Depuis le tournant de la rigueur de 1983, les citoyens attachés au développement d’une politique progressiste sont dans le désarroi.
Les alternances n’ont conduit à aucune alternative. Quels que furent les gouvernements se succédant, l’attachement à la globalisation financière ainsi qu’à l’Europe libérale, destructrices de notre modèle social, restèrent le « fond de sauce » de l’Elysée et de Matignon.
Au début des années 2000, un espoir apparut avec la candidature de Jean-Pierre Chevènement à la présidentielle de 2002. Pour les républicains faisant de la souveraineté du peuple l’alpha et l’oméga de l’Etat/Nation, la mutation du M.D.C. en Pôle Républicain, puis en M.R.C., offrit d’intéressantes perspectives.
Mais hélas, à l’intelligence de l’ancien dirigeant du C.E.R.E.S. s’ajouta une forte dose de mégalomanie réduisant le parti souverainiste à une peau de chagrin.
Aujourd’hui, le mouvement du sénateur de Belfort est limité à un rôle de supplétif du parti socialiste.
La première désillusion fut définitivement consommée en 2007, quand le « Che » rallia la candidature de Ségolène Royal en novembre, tout juste un mois après avoir, lui-même, déposé sa propre candidature !!!
Fin 2008, un deuxième espoir se fit jour.
Ne supportant plus les turpitudes du PS,
1 – refus de prendre en considération le rejet du T C E exprimé par le peuple lors du référendum de 2005
2 – abstention des parlementaires socialistes au Congrès réuni à Versailles en février 2008 permettant à la droite (UMP – NC – MODEM) de valider le Traité de Lisbonne,
deux éminents parlementaires socialistes, Jean-Luc Mélenchon, sénateur de l’Essonne et Marc Dolez, député du Nord, quittèrent le PS pour créer le Parti de Gauche.
Le postulat de départ était motivant
a/ – accéder au pouvoir par les urnes, marquant ainsi une distance avec le registre révolutionnaire
b/ – organiser l’économie sur la base d’une plateforme écologique dont l’abandon progressif du nucléaire civil.
Très rapidement, pour le grand public, une confusion s’installa. Le Front de Gauche se substitua au Parti de Gauche donnant au Parti Communiste la prédominance de cette construction nouvelle.
Cette prédominance se vérifia lors des élections régionales de 2010, où le PG enterra, de fait, sa position sur le nucléaire civil. En Haute-Normandie, la tête de liste du Front de Gauche était un militant du PC, défenseur acharné de l’installation d’un EPR à Penly.
Sur cette même liste figuraient des pro et des antinucléaires.
Peut-on faire mieux pour troubler l’électorat ?
Les échéances électorales de 2012 n’échappèrent pas à cette difficulté. Au sein du Front de Gauche, la négociation, en forme de marché de dupes, confiant à Jean-Luc Mélenchon la conduite de l’élection présidentielle et laissant le champ libre au PC sur les législatives, n’a pas donné l’espoir escompté.
Dans une analyse globale, les 11,1 % de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle sont plus le verre à moitié vide que le verre à moitié plein. Ils rassemblent à peine plus que les scores du PC et de l’extrême gauche des échéances précédentes.
Alors comment expliquer que ces plus de 4 millions de voix ne se soient pas retrouvées aux législatives ?
L’opération frontale et spectaculaire Mélenchon/Le Pen est un échec à double titre. Au plan local, Mélenchon ne s’est pas qualifié pour le 2ième tour, au plan national le FN a 2 députés et le PG 1.
Mais l’échec ne se limite pas à Hénin-Beaumont.
Dans la précédente législature, un groupe Front de Gauche existait avec 19 députés, très majoritairement communistes. Au soir du 17 juin dernier, l’effectif avait fondu de moitié (7 PC, 2 FASE, 1 PG). Au regard du règlement de l’Assemblée Nationale, le FdG ne pouvait constituer un groupe parlementaire.
Au final, un groupe s’est formé avec l’apport des élus d’outre-mer.
Des bastions PC ont disparu. Il n’y a plus de députés communistes en Seine-Maritime ni dans le Val de Marne. Il n’en reste qu’un dans les Hauts de Seine et deux en Seine Saint Denis.
En Haute-Normandie, les candidats PG ne faisaient pas légion : en Seine-Maritime, sur dix circonscriptions, un seul candidat PG et dans l’Eure, sur 5 circonscriptions, aucun candidat !
Au plan national, le co-président du PG Jean-Luc Mélenchon : battu, la co-présidente du PG Martine Billard sortante : battue, François Delapierre Directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon : battu. Seul Marc Dolez (Nord) qui semble ne pas partager toute la stratégie du FdG (ou de Mélenchon) fut réélu.
Cet échec n’est pas dû à la qualité des candidats, mais à la stratégie développée.
Draguer à l’extrême gauche en ignorant les près de 50 % d’abstentionnistes ne pouvait qu’aboutir à cette impasse.
Quant au bouc émissaire, le scrutin majoritaire, même s’il pose de réels problèmes, il ne suffit pas de fantasmer sur les sièges obtenus dans le cas d’un scrutin à la proportionnelle, il faut aussi s’interroger sur la place qu’occuperait le FN.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
Bien entendu, les militants du PG décideront de l’avenir de leur parti, mais il n’est pas interdit d’avoir, de l’extérieur, un point de vue.
Tant que le PG se fera le chantre de la politique de parti creuset, rien ne sera possible.
L’élaboration d’un programme politique fiable ne s’accommode pas d’un rassemblement hétérogène de tous les mécontentements.
Si le Parti de Gauche veut survivre aux dernières échéances électorales, il doit clarifier son orientation.
à Soit pencher vers l’esprit révolutionnaire, mais ce choix a ses limites et cet espace politique est occupé par d’autres. De plus, il n’a rien de crédible, quand ses porte-parole déclarent qu’ils refusent d’accéder au pouvoir avec les règles actuelles, ou que le score électoral indiffère, la présidentielle n’étant qu’une tribune pour exprimer des luttes !!!
à Soit privilégier les valeurs républicaines : république sociale, laïcité etc...
Il doit redonner confiance aux abstentionnistes pour les ramener dans le jeu électoral.
Il devra aussi délimiter un cadre de valeurs non négociables pour ses alliances futures. La plateforme écologique dont le nucléaire civil devra figurer dans ce cadre.
Enfin, la mise en place de structures militantes locales, départementales, motivées, dynamiques et crédibles, est indispensable.
Croire que les citoyens peuvent adhérer à une politique sur la seule gouaille d’un leader national est une erreur.
La question est de savoir si le Parti de Gauche ambitionne de se transformer en un parti authentique et majeur, libre de ses choix, se situant à égalité des autres partis au sein du Front de Gauche.
Mais il semble que bien des écueils restent à gérer.
A peine une semaine après le deuxième tour des législatives, le PC tenait son Conseil National.
Pierre Laurent, secrétaire national, déclarait vouloir « retrouver un visage collectif ». Ne visait-il pas Jean-Luc Mélenchon et son ultra personnalisation de la présidentielle et des législatives ? De son côté, André Chassaigne, député PC du Puy de Dôme, devenu président du groupe FdG mué en Gauche Démocratique et Républicaine à l’Assemblée Nationale, déclarait : le groupe FdG sera « clairement dans le cadre de la majorité de gauche »
Est-ce à dire que le groupe « Gauche Démocratique et Républicaine » présidé par l’ancien concurrent de Jean-Luc Mélenchon pour la candidature du Front de Gauche à la présidentielle serait prêt à oublier la revendication d’un référendum sur le TSCG et le MSE ?
Est-ce à dire que la revendication d’un SMIC à 1700 € brut serait abandonnée ?
Etc...etc...
Nous verrons bien. La déclaration et le vote de ce groupe lors de la présentation de politique générale du premier Ministre à l’Assemblée Nationale nous éclairera peut-être.
Quoiqu’il en soit, cette issue chaotique était malheureusement prévisible.
En janvier dernier, j’ai adressé un courriel à un camarade et ami, attaché au FdG. Je lui faisais part de mon inquiétude quant à la pérennité de l’aventure Front de Gauche/Parti de Gauche.
J’utilise l’anonymat de mon correspondant, il n’était pas prévu que je publie cet échange.
Cher ...
( ... )
Je voudrais tout d’abord te dire que j’ai beaucoup d’estime pour l’homme Jean-Luc Mélenchon. IL a été très courageux de sortir du PS, car le « pantouflage » de Sénateur n’a rien de comparable avec l’exposition « à tous vents » à laquelle il doit faire face dans cette campagne électorale.
Il m’arrive même, à la lecture de son blog, d’avoir peur pour sa santé psychique. Il faut être doté d’une force mentale exceptionnelle pour résister à cette ambiance délétère.
L’homme politique, candidat à la présidentielle, est même reconnu par plusieurs journalistes comme faisant des propositions très différentes du modèle néolibéral.
Voilà pourquoi le 22 avril je ne me tromperai pas de bulletin.
Ceci dit, je considère que nous avons la responsabilité de regarder au-delà de la partie visible de l’iceberg, et puisque nous sommes opposés à la personnalisation de la politique, il faut analyser l’ensemble du dossier « Front de Gauche »
Je considère que, dès l’origine, JLM, mais aussi ceux qui l’entourent, ont fait une erreur stratégique en cherchant à s’appuyer sur l’appareil du parti communiste.
Depuis plus de vingt ans, l’image de ce parti se dégrade dans l’opinion publique même si les femmes et les hommes qui le représentent actuellement n’y sont pour rien. Son passé, je veux parler de l’URSS lui colle à la peau. A chaque scrutin, son audience s’appauvrit, aux dernières régionales il a perdu près de la moitié des sièges qu’il occupait auparavant.
Cette alliance quasi-fusionnelle a obligé le PG à renoncer au fondement de sa planification écologique qu’est la sortie progressive du nucléaire civil. C’est pour moi un loupé préjudiciable, dans une période après Fukushima, où la question fondamentale est celle des énergies pour l’avenir.
La pilule avait déjà été dure à avaler aux dernières régionales, notamment en Haute-Normandie et cela se renouvelle à la présidentielle. Quelques lignes consacrées à la politique énergétique en France, dans le Programme du Front de Gauche, me paraît être bien peu !
La promesse d’un référendum est un sérieux camouflet.
A quoi sert le bandeau vert rajouté au logo du Parti de Gauche ?
Je m’interroge sérieusement sur l’après présidentielle. Que vont devenir le Parti de Gauche et Jean-Luc Mélenchon ? Quelle influence vont-ils avoir sur la politique nationale ?
Concernant les législatives, certes, je n’ai pas la photographie nationale, mais si j’en crois ce que j’apprends, pour l’Eure aucun candidat PG n’est partant, et un seul en Seine-Maritime !! Les structures départementales sont bringuebalantes dans l’Eure, en Seine-Maritime, dans le Calvados...
Je crois savoir que l’accord « Front de Gauche » pour la présidentielle n’ira pas au-delà du 1er tour car si JLM ne fait pas de mystère pour l’appel au report des voix, pour sa participation à un gouvernement à majorité « hollandiste » c’est non. Il a raison.
Mais, ce n’est pas la position du PC. D’ailleurs, Hollande ne s’y trompe pas. Quand il est questionné sur le rassemblement de la Gauche au deuxième tour, il ne parle que des communistes !!!
Il y a fort à parier que le PC nous refasse en 2012 ce qu’il a fait en 2010 aux régionales, notamment en Haute-Normandie, où il préside des commissions et vice-préside la Région dans une majorité de gestion socialiste. Je ne peux oublier qu’entre 1997 et 2002, il a participé à la privatisation de nombreux services publics.
Voilà pourquoi, je considère qu’en France, l’avenir d’une autre gauche que celle du parti socialiste est loin d’être assurée.
Cette association fusionnelle avec le PC a eu un autre inconvénient majeur, celui d’annihiler le développement de structures décentralisées du Parti de Gauche.
Le complexe d’infériorité a toujours été le « ressenti » des membres du PG, après les rencontres avec les militants du PC local.
On peut d’ailleurs penser que l’opinion publique ne s’y trompe pas. Si les sondages révèlent une situation proche de la réalité JLM serait à 8-9 %. C’est tout juste l’addition des scores réalisés dans le passé par le NPA et LO au plus fort de leurs résultats en y ajoutant le PC (Hue ou Buffet)
Autre erreur stratégique, selon moi, la question européenne.
Comment articuler l’attachement à la monnaie unique avec le rejet du Traité de Lisbonne ?
Le Traité n’est que l’acte de confirmation de l’euro, monnaie unique au service de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée. Pourquoi ne pas le dire ?
Si c’était pour éviter d’être associé au FN sur cette question, l’argumentation de la monnaie commune pouvait être développée. A moins qu’il ne s’agisse d’une exigence du PC pour éviter un fossé trop large avec le PS pour gouverner !!
J’ai peine à comprendre la fascination de JLM pour François Mitterrand. A titre personnel, il a bien entendu le droit d’avoir des sentiments mêlés, à la condition qu’il les garde pour lui.
La complexité psychique de l’humain est ainsi faite, nous en sommes tous plus ou moins victimes. Mais qu’il s’enorgueillisse publiquement de cette fascination pose problème.
Si je veux bien admettre (et je fais un très gros effort) que le passé vichyste de Mitterrand s’effectuait dans une période très troublée, l’acceptation du report des voix de Tixier-Vignancour à la présidentielle de 1965 et ses rapports suivis et amicaux avec Bousquet, jusque dans les années 80, portent pour le moins à réfléchir. Alors faire du vainqueur du 10 mai 1981 une référence de gauche m’indispose.
De la même manière, concernant les acquis de la gauche au pouvoir, se féliciter de l’abolition de la peine de mort, des 39 H, de la 5ième semaine de congés, de la retraite à 60 ans, est de bon aloi mais y ajouter les 35 H est une provocation. C’est oublier aussi le tournant de la rigueur de 1983 et l’Acte Unique de 1986 dont nous subissons aujourd’hui les effets.
Les lois Aubry 1 et Aubry 2 de 1998 et 2000 furent et restent une véritable escroquerie sociale.
Ces lois ont accordé au patronat tout ce qu’il réclamait depuis plusieurs années.
Autre sujet ouvrant débat, la question du SMIC. Je partage l’idée qu’il faut récupérer les 10 points de PIB qui, en un peu plus de 10 ans, sont passés du salaire à la spéculation. Le SMIC à 9,22 € de l’Heure et 1398,37 € brut pour 35 H est évidemment bien trop faible. Mais sachant que les « Smicards » se trouvent principalement dans les petites structures, artisans, petits commerçants..., comment augmenter le salaire minimum de croissance de 420 à 450 € (cotisation sociale patronale comprise) sans augmenter de manière forte le coût des prestations ? L’exemple de 1968 devrait faire réfléchir.
Les grosses entreprises absorberaient sans problème cette augmentation mais les petites, créatrices d’emplois, s’en trouveraient fragilisées.
Le glissement de ces 10 points s’est réalisé essentiellement dans les grosses structures par l’allègement des cotisations sociales et le quasi blocage des salaires dû aux 35 H.
Voilà pourquoi je pense qu’il faudrait mieux, dans un premier temps, commencer à récupérer ces dix points par le rétablissement de la cotisation sociale pleine et entière sur les sommes perçues par le salarié, quel que soit le mode de rémunération (salaire - intéressement et participation versés dans les entreprises de 200 salariés) Cela permettrait à tous les salariés de pouvoir se soigner du fait de la suppression des franchises, des déremboursements etc...
S’agissant du pouvoir d’achat, il faudrait prioritairement rétablir la majoration de 25 % et 50 % pour les heures supplémentaires calculées à la semaine et payées au mois.
Ensuite, la relance de l’activité par la consommation intérieure permettrait de relever significativement le SMIC et les minima de branches car en relevant le SMIC de 300 € d’un seul coup, le bas des grilles de salaire des conventions collectives deviendrait obsolète. Méfions-nous des slogans accrocheurs, les salariés se sont fait piéger trop souvent pour, de nouveau, croire au miroir aux alouettes. ( ... )
Je te souhaite bonne lecture.
Bien cordialement,
Jean-Louis