? Vous connaissez la réponse.
Il n’est pas déplacé d’écrire que le risque d’aggravation des conditions de vie de la population la plus exposée existe, dans le cas d’une unification de la Normandie.
Un risque pour les garanties sociales
Le regroupement des deux régions normandes s’inscrit dans un ensemble politique bien défini, la régionalisation. Le principe étant de placer les régions en situation de concurrence.
Cette régionalisation au plein sens du terme conduit les exécutifs à disposer d’un arsenal règlementaire voire « législatif » permettant d’adapter les lois nationales au contexte régional. C’est une demande forte de plusieurs élus régionaux et nationaux.
Ainsi, dans le cadre de la mise en concurrence des régions, les différents textes législatifs et règlementaires nationaux pourraient subir de sérieuses inflexions (code du travail – conventions collectives – code de la Sécurité Sociale etc, etc…)
Nous serions dans la course au « moins-disant social »
Il en serait complètement terminé de la République solidaire, une et indivisible.
Par ailleurs, ces regroupements de régions s’inscrivent dans une perspective de construction européenne des régions effaçant les Etats. Tout ceci s’organisant à partir d’une économie libre et non faussée, la Cour Européenne de Justice élaborant le droit, notamment social, au fur et à mesure des saisines dont elle fait l’objet.
C’est la remise en cause de notre droit social issu du Conseil National de la Résistance.
Emploi en baisse, fiscalité en hausse
Nous venons de voir que l’unification de la Normandie est davantage synonyme de perte que de gain pour celles et ceux qui pâtissent de la globalisation.
La perte d’emplois publics qui découlerait de cette unification causerait, à n’en pas douter, des drames familiaux. Mais la chose pourrait être prise avec recul si, en parallèle, l’emploi issu du secteur concurrentiel explosait. Hélas, rien n’est moins sûr.
Dans ce monde hyper libéral qui fait, de la libre circulation des individus, des marchandises et des capitaux, son credo, quelle entreprise peut dire qu’elle est entravée dans son développement par les limites administratives d’une région ? Même les frontières des  Etats au sein de l’Europe sont devenues fictives.
Les rapports (CESR et E.D.A.T.E.R.) se sont limités à additionner un volume de P.I.B. et à en calculer des moyennes.
Si des stratégies d’entreprises multinationales décidaient de délocaliser leur production, voire même leur recherche et développement vers des horizons où l’emploi est quasiment taillable et corvéable et la protection de l’environnement une préoccupation plus que mineure, la Normandie unifiée serait-elle la solution pour stopper ce déménagement économique et social ?
Bien évidemment non, car en Ile-de-France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Midi-Pyrénées, grandes régions s’il en est, les délocalisations ne sont pas jugulées. 
Sur la question fiscale, les études ne sont pas davantage rassurantes. « La lettre de Haute-Normandie » l’hebdo de référence des décideurs régionaux depuis 25 ans précise « En termes de fiscalité, l’étude (EDATER) pointe l’impact négatif non négligeable sur les résidents de la Haute-Normandie des deux scenarii possibles que sont l’alignement sur les taux les plus élevés d’une part, l’application de taux moyens pondérés d’autre part »
Le décryptage de cette analyse ne souffre pas ou peu d’ambiguïté. L’alignement sur l’imposition la plus élevée obligerait les contribuables hauts normands à faire de gros efforts. Si la moyenne était le choix retenu, l’augmentation serait moindre, mais importante tout de même.
Faut-il préciser qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter d’autant qu’il y a fort à parier que la suppression de la taxe professionnelle risque de se reporter sur la fiscalité des particuliers ?
Un silence inquiétant qui invite à la vigilance
Curieusement, volontairement ou involontairement, les deux rapports (C.E.S.R. et E.D.A.T.E.R.) font l’impasse sur le positionnement de l’Etat dans le cas d’une fusion des deux régions.
Et pour cause. Lorsque le Président de la République confirma le 25 septembre 2008 son idée générale d’ouvrir le chantier de la réforme des structures territoriales, il justifia son choix en précisant qu’il y avait un gisement d’économies à réaliser en matière de dépenses publiques !!!
Le message ne peut pas être plus clair et correspond idéologiquement au principe légal de la Révision Générale des Politiques Publiques impulsée par la majorité présidentielle actuelle. Le soi-disant « moins d’Etat, pour mieux d’Etat » !!! 
Le mutisme de l’Etat réside dans sa volonté de pérenniser ou non ses services déconcentrés dans l’hypothèse d’une fusion de la Haute et de la Basse-Normandie.
Que deviendraient les services extérieurs fondamentaux pour les conditions de vie des citoyens de la République Française deux Centres Hospitaliers Universitaires, les deux Cours d’Appel, les deux Rectorats, les deux Tribunaux Administratifs etc… ? Sans oublier, même si ces services ne sont pas liés au choix des gouvernements mais à l’application de la loi, les deux Conseils Régionaux et les structures de recherche, entre autres, plus ou moins liés matériellement aux exécutifs régionaux ?
Certes, les partisans de l’unification de la Normandie nous opposent que la règle, par exemple d’un CHU par région, d’un Rectorat par région, comporte des exceptions comme deux Rectorats en Ile de France, Rhône-Alpes et P.A.C.A. et plusieurs CHU en Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Pays de Loire.
Mais peut-on comparer la taille et l’importance de ces régions avec l’éventuelle Normandie ?
Peut-on faire confiance aux gouvernements d’essence ultralibérale qui ont pour objectifs de réduire la taille et le rôle de la Fonction Publique ?
Bien évidemment, il serait démagogique et non crédible de gloser sur la disparition de l’un des deux Centres Hospitaliers Régionaux, mais il est responsable d’alerter sur les risques de la perte du qualificatif d’Universitaire de l’un des deux. Or, c’est une partie non négligeable de l’enseignement et de la recherche qui disparaîtrait et des fonds qui en découlent.
Pour les autres services tels le Tribunal Administratif, la Cour d’Appel etc…pour bon nombre de citoyens la distance géographique de ces services s’agrandirait encore davantage. Comment alors parler d’un rapprochement du citoyen de l’Administration ? 
Un jeu politicien
Par ailleurs, on ne peut ignorer que la manœuvre politicienne prend une part non négligeable dans cette affaire. N’oublions pas que politiquement le dossier de l’unification fut à l’origine porté par le député de la 3ième circonscription de l’Eure, actuel Ministre de la Défense.
Mais surtout, on ne peut oublier, qu’entre les deux tours de la présidentielle de 2007, le député de l’Eure amarra une fraction de l’UDF à la majorité du candidat, futur président, éclatant de ce fait le mouvement centriste et marginalisant son leader pyrénéen qui se voulait l’opposant de droite le plus déterminé au Président Sarkozy. 
Ainsi, l’idée que le Président de la République profite du dossier global de la réorganisation des structures territoriales pour renvoyer l’ascenseur à son bienfaiteur normand n’est pas une vue de l’esprit, d’autant que le coup de main de ce même bienfaiteur ne sera pas superflu pour l’échéance de 2012.
L’hôte de l’Elysée a d’ailleurs confirmé ce « partenariat » lors de son discours du 20 octobre dernier prononcé en Haute-Marne. L’ancien député de la 3ième circonscription de l’Eure n’ayant  pas manqué de faire écho à cette annonce renouvelée en précisant que la campagne des régionales s’appuierait, entre autre, sur l’unification de la Normandie avec l’organisation d’un référendum en 2011.
Une question embarrassante, le choix de la capitale 
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le choix de la capitale ne devrait pas être la question à poser en fin d’étude de ce dossier.
Cette question est majeure car elle touche à l’acquis électoral des élus locaux. 
Les élus de Caen et des environs ne seraient pas opposés à l’unification à la condition que la capitale de la Basse-Normandie devienne le Chef-lieu de la Normandie. A l’inverse, les élus rouennais et de l’agglo pourraient faire un effort si Rouen accédait au statut de capitale régionale.
Contrairement à ce qui pourrait venir à l’esprit, la préservation du pré carré électoral n’est pas la motivation ou la seule motivation. Les évaluations contenues dans l’un des deux rapports font état d’une perte de 1721 emplois publics pour Caen si Rouen devenait la Capitale et inversement de 1754 emplois perdus pour Rouen si Caen devenait le Chef-lieu régional.
Quel élu peut être indifférent au risque prévisible d’autant que la compensation en emplois du secteur concurrentiel est loin d’être assurée ? 
Mais les thuriféraires de l’unification ne manquent pas d’ingéniosité. Ils ont en quelque sorte coupé la poire en deux.
L’une des villes pourrait devenir la capitale politique, l’autre la capitale économique. La préfecture de Région et le Conseil Régional pourraient avoir leur siège dans des villes différentes, l’un ou l’une sur les bords de l’Orne, l’autre sur les rives de la Seine !!!
Une simplification pour les citoyens, bien évidemment, sans compter que Le Havre, se sentant lésé, crie : « et moi, et moi » !!! 
Nous sommes là en pleine absurdité d’autant que des exemples de difficulté de cette nature existent en France, entre Reims et Chalons en Champagne, Nancy et Metz.
A l’heure où l’exemple européen est clairement posé entre Bruxelles et Strasbourg, un gouffre à fonds publics, voilà que certains n’hésitent pas à en rajouter une couche pour simplement satisfaire leur dogme régionaliste.
Quelle identité normande ?
Quant à la fameuse identité normande, il est bon de raison garder.
Au nord de la Seine-Maritime, la vallée de la Bresle est bien davantage picarde que normande, d’ailleurs la Chambre de Commerce et d’Industrie assure son activité des deux côtés des limites régionales. La topologie du secteur de Pacy-sur-Eure, Ezy-sur-Eure, Ivry-la-Bataille est plus proche de l’Ile-de-France que de la Normandie du Pays d’Auge. Pour les habitants du sud de l’Eure, l’attirance vers le département de la région Centre et plus précisément Chartres est bien plus forte que pour Rouen ou Caen. Le pays d’Avre, d’Eure et d’Iton englobe des communes de l’Eure et de l’Eure-et-Loir.
Côté Basse-Normandie, les alençonnais voient dans la ville du Mans un intérêt supérieur à Caen et que dire de Rouen. Enfin, s’agissant du sud Manche, Rennes est la ville de référence.
Comparaison n’est pas raison
Pour ce qui est de la comparaison avec les Länder allemands, là aussi, la vérité s’impose. La construction de la jeune Allemagne (moins de deux siècles) repose sur le principe du fédéralisme. Ne porte t’elle pas le nom de « République fédérale d’Allemagne » ? Le fédéralisme fut renforcé au lendemain de la deuxième guerre mondiale pour empêcher la résurgence d’un IIIe Reich et toutes les atrocités que celui-ci induisit.
Cependant, force est de constater que ce régime fédéral n’est pas, aujourd’hui, socialement supérieur au principe républicain français. La pauvreté et l’exclusion progressent également outre-Rhin, le SMIC n’existe pas et l’âge de départ à la retraite est maintenant fixé à 67 ans.
Voilà pourquoi toutes comparaisons méritent une analyse sérieuse et dénuée d’à priori partisan.
Conclusion
Sur cette ligne unificatrice, on trouve deux courants de pensée :
1 - des européistes partisans d’une Europe des régions
2 - des régionalistes, souvent autonomistes, plus ou moins convaincus de l’Europe.
Dans un prochain papier, je montrerai comment ces apprentis sorciers n’hésitent pas à tenter de marier le feu et l’eau pour arriver à leurs fins : détruire les fondamentaux de la République Française issus de 1789.
 Nous avons l’urgent besoin de ne pas laisser faire. 
Des limites, des frontières, il en faut pour assurer la gestion des territoires, mais la sagesse impose de respecter celles établies par l’Histoire, souvent façonnée par de durs conflits.
La paix devrait avoir ceci de supérieur aux périodes troublées, celle d’avoir l’intelligence d’accepter  les limites et frontières existantes, dans l’intérêt général.
L’important est que l’Etat assure l’égalité et la solidarité sur l’ensemble du territoire français. C’est à lui, et à lui seul, avec le concours des entités politiques locales, d’assurer les infrastructures nécessaires, les solidarités indispensables et d’imposer des règles de redistribution des richesses produites.
Puisque régions il y a, celles-ci doivent pratiquer le partenariat, la complémentarité, mais aucunement la rivalité et la compétitivité qui s’opposent aux intérêts de la classe ouvrière.
 
Article publié le 23 octobre 2009
 
 
L’analyse, concernant l’avenir de la Normandie, a été réalisée en deux temps et publiée ainsi sur le site ami. Voici le deuxième volet.
 
 
En conclusion du premier, j’indiquais que derrière cette volonté d’unification de la Normandie se dissimulait, en fait, pour les plus actifs, la volonté de détruire les fondements de la République.
Les régionalistes sont ces ignobles démolisseurs.
Profitant des convulsions qui minent notre voisine la Belgique, même si depuis quelques mois la pression semble retomber, les pourfendeurs de la République lèvent le voile de leurs intentions.
Celles-ci sont consternantes et très dangereuses.
Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que ce petit pays de 10.500.000 habitants, créé en 1831 est géré par une monarchie constitutionnelle et composé de trois régions, la Flandre, la Wallonie et Bruxelles capitale.
Depuis une trentaine d’années des différends linguistiques menacent fortement l’unité de cet Etat fédéral.
Les risques de scission et d’éclatement sont bien réels.
Il n’en fallait pas plus pour aiguiser les appétits de nos régionalistes, y compris normands, d’autant que les européistes ne verraient pas d’un mauvais œil l’amoindrissement d’un Etat de l’Union, voire sa disparition.
C’est ainsi que dans l’une de leurs récentes publications, des régionalistes normands apportent leurs solutions. Pour cela, ils donnent la parole à l’un de leurs acolytes belges, leader d’un groupuscule appelé « rattachiste » Outre le fait que généralement quand on ouvre ses colonnes à un tiers, on partage ses orientations, l’article est rédigé d’une telle manière qu’il entretient l’ambiguïté sur la paternité de la rédaction. Ainsi, il est difficile de savoir qui s’exprime, le rattachiste wallon ou le régionaliste normand ? Et si c’était une paternité partagée ?
Mais, venons-en au fond.
Après bien des atermoiements dus à des projets plus irréalisables les uns que les autres, voilà que le « rattachisme » wallon sort de son chapeau un ultime scénario montrant l’irrationalité de ce courant de pensée. Il préconise un rapprochement de la Wallonie et de Bruxelles francophone à la France. Outre cette préconisation plutôt curieuse, les conditions de celles-ci méritent d’être connues.
Au préalable, il serait question de la création d’une Belgique Française, associée à la France et non rattachée, disposant ainsi d’un statut particulier.
Pour le « rattachisme », la République Française serait compétente sur ce nouveau territoire en matière de nationalité, de politique étrangère, d’immigration… et la Belgique Française déterminerait librement les signes distinctifs permettant de marquer sa personnalité dans les manifestations publiques officielles aux côtés de l’emblème national et des signes de la République. Pour justifier cela, le couple « rattacho-régionaliste » s’appuie sur les statuts de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie même si pour cette dernière le statut n’est pas encore appliqué.
Chacun pourra remarquer qu’au-delà de l’absurdité du système présenté, bien des compétences sont restées dans l’ombre. L’amnésie est utile pour éviter de traiter les questions embarrassantes.
Mais la curiosité ne s’arrête pas là.
La Belgique Française garderait son roi et nos funambulistes de la constitutionnalité  vont chercher leurs arguments jusqu’à Wallis-et-Futuna, archipel éloigné de l’hexagone d’environ 15.000 kilomètres et géré par des royautés aristocratiques électives. Ces propositions sont bien évidemment dangereuses pour l’unité de notre République d’autant que les pourfendeurs de nos institutions se découvrent totalement quand ils précisent : « les élus locaux français, las de subir la pesante tutelle de l’Etat central qui leur impose des dotations de fonctionnement amoindries, des suppressions de tribunaux, des départs de garnisons et des fermetures d’hôpitaux, exigent, fort de cet exemple si proche géographiquement, eux aussi une plus grande liberté administrative »
En clair, ils préconisent le démantèlement de la République Française et l’indépendance régionale.
Pour couronner le tout, ces aventuristes de la politique ne s’embarrassent pas avec les questions gênantes. Le déficit de l’Etat belge est comme partout en Europe, bien présent, alors nos « rattacho-régionalistes » apportent une autre curieuse solution. Ils comparent ce problème à un divorce. Selon eux, il suffirait d’évaluer la dette en la proratisant au nombre d’habitants à accueillir et l’Etat français devrait s’acquitter, sur ses propres deniers, de la dette Wallonne et Bruxelloise auprès du reste de la Belgique !!!
L’argument ne manque pas d’aplomb. Ils le justifient ainsi : « Comme le contribuable français va éponger le lourd passif de Bernard Tapie, il pourrait très bien faire ce geste fort et symbolique envers la « Belgique Française »
A la lecture de l’argumentation de ces « rattacho-régionalistes » on est amené à relire certains passages tellement leur incongruité dépasse l’entendement. Leur perversité va jusqu’à exploiter la politique libérale actuelle que par ailleurs ils défendent comme la baisse des effectifs dans la Fonction Publique (suppression de tribunaux, de garnisons, d’hôpitaux etc…) pour saborder les fondamentaux de la République.
Le « jeu » consiste à utiliser à leur profit le mécontentement du peuple pour mettre en place une politique contraire aux intérêts de ceux qui pourraient les aider à cette transformation. Y aurait-il plus pervers ?
Je pense qu’il faut prendre au sérieux ces funestes manipulations intellectuelles. Les dernières élections régionales, après les européennes de juin dernier, ont montré par un taux d’abstention phénoménal, que le fossé se creuse dangereusement entre les citoyens et les élites politiques, essentiellement nationales.
C’est malheureusement un terrain propice pour faire passer les plus ignobles réformes. Le régionalisme, c'est-à-dire le repli sur soi, est un de ces pièges.
 
Article publié le 23 mars 2010