Dans sa parution du 18 mai, le quotidien régional Paris-Normandie ouvre ses colonnes au philosophe bas-normand Michel Onfray permettant à celui-ci de donner son avis sur la fusion des deux régions de Normandie.
La réponse du fondateur de l’Université populaire de Caen est plutôt curieuse.
Nous pensions que ce libertaire athée, qui se déclare de gauche, pas PS, mais de gauche, ayant voté contre le Traité de Maastricht et condamnant le Traité de Lisbonne, serait critique sur la réforme régionale et donc la fusion des deux régions normandes.
Nous pensions qu’il avait fait un lien entre cette réforme et la construction néolibérale de l’Europe.
Tel ne fut pas le cas, puisque Michel Onfray soutient la fusion, en considérant que le peuple n’est pas suffisamment éclairé pour être consulté !
Une réponse ouverte lui a donc été adressée.
Réponse ouverte au philosophe Michel Onfray
M Onfray,
Je partage beaucoup de vos idées mais votre positionnement sur la fusion de la Normandie, développé dans Paris-Normandie du 18 mai, est étonnant.
Tout d’abord, sur la question du référendum, vous laissez entendre que les citoyens ne sont pas suffisamment éclairés pour être consultés.
C’est votre avis mais, au cas où vous auriez raison, n’aurait-il pas été opportun de les éclairer en exigeant des pouvoirs publics un débat public en amont du référendum ?
Dans cette affaire, vous me semblez désabusé et défaitiste.
En suivant votre raisonnement, devrait-on supprimer les élections au prétexte qu’il y a de moins en moins de votants ?
Les arguments que vous avancez, pour justifier votre accord sur la fusion des deux régions, sont surprenants.
Après avoir indiqué votre vote négatif sur le Traité de Maastricht et rejeté le Traité de Lisbonne, vous considérez que la construction de grandes régions est le meilleur rempart à l’effacement des Etats.
J’ignorais que le combat politique se menait en reculant.
Ce n’est pas au moment où l’actuelle construction européenne vacille, où l’euro montre son incapacité à irriguer l’économie européenne qu’il faut baisser les bras.
La construction des grandes régions françaises répond précisément aux exigences des européistes de Bruxelles que, je pensais, vous contestiez.
Vous dites « plus unis on est plus forts » je crains que cet argument se retourne contre le salariat normand. Avec le principe inique de la concurrence libre et non faussée, les régions se concurrenceront entre elles, car des compétences nouvelles leur seront accordées.
Le droit social et, en particulier, les conventions collectives deviendront de facto régionales et seront rédigées sous la pression permanente de l’hyper concurrence.
Par ailleurs, dans le contexte des deux régions, des fleurons industriels, de haute technologie, se sont développés comme les moteurs de fusées, pensés et fabriqués chez Snecma à Vernon.
Si la grande région existait depuis plusieurs années, aurait-elle permis de maintenir Petroplus ?
Le jacobinisme que vous semblez ne pas apprécier garantissait l’égalité nationale en droit, notamment social, et permettait des conditions de travail dans la droite ligne de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
En privilégiant le régionalisme, vous donnez le coup de grâce aux derniers acquis du Conseil National de la Résistance.
Ne confondez pas jacobinisme et centralisme démocratique.
Je suis surpris que vous ne vous intéressiez pas davantage au sort des plus humbles.
Ce qui est acquis, M Onfray, dans cette réforme, c’est la suppression de centaines et peut-être de milliers d’emplois publics. Hélas, cela ne semble pas vous émouvoir.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée de vous adresser ce message pour vous dire combien je suis étonné de l’absence d’expression collective des intellectuels attachés à la République au moment où le bateau France ballotté par la cupidité de la finance et la veulerie des politiques risque de s’échouer de s’échouer sur les récifs de l’extrême droite.
Jean-Louis Ernis
Animateur DPVRS-27