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Affaire du "Cuba Libre" : on ouvre le parapluie !



Après le terrible incendie survenu dans la nuit du 5 au 6 août « Au Cuba Libre » de Rouen qui a fait 13 victimes, très jeunes de surcroît, la polémique n’a évidemment pas sa place.
Il faut laisser les instances de la République police-justice, faire leur travail d’enquête.
Cependant, nous disposons aujourd’hui de suffisamment d’éléments pour permettre au citoyen lambda de se faire une idée de l’indigence législative et au final de l’hypocrisie des autorités qui entoure ce drame.
Plusieurs médias ont informé qu’en droit les établissements recevant du public (ERP) sont classés en catégories.
L’établissement ou s’est déroulé le drame est classé en 5ième catégorie.
-          Les établissements de 5ième catégorie ne peuvent disposer de locaux à sommeil.
-          Ils ne peuvent accueillir plus de 200 personnes sur l’ensemble des niveaux.
-          La réalisation des travaux n’est pas obligatoirement précédée de la consultation de la Commission de Sécurité.
-     L’ouverture peut être réalisée sans demande d’autorisation auprès du Maire.
-     Il n’y a pas d’obligation de visite périodique de la Commission de Sécurité.
Ces premiers critères montrent une indigence législative sidérante.
Le plafond d’accueil du nombre de personnes pose un réel problème.
Jusqu’à 199 personnes accueillies, les contraintes sont très minimales, mais dès 201, une réglementation stricte s’impose.
Sur quelle logique le législateur s’est-il appuyé pour choisir ce seuil de 200 personnes ?
Pour l’accueil du public dans un cadre commercial, il ne peut y avoir de plafond et de plancher en matière de nombre.
L’absurdité du droit s’amplifie quant à la possibilité donnée au Maire de procéder à des contrôles « à titre exceptionnel à la suite de demandes motivées par des présomptions et des signalements »
Traduit concrètement, ce passage de la réglementation fait que quand on se rend dans un restaurant, la première préoccupation ne doit pas être la qualité du menu et de la carte des vins, mais de constater l’état de sécurité des lieux (décors ignifugés, issues de secours libres, volume de la pièce, hauteur du plafond ...) Si le doute, quant à ces critères, existe vous devez saisir le maire avec des arguments étayés (établir un dossier)
A la vue de ce signalement, le maire décidera, ou non, d’ordonner à ses services d’opérer un contrôle de l’établissement concerné.
Nous sommes là face à une totale incongruité réglementaire qui transforme le consommateur en agent public de contrôle.
L’ouverture des établissements dédiés au public devrait faire l’objet d’une réglementation stricte en matière d’accès, d’espace, d’évacuation, d’équipement incendie, de matériaux utilisés, quel que soit le nombre de personnes à accueillir.
L’ouverture d’un commerce accueillant du public devrait être impérativement précédée d’une demande formulée auprès du Préfet ou du Maire, étayée par un document détaillé de configuration des lieux apportant toutes les garanties de sécurité aux consommateurs.
Ce n’est qu’à l’issue de l’accord de la commission compétente préfectorale ou communale venue constater sur place la conformité que l’ouverture devrait avoir lieu.
Depuis l’horrible drame de Rouen, les autorités politiques et administratives, locales et départementales, ouvrent « courageusement » le parapluie.
La Préfecture a enjoint ses services d’apporter une attention accrue aux établissements de 5ième catégorie « y compris par le biais de visites inopinées » !!!
Quant au Maire socialiste de Rouen il a émis l’idée « de conduire une vaste réflexion sur l’amélioration des procédures de surveillance, de déclaration de travaux, d’ouverture et d’exploitation de ces établissements » pour aboutir à la conclusion suivante « Nous espérons que ce travail permettra ensuite à nos législateurs de revoir les textes afin d’empêcher que de tels drames ne se reproduisent, notamment lorsqu’il s’agit d’équipements recevant du public de 5ième catégorie soumis aujourd’hui par la réglementation à des niveaux de contrôle malheureusement insuffisants » (Paris-Normandie du 11 août 2016)
Nous pensions que les politiques tiraient les leçons du passé !
Nous pensions qu’ils se souvenaient de l’horrible incendie du dancing le 5/7 survenu le 1er novembre 1970 qui avait fait 146 morts.
Nous pensions qu’à l’issue de ce drame, une réglementation législative avait été prise pour que de tels évènements ne se reproduisent pas.
Hélas, 36 ans après, le constat est accablant.
Apparemment, la réglementation a peu évolué ou au fil du temps a reculé face aux lobbies ultralibéraux.
Hélas, les thuriféraires du : laissez-nous gérer librement l’économie, ont « passé l’éponge » sur ces drames.
Très souvent, on les entend s’esclaffer
- « il faut nous laisser mesurer les risques »,
- « l’économie a besoin de respiration »,
- « il y a trop de fonctionnaires qui nous surveillent, notre activité est entravée »,
- « tout ceci nous coûte cher en impôts »
Ou alors, plus irresponsables encore « le risque zéro n’existe pas » !!!
Hélas, les politiques, et plus concrètement les législateurs, obéissent à ces injonctions irresponsables.
En 2013, l’actuel Président de la République n’a-t-il pas lancé son « choc de simplification »
En février dernier, le Premier ministre a ajouté 170 nouvelles mesures aux 450 déjà engagées.
La chasse aux emplois publics n’est-elle pas devenue le dogme privilégié de nos sociétés ?
Nombre d’acteurs économiques n’ont-ils pas fait leur ce concept du tout libéral ? Mais pire encore, le peuple consommateur s’est fait le relai de ce raisonnement absurde sans se rendre compte que c’était à son propre détriment.
En agissant ainsi, le rôle de l’Etat est affaibli, les services publics de moins en moins efficaces et au final la protection du plus grand nombre s’étiole face à l’arbitraire d’une minorité.
A titre d’exemple, même si il ne peut y avoir de comparaison avec le drame du « Cuba Libre », citons les services vétérinaires qui ne sont plus en capacité d’assumer leurs missions.
Aux Finances Publiques, la fermeture insensée des Trésoreries affaiblit les services de contrôle au point qu’ils ne sont plus en capacité d’assurer aux collectivités le bilan d’encaissement des taxes et impôts dus par les contribuables.
Hélas convaincus de leur bon droit politique, les adeptes du « tout libéral » poursuivent dans leurs erreurs.
Le dossier de fermeture de Sous-préfectures est dans les tiroirs, prêt à être mis en œuvre.
Ce sont d’autres contrôles qui ne seront plus exercés, et en particulier les contrôles de légalité des actes délibératifs des collectivités locales.
La porte conduisant vers les dérives de toutes sortes sera encore plus grande ouverte.
Les risques de corruption se multiplieront.
Certes, des risques moins dangereux en matière de vies humaines, encore que !!!