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La crise, mais quelle crise ?



Depuis l’été 2008, pas un discours politique n’est prononcé, pas une analyse économique, pas un bilan social ne sont présentés, sans que le mot crise ne soit introduit.
La question est de savoir ce que l’on entend par ce mot. Incontestablement, il y a abus de langage.
Généralement, dans la compréhension populaire, une crise apparaît avec soudaineté et imprévisibilité dans une période qualifiée de normale.
Or, ce que nous vivons actuellement était non seulement prévisible, mais prévu depuis longtemps. Seule, l’échéance était inconnue.
Ce qui nous arrive n’est que le résultat d’un système mis en place depuis une trentaine d’années, appelé « Globalisation financière » Celle-ci met la spéculation au cœur du système. Elle fonctionne de manière cyclique avec deux fortes périodes. La première, euphorique pour les spéculateurs, c’est la constitution de la bulle, la deuxième c’est le krach ou l’éclatement de la bulle avec les dégâts collatéraux que nous subissons sur l’économie réelle et le social.
Nous en voulons pour preuve que les effets du krach de 2008 ne sont pas, économiquement et socialement, résorbés que déjà, d’autres bulles spéculatives se reconstituent.
Le coup de tabac monétaire de 2008 ayant un impact bien supérieur aux précédents, puisque plusieurs spécialistes l’ont comparé à celui de 1929, les gouvernements des Etats ont très vite sorti les lances d’incendies.
Pour ce faire, ils ont déversé, ils déversent toujours et ils déverseront encore des « tonnes » de liquidités pour secourir les banques afin d’éviter une hécatombe après la faillite de Lehman Brothers. Mais tout ceci se fait au prix d’un endettement phénoménal des Etats. Or, que sont les Etats sans les peuples ? Ainsi, c’est précisément sur eux, que les gouvernements, et en particulier le nôtre, font reposer les solutions à l’endettement (réduction de l’emploi public, coupes sombres dans les budgets sociaux, augmentation déguisée des impôts et des taxes …)
Alors les naïfs s’interrogent encore aujourd’hui « Mais pourquoi les banques et plus généralement le système financier continuent-ils dans leurs errements ? »
La réponse est simple, parce que la finance ne considère pas qu’il y a eu problème en 2008, mais simplement le point bas d’un cycle spéculatif.
Mais alors s’il y a crise, c’est quand la fin ?
La réponse nous vient du très libéral Jacques Attali qui a déclaré en juillet dernier « nous avons devant nous non pas trois ans de rigueur, mais dix. Il nous faut une mobilisation générale du pays »
Voilà qui éclaircit l’horizon, si j’ose dire.
Ainsi, l’un des visiteurs du soir de l’Elysée prévient le peuple que non seulement il ne doit pas s’attendre à une amélioration de la situation mais au contraire à une aggravation et pour longtemps.
Dix ans de rigueur, dit-il, sans préciser quel sera l’horizon social après cette décennie.
Cela me rappelle la loi quinquennale de 1993 et son lot de remise en cause des acquis sociaux. La logique aurait voulu qu’à l’issue des cinq ans, nous retrouvions la situation antérieure. Bien évidemment, il n’en fut rien, cette loi ne fit qu’amorcer les principes de flexibilité, de malléabilité des salariés et de pression sur les salaires.
Voilà pourquoi je considère que nous ne sommes pas dans un contexte de crise, mais dans un long processus de remise en cause du pacte républicain mis en place par le Conseil National de la Résistance au sortir de la seconde guerre mondiale.
Mais il est évident que les libéraux accélèrent la cadence dès que l’opportunité se présente. L’année deux mille huit en fut une. Pour illustrer mon propos, je vous livre quelques déclarations qui ne trompent personne.
Un objectif sans ambiguïté
Je me souviens d’une rencontre que j’avais eue en 1994 avec un Préfet qui, venant d’être nommé dans mon département, voulait recevoir les représentants des gueux.
J’avais appris par la confidence de l’un de ses collaborateurs que c’est ainsi qu’il appelait les salariés et par là même leurs représentants naturels, les syndicalistes.
Le contexte de cette rencontre était particulier.
Cela faisait plus d’une décennie que nous vivions au rythme des fusions/absorptions d’entreprises, à l’installation du chômage de masse et à la montée de la précarité, d’où une forte exaspération du peuple.
Un autre élément venait pimenter la rencontre avec ce haut fonctionnaire.
Le jour même de cette audience, le Président chinois Jiang Zemin était reçu officiellement à Paris et l’intelligentsia française acquise au libéralisme n’avait pas de mots assez élogieux pour se féliciter du dynamisme de l’économie chinoise, grâce à la disponibilité de sa main d’œuvre et à son faible coût.
Notre discussion était bien évidemment imprégnée de ces deux éléments. Pour être en phase avec le gouvernement de l’époque, et à mon avis sans avoir à se forcer, il me vanta le dynamisme économique de la Chine et l’adaptabilité des salariés.
Je répliquais en défendant le modèle français et son pacte social, expliquant qu’il n’était pas possible de rayer 50 ans de progrès social.
Perché sur ses ergots condescendants, le haut fonctionnaire me rétorquait que la période à laquelle je venais de faire référence n’était qu’une exception dans l’histoire sociale de la France et que le système français n’était lui-même qu’une exception dans le concert mondial.
En clair, il m’expliquait que les exceptions ont pour destinées de disparaître !!!
D’un certain point de vue, on peut dire que le raisonnement du Préfet reposait sur une logique, la fameuse logique libérale. Quand on met en concurrence des économies dont les régulations sociales et environnementales sont aussi disparates et déséquilibrées, et les régimes politiques aussi opposés, dictature d’un côté, démocratie (quoiqu’on en dise) de l’autre, la seule « logique » qui vaille est celle de la régression des mieux lotis.
D’où l’hérésie de la mondialisation libérale.
Depuis cette conversation, certes très locale, mais aussi très instructive parce qu’évidemment non isolée, d’autres bien pensants de cette nature se sont lâchés, pour reprendre une expression très actuelle.
Ainsi, Warren Buffet, 2ième fortune au monde, a déclaré voici quelques mois « la lutte de classes, nous sommes entrain de la gagner », sous-entendu sur le dos de la classe ouvrière.
Puis Denis Kessler, dont on se souvient qu’il fut l’emblématique numéro 2 d’un MEDEF revanchard, s’associa aux thèses du milliardaire américain en déclarant qu’il avait toujours été un partisan de la lutte de classes (dans sa jeunesse, il fut un militant d’extrême gauche puis de la CFDT) mais qu’entre temps il avait changé de bord !!!
Toujours dans le même courant de pensée, l’ancien boutefeu de l’organisation patronale déclara le 4 octobre 2007 « qu’il fallait défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance »
Ainsi, les objectifs sont clairs et sans ambiguïté.
Face à de tels aveux, serait-il déplacé de revendiquer notre appartenance à la classe ouvrière, à la lutte de classes et à l’indépendance syndicale ?
Certainement pas, au contraire, plus que jamais nous devons revendiquer cette affiliation et ces postures.
Pour attester de la véracité du feuilleton cauchemardesque de la reprise des acquis sociaux, pour mémoire et sans prétention exhaustive, je vous rappelle les étapes les plus marquantes.
Les plans Barre
Les premières remises en cause remontent à la fin des années 70 avec les fameux plans Barre, honteusement qualifiés de plans emplois.
L’objectif soigneusement dissimulé était d’imposer le partage, non pas le partage des richesses produites, mais au contraire le partage de la rigueur.
Après la suppression dans le secteur privé de milliers d’emplois à durée indéterminée couverts par des conventions collectives, le gouvernement offrait « généreusement » des « emplois » à temps partiel, de courte durée, aux salaires écrasés, dont les fameux T.U.C., C.E.S. etc…etc…
Le début des délocalisations
Puis ce fut le tournant de la rigueur de 1983 et ses nombreux plans de licenciements, hypocritement maquillés en plans sociaux. Insidieusement, ceux-ci imposaient aux salariés la culture du sacrifice.
La pratique était la suivante. Les entreprises « mères » créaient des filiales, souvent avec le concours de leurs cadres supérieurs. Celles-ci, déliées des accords sociaux de l’entreprise « mère » devenaient des concurrentes directes. Puis, les entreprises « mères » conditionnaient le maintien d’un volume d’activité au renoncement des salariés « restants » aux accords antérieurs de l’entreprise. A leur tour, celles-ci s’en remettaient à la stricte application des conventions collectives.
Cette pratique a fait des ravages, l’argument des salariés « restants » étant le plus souvent : « au moins on a gardé un pied dans l’entreprise »
Mais, à quel prix ? Et pour combien de temps ?
Dans la majeure partie des cas, les maisons « mères » comme leurs filiales disparurent par la suite, délocalisant vers la Chine ou les pays du Centre ou de l’Est de l’Europe.
Les valeurs de la Sécurité Sociale gravement atteintes
Les années 90 furent mortelles pour l’institution Sécurité Sociale. Les décrets Balladur d’août 1993 portèrent un coup fatal au système des retraites en aggravant les conditions d’accès, 40 ans de cotisation au lieu de 37,5 ans, et le pouvoir d’achat en élargissant la période de référence pour le calcul du montant de la pension passant des 10 aux 25 meilleures années.
L’augmentation des pensions, non plus calculée sur la moyenne des salaires mais sur le niveau de l’inflation, a elle aussi un impact régressif très important. Les femmes en sont les premières victimes.
Selon des experts, le pouvoir d’achat global des pensions aurait baissé d’au moins 20 % depuis ces réformes, en 2010 plus d’un million de personnes de plus de 65 ans sont sous le seuil de pauvreté.
Puis il y eut le plan Juppé de 1995 et les ordonnances de 1996. Il est évident que la résistance sociale fut exemplaire mais hélas insuffisante. Nous devons cet échec au courant autogestionnaire qui depuis s’est attribué le qualificatif de libéral !!!
Au final, d’un système reposant sur un financement et une gestion paritaires institué par le Conseil National de la Résistance, et qui avait fait ses preuves, nous sommes passés à un système étatique. Depuis 1996, le Parlement vote les budgets de la Sécu et le Ministère des Affaires Sociales gère le système en direct avec l’efficacité que l’on sait, déremboursements des médicaments, franchises, laisser-faire sur les dépassements d’honoraires !!!
Les 35 H : ne pas ignorer le revers de la médaille
Puis ce fut l’épisode controversé des 35 H qu’il ne faut pas confondre avec une réduction du temps de travail. Ces lois Aubry, dites des 35 H, ne ressemblent en rien à celle des 39 H qui, elle, n’avait demandé aucune contrepartie aux salariés. Par ailleurs, ces lois ne s’appliquèrent concrètement qu’aux entreprises de plus de 20 salariés.
Je considère que ce fut la plus grande escroquerie sociale des cinquante dernières années.
Les laudateurs des 35 H oublient de dire que les négociations avec le patronat aboutirent à l’introduction d’une notion nouvelle, celle du travail effectif. Ainsi, le temps passé dans l’entreprise est devenu d’au moins 37 H, pauses comprises. Il faut préciser qu’à cette époque, dans la métallurgie, un accord de branche avait fixé à 38 H 30 la durée hebdomadaire du travail.
Ne supportant pas l’appellation 35 H, le patronat exigea la mise en place de règles permettant une optimisation de l’outil de production, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours sur 365, se traduisant par la quasi-généralisation du travail posté, partout où ce fut possible, 3x8, 4x8, 5x8, V.S.D., travail du dimanche etc…D’ailleurs, les études montrent que les gains de productivité n’ont cessé d’augmenter, y compris avec ces lois. Cependant, selon les statistiques, une vie de travail posté réduit la durée de vie des salariés concernés de près de 10 ans.
Quel progrès !
Dans cette période de débat sur les retraites pour cause d’allongement de la durée de vie, qui peut affirmer que cet allongement constaté depuis quelques décennies se prolongera jusqu’en 2040 et plus ?
Les 35 H ont également introduit la pratique de l’annualisation du temps de travail enterrant, de fait, le principe des heures supplémentaires calculées à la semaine et payées mensuellement avec des abondements à 25 et 50 %.
Ce fut également la véritable arnaque du donnant, donnant : temps « libre », en fait des heures supplémentaires rendues et non payées, contre le renoncement de la revalorisation des salaires et l’abandon de plusieurs primes. Le patronat en profita pour pousser les feux sur le principe des augmentations individuelles, détruisant ainsi celui des augmentations générales négociées.
Enfin, faut-il rappeler la honte supplémentaire pour un gouvernement se qualifiant de gauche, permettant des dérogations aux conventions collectives et au code du travail à partir du moment où celles-ci étaient contractualisées ?
En résumé, et pour conclure sans exhaustivité, il est responsable de dire que ces lois Aubry dites des 35 H ont participé à la longue dégradation des conditions de travail des salariés.
Le rôle de l’Europe libérale
L’accélération de la construction libérale de l’Europe joue, elle aussi, un rôle non négligeable dans les reculs sociaux. C’est encore plus vrai depuis l’intégration en 2004 des dix pays de l’Europe centrale et orientale. Le dumping social, certes discret, mais bien réel, est un axe privilégié de l’économie européenne.
Certes, la fumeuse directive Bolkestein fut rejetée sous la pression populaire mais, sa remplaçante, la directive services fait entrer par la fenêtre, pour ce secteur d’activité, le dumping social qui avait été sorti par la porte.
Pour le secteur industriel, depuis 5 ou 6 ans, les délocalisations d’entreprises françaises s’accélèrent vers la Roumanie, la Tchéquie, la Pologne…. Plus de la moitié des véhicules automobiles vendus par les constructeurs français sont fabriqués hors de l’hexagone, sous l’ignoble justification qu’il ne s’agit pas de délocalisations puisque ces transferts sont intra union européenne. Dans ces pays, les salaires sont 5 à 6 fois inférieurs aux salaires français.
Tout ceci avec la bénédiction du Traité de Lisbonne, odieusement arraché aux peuples, coulant dans le marbre l’interdiction de l’harmonie sociale au sens progressiste de la formule.
Le krach de 2008 : une aubaine
Puis le krach de 2008 arriva, je le rappelle prévisible, il est une aubaine supplémentaire et calculée qui permet de poursuivre le démantèlement des régimes sociaux.
Ainsi Denis Kessler peut se réjouir, l’héritage du Conseil National de la Résistance est pratiquement défait. L’un des derniers bastions est tombé sous les coups répétés des libéraux. La gestion paritaire des indemnités de chômage, les ASSEDIC et le service public de l’emploi, l’ANPE sont devenus Pôle Emploi, un bidule exclusivement aux mains du Gouvernement qui pourra, le jour venu, livrer aux négriers le marché de l’emploi.
Pour le reste, Jacques Attali a été clair, les libéraux ont dix ans pour finaliser leurs basses besognes.
Déjà la poursuite du démantèlement de l’Assurance Maladie est programmée. L’objectif est de limiter le rôle du système solidaire à l’hospitalisation et aux affections de longue durée.
Tout le reste serait offert au marché par l’entremise du mouvement mutualiste et des compagnies d’assurances.
Profitant de la pression sur le bouclier fiscal, le gouvernement s’engouffre dans la brèche et propose une réforme de la fiscalité. Là aussi, il faudra faire preuve de combativité. Bien sûr, une réforme fiscale s’impose, mais proposée par l’actuel Chef de l’Etat, il y a lieu de s’inquiéter. L’appétence des libéraux et de certains conseillers de l’Elysée pour la TVA sociale, se substituant entre autres à l’impôt sur le revenu, est bien réelle et pas seulement dans les milieux politiques.
Le régionalisme destructeur d’acquis sociaux
Mais il faut revenir sur le rôle joué par l’Union Européenne et son bras armé, la commission.
Plusieurs fédéralistes européens déplorent aujourd’hui une Europe en panne. Je n’ai pas ce sentiment, bien au contraire.
Les objectifs des qualifiés « Pères de l’Europe » Monnet et Schuman, de voir disparaître les Etats sont en phase de réalisation. Quelques exemples : le Royaume de Belgique est au bord de l’implosion, l’Italie est dans un état similaire, l’Espagne suit le même chemin, l’affaire de la corrida cet été en Catalogne est significative des combats qui se mènent dans cette partie de la péninsule ibérique.
Et, la France, me direz-vous ?
Rassurez-vous, pour ce qui est du recul de l’Etat, elle n’est pas en reste.
Le Président Sarkozy et ses acolytes s’en occupent avec la réforme territoriale.

Dans un premier temps, sous couvert d’économies, le projet prévoit la substitution des conseillers généraux et régionaux en conseillers territoriaux. S’il se réalisait, cette substitution serait capitale, car elle briserait la République Française et en particulier l’article 1er de la Constitution.
Les départements, colonne vertébrale de notre République, créés par la Révolution de 1789 seraient dans la situation de la corde qui soutient le pendu.
Ainsi, la réforme territoriale est conforme au fédéralisme européen puisque les régions deviendraient les structures géographique, politique et économique privilégiées des instances européennes.
A titre anecdotique, mais est-ce une anecdote, l’immatriculation des véhicules à moteur est désormais dépourvue du numéro de département (ce n’est pas le minuscule et invisible numéro surmonté du logo régional qui peut effacer la supercherie) Est-ce un hasard si La Poste et la Monnaie de Paris mettent en circulation des pièces de 10 € frappées à l’effigie de chaque région ?
Hélas sur ce terrain, il ne faudra pas compter sur les socialistes pour s’opposer au fédéralisme. Gardons en mémoire la visite d’une délégation de 12 Présidents et 5 Vice-présidents socialistes de région à José Barroso le 26 avril 2006. Cette délégation conduite par Alain Rousset, Président de l’Association des régions de France, constituée entre autres de Michel Sapin, Michel Vauzelle, Ségolène Royal …, avait pour objectif de demander au Président de la commission européenne que les aides accordées soient directement versées aux régions et donc ne transitent plus par Paris. La Présidente de Poitou-Charentes avait poussé l’argumentation jusqu’à préciser « au-delà des clivages politiques, la vraie réforme de l’Etat, c’est d’aller jusqu’au bout de la décentralisation »
Cette position fut confirmée, tout récemment, dans mon département, où Marylise Lebranchu, Présidente de la Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains, déclara devant ses pairs au sujet de la réforme « Nous avons à expliquer que nous réfléchissons à un nouveau projet qui tourne le dos à cette politique…Nous voulons aller beaucoup plus loin dans la décentralisation. Je ne crois pas à l’unicité du territoire. Nous croyons à l’expérimentation »
Ainsi, l’actuel courroux des socialistes sur la réforme territoriale de Sarkozy n’est qu’une triste mise en scène.
 
Le deuxième volet de cette réforme est celui des compétences.
La volonté européenne est de mettre les régions en concurrence. Pour ce faire, il suffit que la réforme territoriale accorde aux régions la compétence spécifique de l’économie.
Compte tenu des enjeux multiples, quel exécutif régional accepterait cette compétence spécifique, sans pouvoir maîtriser la totalité du dossier, y compris le social ?
Et c’est là qu’interviendrait la poursuite du démantèlement des valeurs du C.N.R.
Déjà les conventions collectives nationales de branches sont dans le viseur, les tireurs d’élites fourbissent leurs armes.
Dans le langage économique, on parle désormais de filières : filière aéronautique, filière énergétique, filière verte etc…Dans l’hypothèse d’une généralisation des filières, il y a fort à parier que les salariés et leurs représentants seraient contraints d’abandonner les conventions collectives de branches et confrontés à des négociations par filières régionales.
Qui peut imaginer que les nouveaux textes amélioreraient la situation des salariés ?
Voici quelques semaines, de manière anodine, une publicité de Pôle Emploi fut diffusée sur les ondes.
Le scénario était le suivant. Un jeune employeur interrogeait Pôle Emploi pour s’informer de la rémunération qu’il devrait à son nouvel employé. La réponse fut significative : « Donnez-moi la qualification de votre futur collaborateur, je vous communiquerai la fourchette de rémunération qui se pratique dans notre région »
La précision géographique n’était pas anodine.
Tout ceci se combine avec la vieille volonté patronale de régionaliser le S.M.I.C.
Ainsi, le détricotage des valeurs du C.N.R. se poursuit indubitablement.
Alors, que faire ?
Le combat réfléchi et organisé s’impose
Celles et ceux qui veulent réhabiliter la République Sociale doivent se persuader qu’il n’y a pas d’autres voies que celles de la révolte et du combat de classes, dans un cadre bien évidemment démocratique et pacifique.
Pour assurer la victoire, c'est-à-dire imposer le respect du monde du travail, il convient, au préalable, d’édicter des règles intangibles et de faire le bilan des forces en présence.
1 – Le pragmatisme devra être de rigueur, ainsi que le rejet de tout dogmatisme. De même il faudra s’affranchir de tout calcul partisan et s’imposer une totale indépendance d’analyse et d’action.
2 – Il ne sert à rien de feindre d’ignorer l’état des forces syndicales françaises. Le récent épisode des retraites a témoigné de cette difficulté (voir mon article : Les retraites, ne transformez pas l’essai)
Elles sont à l’image du syndicalisme européen dont elles sont parties intégrantes et constitutives de la Confédération Européenne des Syndicats.
De manière générale, la C.E.S. se garde bien de nuire au principe cher aux européistes, la sacro-sainte concurrence libre et non faussée.
Ce n’est pas la manifestation organisée à Bruxelles le 29 septembre qui rendra crédible ce « machin »
Le slogan utilisé pour cette journée « contre l’austérité » est bien le minimum syndical que celle-ci puisse faire.
Il eut été responsable que la C.E.S. précise, par exemple, sa position sur les retraites, qu’elle soit au côté des syndicats grecs et demain irlandais pour s’opposer à la cure d’austérité imposée par le FMI, l’Union Européenne et le Parlement français, entre autres. Il ne suffit pas de clamer que les salariés ne sont pas responsables de la crise, il faut concrètement agir avec eux.
Mais il est vrai qu’après avoir soutenu feu le Traité Constitutionnel Européen, puis le Traité de Lisbonne et la Stratégie de Lisbonne, sa liberté d’expression est réduite  et son action, à fortiori, limitée. Les déclarations communes patronat/C.E.S. étant devenues tristement légendaires.
En ce sens, force est de constater que la C.E.S. est une organisation de collaboration de classes.
Qui peut ignorer l’influence du patronat dans cette affaire ? Il ne s’est d’ailleurs pas limité au continent européen.
De l’extérieur, il a réussi à miner les fondations du seul syndicalisme international libre existant, la Confédération Internationale des Syndicats Libres (C.I.S.L.) créée en 1949.
En 2007, la C.I.S.L. a été exterminée pour donner naissance à la C.S.I. (Confédération Syndicale Internationale) Que peut donner, pour l’intérêt des salariés du monde entier, l’association des antagonismes historiques du syndicalisme, les partisans de la lutte de classes et ceux de la collaboration de classes ?
Comment avoir espoir que cet autre « machin » s’oppose à la globalisation financière ?
Cependant, même avec un bilan aussi décevant, les motivations citoyennes et ouvrières ne doivent pas être entamées, au contraire. Il doit permettre de mesurer le niveau d’engagement nécessaire pour stopper ces trente années de reculs sociaux et ainsi rétablir une authentique République Sociale.
Si l’on veut, la tâche n’est pas insurmontable
En tout état de cause, la tâche n’est pas insurmontable, loin s’en faut. Nous ne sommes pas dans la situation de la classe ouvrière au 19ième siècle. Aujourd’hui, un socle existe, celui construit tout au long du 20ième siècle et en particulier avec l’architecture du Conseil National de la Résistance, même si une adaptation à l’évolution du monde moderne est indispensable.
Pour ce faire, le plus tôt possible, il est impératif de réhabiliter les fondamentaux, sans lesquels la réussite ne sera pas au rendez-vous.
Contrairement aux espérances de quelques uns, c’est dès maintenant qu’il faut agir. Attendre 2012 serait renouveler une erreur déjà commise par le passé.
Même si la Constitution de la 5ième République fait que la politique française se fait davantage à l’ancien Hôtel d’Evreux qu’au Palais Bourbon ou au Palais du Luxembourg, en politique surtout, il n’y a ni homme ni femme providentiels.
Qui a oublié les aveux d’impuissance « en matière de chômage, on a tout essayé » ou ceux de complaisance « l’Etat ne peut pas tout faire » ?
Ainsi, l’esprit collectif doit redevenir le comportement naturel des citoyens victimes de la globalisation financière.
Il appartiendra à chacun de choisir sa méthode, soit d’adhérer à une confédération ouvrière, ce qui me parait le plus efficace, soit d’intégrer un parti, et pourquoi pas les deux, ou rejoindre des structures associatives citoyennes…
Il ne suffit pas de clouer au pilori le capitalisme financier par des discours, par des écrits, pour se sentir libéré de ses responsabilités. L’anticapitalisme induit une culture comportementale spécifique, tant dans sa condition de salarié que dans celle de consommateur.
Pour imager le sujet, je compare la globalisation financière à un fleuve au débit monstrueux, au cours violent et donc dangereux emportant tout sur son passage. Pour éviter les catastrophes, il faut en réguler le débit.  Or, il est acquis que le danger serait moindre si le fleuve n’était pas alimenté par une multitude de petits ruisseaux financièrement appelés « petits porteurs » regroupés dans une pratique dite de l’actionnariat populaire.
Contrairement aux apparences, cet actionnariat populaire est un poison violent pour les forces du travail.
Les salariés doivent considérer que l’argent, dont ils disposent par leurs salaires, leurs pensions, leurs indemnités, doit avoir pour rôle exclusif, l’échange de biens d’existence. Ils doivent exclure la monnaie, outil de rapport.
Pour éviter l’aliénation, ils ne doivent pas confondre épargne et spéculation.
La même discipline doit prévaloir pour le pouvoir d’achat. Celui-ci ne doit être constitué que du salaire, associé au salaire différé.
Considérer que le crédit (excepté pour les gros achats, logement, véhicule…) fait partie des éléments de pouvoir d’achat est une autre aliénation.
Alors, bien évidemment, cela nécessite un engagement individuel pour donner au collectif la force nécessaire pour arracher des augmentations générales de salaires qui garantiront et augmenteront le pouvoir d’achat.
N’oublions jamais que le système de protection sociale solidaire repose sur le principe du salaire différé, c'est-à-dire sur la différence entre le salaire brut et le salaire net.
Or, non seulement le crédit est un pouvoir d’achat artificiel et aliénant, mais de plus il ne participe en rien au financement de la protection sociale d’où la récente « réforme » des retraites dont le but inavoué est de transférer le système solidaire vers le marché.
 
Au cas où ma conclusion serait sujette à controverse, je dis par avance que nous n’avons pas le choix. Si le monde du travail veut être respecté, il doit s’imposer un minimum de règles pour déjouer les pièges du capitalisme financier.
S’agissant des moyens, et compte tenu de la situation de la classe ouvrière, nous devons considérer que  la lutte de classes n’est pas qu’une histoire de manifestations de rues et de grèves, fussent-elles générales, elle est aussi dans le refus de chacun d’alimenter les tares du capitalisme.
C’est une question de cohérence et de cohésion.
 
Article publié le 23 novembre 2010