Janvier 2011 : Marine Le Pen déclare vouloir faire exploser l’UMP
Juin 2014 : Manuel Valls déclare « La gauche peut mourir »
Les médias ont été peu sensibles à ces deux déclarations et pourtant il est fort probable qu’elles fixent le cadre des échéances électorales de 2017, surtout concernant les législatives.
Marqués par le bourbier de la 4ième République, les penseurs de la 5ième s’étaient donnés pour objectif de personnaliser l’exécutif et de lui accorder un parlement maitrisable.
Le fameux rendez-vous de l’homme avec son peuple !!!
Pour permettre à l’Elysée de garder un œil vigilant sur le Palais Bourbon, décisionnaire final en matière de production de lois, la mécanique du bipartisme fut privilégiée.
L’alternance droite/gauche était possible, à moins qu’il ne s’agisse d’un simple turn-over, majorité/opposition !
Accordons tout de même à ce système, peu démocratique, la fin de l’ère coloniale et la gestion des évènements de mai 1968, sans effusion de sang.
Cette pratique dura environ 25 ans, où l’alternance des hommes se substitua à l’alternance des idées.
Entre-temps, les citoyens portèrent la gauche au pouvoir en 1981, mais la politique progressiste fut éphémère, deux ans à peine.
Pour se maintenir au pouvoir, sous un aspect généreux, elle mit en place un stratagème peu glorieux, celui de la proportionnelle qui profita au Front National.
Aux élections législatives de 1986, le FN fit son entrée au Palais Bourbon avec 35 élus.
Puis le pouvoir présidentiel fut renforcé avec le quinquennat qui, par un jeu absurde entre Chirac et Jospin, fut constitutionnalisé par un référendum en 2000.
L’élection présidentielle précédant les législatives confirma la main mise de l’exécutif sur le législatif.
Ce jeu sordide arriva à son apogée en 2002 quand Jean-Marie Le Pen évinça Lionel Jospin de la deuxième place qualificative pour le second tour de la présidentielle.
Jacques Chirac fut reconduit à l’Elysée avec les voix des électeurs socialistes, non sans semer le trouble au sein du peuple dit de gauche.
Cinq ans plus tard, Nicolas Sarkozy accédant à l’Elysée fit tomber des frontières politiques.
Tout d’abord en recrutant des ministres d’obédience socialiste dont Jean-Pierre Jouyet, aujourd’hui cheville ouvrière du proche entourage de François Hollande !
La création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale s’approchait singulièrement des thèses du Front National confirmées par le fameux discours de Grenoble de juillet 2010.
En 2016, Marine Le Pen, succédant à son père à la tête du FN, s’était engagée dans ce qu’elle appela la dédiabolisation du Front National. Elle imposa sa marque de fabrique en substituant au FN l’appellation « Bleu marine »
La politique néolibérale de Hollande et un discours de façade républicain du FN conduisit aux résultats électoraux que l’on connaît, municipales et européennes en 2014, départementales et régionales en 2015.
Indubitablement, ces résultats sonnent le glas du bipartisme pour la présidentielle de 2017 et surtout pour les législatives.
Les matches ne se joueront plus à deux mais à trois.
Depuis plusieurs mois, les trois partis, Parti Socialiste, Les Républicains et Front National, travaillent à l’échéance de 2017 sachant qu’individuellement ils n’auront pas la majorité.
Et c’est là qu’il faut se remémorer les citations de Le Pen et Valls présentées au début de cet article.
Le premier objectif est celui de la Présidentielle. L’enjeu consistera à accéder au deuxième tour, car il n’y aura que deux places pour trois prétendants.
L’un des voiles sera levé à l’automne prochain avec la primaire du parti « Les Républicains »
On peut penser que trois candidats se détacheront à l’ouverture de ces primaires : Fillon, Juppé, Sarkozy.
Si François Fillon est difficile à situer idéologiquement sur l’échiquier de LR, les deux autres sont identifiables.
Sarkozy défend la droite dure, la droite dite décomplexée, excluant de son cercle, la droite orléaniste (Démocratie chrétienne)
Alain Juppé est disposé à associer les droites bonapartiste et orléaniste, d’où le positionnement de Bayrou aux côtés du maire de Bordeaux.
Difficile aujourd’hui d’imaginer qui sortira vainqueur de cette confrontation.
On peut même penser que cette opération médiatique ne règlera pas le problème interne de ce parti.
Ces primaires seront-elles ouvertes à l’ensemble des droites ou strictement limitées aux adhérents de LR ?
Dans l’hypothèse où Juppé ne sortirait pas vainqueur du barnum de la démagogie des idées, s’effacerait-il ou assisterions-nous à un remake de 1995, une confrontation fratricide Chirac/Balladur, devenue Juppé/Sarkozy ?
Chez les socialistes, la situation n’est pas plus claire.
Ce qui semble évident, c’est la volonté de François Hollande de se mettre en situation de se présenter en 2017.
Pour l’actuel Président, le seul danger pourrait venir de Manuel Valls, car lesdits « frondeurs » sont devenus si timorés que Hollande ne craint pas grand-chose.
Ainsi, au soir du premier tour de la présidentielle, le tiercé dans le désordre pourrait être Juppé ou Sarkozy, Hollande et Le Pen.
Quel que soit l’ordre fixé par les électeurs, il est pratiquement assuré que les qualifiés du deuxième tour et à fortiori le vainqueur n’aura pas de majorité parlementaire.
Il est fort probable que le bipartisme expirera en juin 2017, obligeant à des alliances inédites pour former une majorité parlementaire.
Sans prétendre lire dans le marc de café, plusieurs hypothèses sont envisageables.
- Hollande est reconduit pour un second quinquennat
Une majorité parlementaire composée de socialistes sera vraisemblablement impossible. L’alliance avec des bonapartistes modérés, autrement dit des européistes, et des orléanistes sera tentée.
- Sarkozy est de nouveau élu
La droite dure pratiquée par l’ancien Président se fait compatible avec la doctrine des élus « Bleu marine » Nombre d’adhérents et de militants de LR considèrent qu’avec l’arrivée de la fille du créateur du parti, les frontières entre le LR et le FN sont facilement franchissables.
Une rumeur non démentie par les personnes concernées fait état, qu’en 2012, Sarkozy envisageait, s’il avait été réélu, de nommer Marine Le Pen Ministre de l’Intérieur.
Une majorité parlementaire composée de « LR » et du FN fait donc partie des scénarios possibles.
- Juppé est élu
Depuis plusieurs mois, des déclarations de Valls, Macron et Le Guen montrent la compatibilité des socialistes néolibéraux avec la tendance européiste de « LR » dont Juppé se réclame. Une sorte de grande coalition à la française, à l’image de la pratique d’outre-Rhin !
Ainsi, une majorité parlementaire composée de néolibéraux socialistes et de fédéralistes européens de droite n’est pas exclue.
Ces prévisions ou simples possibilités peuvent troubler, voire choquer, mais la lucidité nous oblige à constater une situation politique nationale et européenne actuelle où la pratique de fusion des idéologies au seul profit de la réaction est monnaie courante.
L’exemple allemand est là pour nous le rappeler avec les lois Hartz produisant des travailleurs pauvres en lieu et place des chômeurs.
Mais le cas de l’outre-Rhin n’est pas unique.
Certains pays, hier sous le joug soviétique, n’hésitent pas, aujourd’hui, à associer des sociaux libéraux avec desdits populistes que la « morale politicarde » empêche de qualifier d’extrême droite.
Pour revenir à la France, nombre d’indices crédibilisent les risques d’un grand soir de la réaction.
- N’oublions pas, qu’en son temps, Sarkozy, alors Président de la République, avait tenté de prendre dans ses filets le jeune et truculent député-maire d’Evry, Manuel Valls !!!
- N’oublions pas, qu’en mars 2015, Emmanuel Macron, Ministre de l’Economie, déclarait sur les ondes de la BBC son regret que la France n’ait pas fait des réformes à l’identique de celles que Margaret Thatcher avait mises en place dans les années 80 en Angleterre.
Cet aveu n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Il avait fait résonnance dans celles d’Alain Juppé qui sur France 2 quelques mois plus tard déclarait sa disponibilité à travailler avec celles et ceux qui vont de l’avant dans l’idéal européen.
Cette déclaration faisait écho à l’avis donné par François Bayrou sur Europe 1 en octobre 2014, celui-ci se déclarant prêt à gouverner aux côtés de Valls – Macron – Le Foll – Rebsamen !!!
- N’oublions pas le projet gouvernemental de déchéance de nationalité qui s’inscrit pleinement dans une manœuvre conduisant à casser les frontières politiques.
Voilà ce qui se trame actuellement dans les coulisses du théâtre politicien.
Le tout est de savoir si le peuple se contentera de rester spectateur
de cette dramaturgie politicienne, bien calé dans les fauteuils de cuir rouge,
ou s’il exigera de la troupe de comédiens un scénario plus proche
de l’intérêt général et de la République sociale ?