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Ecotaxe en Bretagne : Ne pas laisser les incendiaires prendre le pouvoir



S’il y a un point sur lequel l’unanimité s’exerce dans cette affaire, c’est bien celui de  considérer que l’écotaxe a été l’étincelle qui a mis le feu au baril de poudre.
Mais là s’arrête le consensus.
Pour le reste, c’est une somme d’intérêts multiples qui alimente ce cocktail détonnant où l’on trouve pêle-mêle, le machiavélisme politique, le poujadisme, l’indépendantisme, le corporatisme social et la privatisation.
Quant à l’accoutrement, les fameux bonnets rouges, nous sommes en pleine usurpation des symboles.
Quel rapprochement peut-on faire entre une Bretagne de réputation puritaine et le rouge, symbole du sang versé par le peuple pour arracher sa dignité des serres des dominants ?
Pour comprendre ce qui se passe, il faut revenir à la genèse de cette histoire.
D
ans le système économique actuel, qui sévit en France et en Europe, où la plus-value pour les affairistes se crée via le transport longue distance des marchandises, le déséquilibre entre le routier et le ferré est très important au détriment de ce dernier.
Les milliers de camions qui circulent sur les autoroutes, les nationales mais aussi les routes départementales, ne sont pas pour rien dans cette overdose de circulation où prolifère le gaz à effet de serre.
La libéralisation du transport routier, initiée par l’Union Européenne, a accéléré le processus.
Le déséquilibre entre le routier et le ferré tient au fait que le ferré est dédié et donc, d’une manière ou d’une autre, astreint à l’entretien de son réseau, alors que le routier utilise, en toute franchise, une infrastructure à l’entière charge de la puissance publique, qu’il s’agisse de l’Etat ou des collectivités locales.
Ainsi, déchargé de l’entretien du réseau, le routier pratique des tarifs ultraconcurrentiels auquel le ferré ne peut faire face.
Ces facteurs, encombrement,  pollution et tarification, ont donc été pris en compte par le « Grenelle de l’environnement » dont les grands ordonnateurs furent Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet.
Mais la patte de l’écologie punitive, pas étrangère à bousculer les valeurs républicaines et à promouvoir le partenariat public-privé, a pesé lourd dans cette affaire.
Pour rééquilibrer ces deux modes de transport, il eut été intelligent et responsable,  au plan national et pourquoi pas au niveau européen, d’investir fortement dans le ferroviaire (infrastructures et véhicules) et de répartir des quotas de volume entre ces deux modes de transport.
Les 20 milliards annuels distribués aux entreprises, sans contrôle fiscal dixit le Ministre de l’Economie, seraient mieux utilisés à adapter et moderniser le rail.
Mais pour la majorité du quinquennat précédent, comme pour l’actuelle, cette gouvernance républicaine ne pouvait être retenue.
Là aussi, le business devait bénéficier de cette affaire.
Alors, on a reproduit ce qui existait déjà en Allemagne, sans tenir compte des avatars du système agissant outre-Rhin. La société chargée du recouvrement doit à l’Etat allemand 5 milliards d’euros de dommages et intérêts pour plusieurs motifs dont le non respect du contrat initial.
E
n 2009 un marché de collecte privée de taxes, fonctionnant à partir de portiques disposés sur les chaussées et de GPS, avait donc été ouvert dans le cadre d’un partenariat public-privé.
Avec cette gouvernance libérale, quatre problèmes majeurs étaient posés.
1  –  Une accentuation du principe de taxation au détriment de l’imposition
2 – Un prélèvement opéré par un consortium privé, en lieu et place de la puissance publique
3  –  Un banc d’essai, grandeur nature, de privatisation du réseau routier, par géolocalisation des utilisateurs conduisant à facturer les kilomètres parcourus
4 – Une démentielle rémunération accordée à l’exploitant privé de l’ordre de 20 %, soit 20 fois supérieure au coût de prélèvement de l’impôt par les Pouvoirs Publics
Lors du vote de cette loi, le procédé n’avait fait l’objet d’aucune opposition sur le fond, évidemment pas de la part de la droite parlementaire soutenant le gouvernement Fillon, mais pas davantage de l’opposition socialiste conduite par Jean-Marc Ayrault.
En fait, une belle unanimité contre les principes de la République.
Le problème posé, constatons le crédit que l’on peut accorder aux protagonistes d’aujourd’hui.
L
es cris d’orfraies poussés par la droite parlementaire ou par celle déguisée en représentation professionnelle sont indécents et manipulateurs.
Sur un même dossier, on ne peut se taire quand ce sont vos amis qui sont à la manœuvre  et incendier des installations, puis entrer par effraction à l’aide de lourds engins agricoles dans des lieux publics, quand ce sont vos adversaires politiques qui sont aux affaires.
Mais le gouvernement n’est pas sans responsabilité sur ce dossier.
D
epuis plusieurs mois, des Ministres « bourrent  la chaudière » du poujadisme.
A la fin du mois d’août, n’est ce pas le Ministre de l’Economie qui a parlé « d’overdose fiscale » oubliant qu’avec l’optimisation fiscale nombre de grosses entreprises assujetties à un impôt de 33 % ne paient finalement que 8 % en moyenne, de même que les gros revenus s’allègent de l’impôt en utilisant les nombreuses niches fiscales mises à leur disposition ?
Alors, avec de tels discours, comment s’étonner d’un poujadisme renaissant.
D
ans le domaine de la gestion des territoires,  le gouvernement a ouvert la boîte de pandore avec l’acte III de la décentralisation.  Marylise Lebranchu, Ministre de la réforme de l’Etat et de la Décentralisation, par ailleurs élue députée du Finistère, mijote, quelque peu sournoisement, un projet qui, s’il va à son terme, permettra aux Régions d’ « adapter » les lois nationales aux contextes locaux !!!
C’est bien évidemment un pas supplémentaire vers le régionalisme.
Les indépendantistes bretons y voient là l’occasion rêvée de pousser leur avantage dans une période qu’ils considèrent comme propice.
A
insi, dans ce dangereux imbroglio, les grands perdants risquent d’être une fois de plus les salariés qui verront se réduire les lois sociales, les conventions collectives et les statuts au nom de la libre concurrence des territoires.
Voilà pourquoi il fut curieux de constater que parmi les organisateurs de la manifestation du 2 novembre à Quimper participaient quelques syndicalistes égarés de FO agroalimentaire.
Ce curieux attelage aux côtés du MEDEF local et de la FDSEA jure avec les déclarations du syndicalisme indépendant.
Qu’en sera-t-il quand, exploitant les termes de l’acte III de la décentralisation, le patronat local proposera un alignement salarial à 3 € de l’heure pour concurrencer les abattoirs étrangers ?
Le corporatisme n’a jamais été un outil au service de l’intérêt des salariés mais, au contraire, un avilissement du peuple  au profit du patronat.
Fort heureusement, il semble que les structures interprofessionnelles de FO aient repris les choses en mains.
Ce dossier n’est pas breton. Il est national, il est européen.
La région Bretagne n’est pas plus en danger, mais pas moins non plus, que les autres.
Faut-il oublier l’Ile de France avec Citroën à Aulnay, la Picardie avec Goodyear, la Lorraine avec Florange, la Franche-Comté avec Peugeot, la Normandie avec Pétroplus et Renault, le Nord avec la Redoute, et les centaines d’autres sites et entreprises qui restructurent à tour de bras sous le honteux argument de départs volontaires ???
La solution ne jaillira pas du Parlement de Bretagne, mais d’une volonté politique et syndicale de combattre une Union Européenne réactionnaire avec sa concurrence libre et non faussée.
La preuve, l’injonction de quelques aboyeurs bretons revendiquant des aides à l’exportation ont reçu une cinglante réponse de l’eurocratie bruxelloise « Depuis 2005, vous êtes informés de cette suppression, à vous de vous organiser » !!!
On ne peut considérer ...
-          qu’en 2005, ceux qui s’opposaient au TCE étaient d’affreux nationalistes,
-          que ceux qui ont approuvé des deux mains le Traité de Lisbonne avaient le sens des responsabilités,
-          que ceux qui ont sanctifié le TSCG et le MES avaient conscience de la nécessaire solidarité européenne,
... et s’étonner de ce qui arrive.
Enfin, on ne peut impunément laisser la Confédération Européenne des Syndicats fricoter avec la commission et le patronat européen, sans en subir sur le terrain le retour de flammes.
La lutte de classe, n’en déplaise à certains, est la seule clé pour nous débarrasser de ce libéralisme oppressant.
Chacun doit rester à sa place et chacun ne doit jouer que son rôle.
Quoiqu’il en soit, ce ne sont pas les « chicaillas » de quelques petites chapelles glosant sur la posture de Mélenchon qui apporteront la solution.