Que de salive versée, que d’énergie inutilement dépensée pour cette L.G.V. (Ligne à Grande Vitesse) devenue par la suite L.N.P.N. (Ligne Nouvelle Paris Normandie)
Pour bien comprendre le cheminement de ce dossier, il faut en situer la genèse.
Nicolas Sarkozy est élu Président de la République en 2007, il sait que le pouvoir régional est détenu par ses adversaires socialistes et il se donne pour objectif de renverser cette situation aux élections régionales de 2010. En voici les principaux épisodes concernant notre région.
Acte 1 : Stratégie sarkozyste
Nicolas Sarkozy, fraichement élu, reprend un vieux concept bonapartiste selon lequel « Paris – Rouen – Le Havre, une seule et même ville dont la Seine est la grande rue »
Avec ce dossier réactualisé, il espère « récupérer » l’Ile de France en créant le projet du Grand Paris.
En 2008, il nomme Christian Blanc, Secrétaire d’Etat chargé du développement de la région capitale. L’urbaniste Antoine Grumbach se voit confier un projet de développement de l’axe Seine.
Mais il doit faire face aux déboires de Christian Blanc (affaire des cigares). En 2011, il nomme l’ancien Maire du Havre, Antoine Rufenacht, Commissaire général au développement de la vallée de la Seine.
Acte 2 : Mettre le Conseil Régional de Haute-Normandie en difficulté
Le postulat de départ est plus qu’ambitieux puisqu’il fixe à 1H15 le temps de trajet Paris – Le Havre.
A cette époque, la Haute-Normandie mène une réflexion sur un projet de nouvelle gare à Rouen.
Le quartier St Sever, rive gauche, est privilégié, le dossier fait état d’une gare régionale.
Restait à finaliser la traversée de la Seine, en aval de Rouen.
Pour provoquer le débat ou plutôt la polémique, le plan Sarkozy prévoit de longer la Seine par la rive droite et oublie même Rouen, d’où la justification d’une durée de trajet de 1H15 entre Paris et Le Havre.
Acte 3 : Les Rouennais offusqués
La réaction des Rouennais ne se fait pas attendre. Après quelques échanges par presse interposée, Rouen se voit intégrée dans le projet sarkoziste de L.G.V. et un autre itinéraire apparaît, celui longeant l’A13 (rive gauche)
Acte 4 : Des Bas-Normands faux-frères
Les Bas-Normands, ou les Caennais devrais-je dire, apparaissent dans ce jeu. Ils y voient l’opportunité d’un raccordement situé dans le roumois pour prolonger la ligne vers Caen.
Ainsi les Caennais/Bas-Normands se révèlent de faux-frères de l’autre Normandie. Dans leur schéma, ils oublient l’Eure et plus particulièrement Evreux et Bernay.
Mais qu’à cela ne tienne, à chacun son pré carré, la concurrence régionaliste n’est-elle pas devenue la valeur cardinale du nouvel affairisme ?
Il est pour le moins curieux et regrettable que des Hauts-Normands, à moins qu’il ne s’agisse tout bonnement que de Rouennais, appuient le schéma caennais !
Ainsi comment peut-on parler d’aménagement équilibré du territoire ?
Acte 5 : Les Eurois réagissent
A leur tour, les Eurois présentent leur projet, car si Evreux et Bernay sont voués à l’omnibus, le raccordement autour de Louviers – Val-de-Reuil fait débat.
Acte 6 : La machine s’emballe
Né d’une stratégie politicienne, au fil du temps ce dossier est devenu un amoncellement de démagogie, d’intérêts personnels, de calculs politiciens et autre folie des grandeurs.
On y trouve des inepties comme le positionnement des élus centristes de Bernay qui, de retour d’une visite au Ministre concerné, revendiquèrent le passage de la L.G.V. à Bernay, tout en souhaitant autant d’arrêts qu’avec la ligne actuelle !
Curieusement, ces élus n’ont toujours pas fait la différence entre l’omnibus et le rapide !!!
Acte 7 : Commission du débat public
Au moment où la commission du débat public s’apprête à tenir ses premières réunions, nous en sommes à 4 itinéraires possibles et 4 gares à construire, Rouen – Louviers – Evreux – Bernay.
Pendant toute cette période de débats passionnés plus que passionnants, une question n’est pas posée, ou simplement effleurée : le coût.
La fourchette balbutiée se situerait entre 9 et 15 milliards d’euros. Une broutille, n’est-ce-pas ?
Si l’on doit trouver un aspect positif dans cette affaire, c’est du côté de la commission du débat public qu’il faut regarder :
- Le nombre de réunions fut suffisant.
- Les prises de paroles furent libres, sans tabou et reçurent toutes des réponses.
- Aucune censure n’a été constatée.
C’est d’ailleurs au cours de ces réunions publiques que les utilisateurs quotidiens, pour la grande majorité d’entre eux, des salariés, ont crié leur inquiétude de voir une L.G.V. se créer dans une bonne dizaine d’années risquant d’appauvrir encore la qualité du transport actuel en fréquence de rames, en arrêts et en ponctualité.
L’expression répétée à chaque fois que nécessaire était la suivante « Nous n’avons pas besoin de grande vitesse, nous voulons des trains aux fréquences régulières, ponctuelles, en nombre suffisant, et tout de suite, pas dans 15 ans »
De son côté, le monde agricole fit connaître sa ferme opposition à voir des terres agricoles stérilisées par dizaines d’hectares, notamment dans la plaine du Neubourg.
A cette période, le clivage est clair. Pour les uns, il faut chasser en meute pour soutenir le principe d’une L.G.V., pour les autres, tant que ne seront pas abordées les questions du financement et de l’engagement de chacun, rien ne sera possible.
Acte 8 : Un flop magistral suivi d’un acte de raison
Ainsi, au printemps 2012, le bilan de l’opération n’était pas glorieux.
La stratégie sarkozyste faisait flop.
Les élections régionales de 2010 furent un échec pour l’initiateur du « Grand Paris axe Seine » et les présidentielles confirmèrent le rejet de la démagogie.
Passée cette phase politicienne, aujourd’hui, il semble que l’objectif soit de revenir aux projets d’origine, plus responsables et réalisables dans les meilleurs délais. Des projets en forme de fondation d’un édifice plus conséquent pour les années à venir sont rappelés :
1 – Construire une nouvelle gare régionale à Rouen rive gauche
2 – Augmenter les capacités ferroviaires entre Paris et Mantes.
Il reste que l’amélioration des infrastructures actuelles et la fiabilité des rames demeurent une urgence.
Au travail, Mesdames et Messieurs les décideurs
Nous espérons que les élus (es) et autres membres de la dite société civile qui ont dépensé une forte énergie pour la L.N.P.N. auront à cœur de développer autant de motivation, sans arrière pensée, pour l’amélioration de l’équipement actuel.
Les utilisateurs quotidiens qui, faute de trouver un emploi proche de leur domicile, ont l’obligation de se rendre à Paris ou à Caen, jour après jour, ne peuvent plus attendre.
La régularité, la ponctualité, la sécurité et le confort des rames sont l’urgence des urgences.
A la démagogie de certains décideurs doivent succéder le réalisme et le concret dans les délais les plus courts. Espérons que l’argument de la crise ne servira pas d’alibi pour repousser ce dossier.