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L'économie collaborative : Quèsaco ?



Les générations les plus anciennes, la majorité d’entre elles nées juste après la seconde guerre mondiale, n’ont pas connu d’autres organisations politique et sociale que celles issues du Conseil National de la Résistance, où services publics et protection sociale sont étroitement liés aux salaires et aux revenus.
On peut appeler cela la République sociale.
Les tenants de la finance et le grand patronat n’ont jamais accepté ce modèle de société exerçant le partage des richesses produites.
Ils ont toujours considéré que l’activité humaine quel que soit le domaine, y compris l’éducation et la santé, devait être soumise aux lois du marché.
En permanence, ils accusent le « trop de charges » empêchant le développement de leur activité et aujourd’hui leur compétitivité.
Oubliant, comme par hasard, les fortunes qui se sont créées au cours des 70 dernières années, malgré ces soi-disant entraves !!!
Au cours de la récente période, les gouvernements toutes tendances confondues ont plié face au diktat de la puissance économique et financière et accordé de nombreuses baisses de cotisations sociales, et des allègements fiscaux pour les plus fortunés par la création de niches fiscales.
A la fin des années 70, l’idée d’échange de main d’œuvre et de savoir est apparue.
En France, des associations se sont créées au sein desquelles s’échangeaient qui des heures de maçonnerie contre des heures de jardinage, qui des heures de repassage contre des heures de mécanique, qui des heures de secrétariat contre des heures de cuisine, etc... etc...
Jamais ce type d’organisation, qui resta marginal, n’a eu d’impact sur l’économie classique.
Il a cependant permis à des petits revenus de réaliser des investissements qui n’auraient pas été possibles autrement et à traverser des périodes de sous-emploi sans trop de difficultés.
Ce mode économique portait le nom d’économie collaborative.
Avec le développement des nouvelles technologies d’Internet, le monde des affaires ne laissant rien au hasard, les pourfendeurs de la société socialisée voient l’opportunité d’une société du business intégral et sans entrave.
C’est un point de bascule du monde économique dans lequel nous vivons depuis près d’un siècle. Le tournant est d’autant plus dangereux qu’il sensibilise un grand nombre de personnes, faisant preuve ainsi d’une certaine dose d’inconscience.
Cette affaire débuta dans les années 2000 avec le piratage des œuvres culturelles (musique et cinéma) via Internet.
Cette gratuité volée par les pratiquants de ces larcins cause un double problème.
Le premier prive de leurs droits les créateurs et les interprètes et le deuxième soustrait à l’Etat des impôts et des taxes ce qui fragilise le financement de la gestion collective.
Cette nouvelle délinquance justifie ses forfaits au prétexte que les artistes et les sociétés d’édition et de diffusion réalisent de mirobolants bénéfices.
Or, dans un régime politique organisé, ce n’est pas aux individus/consommateurs de déterminer subjectivement les modalités du commerce, mais aux élus – théoriquement mandatés par les électeurs /citoyens – d’établir les régimes fiscaux et sociaux.
Dans ce même ordre d’idée, mais cette fois ci sans qu’il y ait délinquance, Internet s’est emparé des annonces commerciales. Des sites spécialisés sont apparus, offrant la gratuité des annonces.
Cette pratique prive la presse écrite d’une partie de ses revenus et la puissance publique ne peut ni taxer ni imposer !
Les startups ne manquant pas d’ingéniosité inventent tout un tas de systèmes organisés, autour de sites dédiés venant en concurrence frontale et déloyale aux activités commerciales régies par une pratique traditionnelle.
Les médias et autres commentateurs osent qualifier ces pratiques de version moderne de l’économie collaborative !!!
La plus connue, parce que la plus médiatisée, est le transport de personnes à la demande.
Pas besoin de licence, pas besoin de véhicule identifiable, le véhicule personnel fait l’affaire et quelques heures de disponibilité suffisent, par jour, par semaine, peu importe. Il suffit de se connecter au site et de répondre à la demande du client.
On encaisse le prix de la course et basta.
Pas d’impôt, pas de taxe, pas de cotisation sociale.
En off, les pratiquants de ce système expliquent leur satisfaction d’arrondir ainsi leurs fins de mois.
Ne serait-ce pas une sorte de travail clandestin ?
L’hébergement de courte durée s’est également mis sur ce créneau.
Le phénomène s’exerce principalement en ville.
Des sites spécialisés recueillent les volontaires disposés à héberger dans leur appartement, pour une nuit ou plusieurs, des touristes, mais pas seulement. Il reste à ceux-ci à consulter le site pour choisir leurs hôtes.
Parmi ces offrants, on ne rencontre pas que des propriétaires. Des locataires y trouvent un intérêt à alléger le montant de leur loyer. C’est une pratique illégale de sous-location.
Le principe de l’exonération  de fait, fiscale et sociale, permet un niveau de tarification imbattable. L’hôtellerie classique se trouve dans une situation de concurrence déloyale, portant préjudice à la pérennité de l’activité hôtelière.
Dans cette jungle où la concurrence est le seul critère qui vaille, nous considérions, il y a encore quelques années, que l’artisanat était épargné.
Nous n’avions pas perçu qu’il était, lui aussi, une cible potentielle de cette pratique néolibérale.
L’activité du dépannage et de l’entretien dans des domaines aussi variés que la plomberie-sanitaire, la télévision, la hi-fi, l’informatique, etc… etc… se prête aisément à cette pratique.
En utilisant toujours le système des plateformes informatiques, les clients font appel à des prestataires, à ceux-ci de se porter candidats à la prestation, en fonction de divers critères (disponibilité, proximité géographique – nature de la panne – etc…)
Le « marché » est conclu à réception, via les modes de paiement en ligne, du forfait de la prestation.
Là également, aucun contrôle de la puissance publique n’intervient.
Le prestataire est-il inscrit au registre du commerce ? Quelle est sa qualification ? Est-il un professionnel agréé ?
Toutes les dérives sont possibles. De plus, cette activité est également exonérée de fait de solidarité sociale et fiscale.
Les auto-écoles sont, elles aussi, victimes de ce tourbillon numérique, avec l’apprentissage du code en ligne.
Considérer le rejet de cette évolution comme un réflexe passéiste et ringard serait une erreur.
En aucune façon, il ne s’agit de refuser le modernisme et l’entrée du numérique dans notre quotidien. La question est de maîtriser la numérisation dans un cadre de solidarité républicaine.
Interrogeons-nous sur les raisons de l’enthousiasme du patronat et plus particulièrement du MEDEF devant cette nouveauté.
C’est une occasion rêvée pour les tenants de la réaction de se débarrasser du salariat et de ses « entraves subséquentes » à la libre entreprise.
C’est le moment, sinon de généraliser, au moins de multiplier le principe de l’auto-entreprenariat.
Ainsi :
-          Basta le débat sur le choix des contrats – CDI – CDD – CDM – Intérim – etc…
-          Basta les qualifications et leurs concordances salariales
-          Basta les « charges patronales »
-          Bienvenue au contrat de gré à gré sur la durée et la rémunération
Contrairement à ce qui pourrait être imaginé, il ne s’agirait pas d’instituer un système complémentaire au salariat classique pour donner des espoirs d’emploi aux chômeurs.
Le but serait de réhabiliter, via les moyens modernes de communication, un vieux système qualifié autrefois de « tâcheron »
Le Ministre a plongé dans la boîte à idées de son mentor, le dangereux ultralibéral Jacques Attali.
C’est vraisemblablement à cela que s’attache le Ministre Macron avec sa nouvelle loi, dite Macron II, ou NOE pour Nouvelle Opportunité Economique.
Cette loi qui sera débattue au Parlement dès les premiers jours de 2016 risque de s’appuyer sur deux nouveautés :
-          Le « Statut Professionnel de Proximité »
-          La fin de l’exigence d’un diplôme pour exercer une profession
En clair, Macron ambitionne de réhabiliter le système que l’on croyait banni à jamais :
la distribution journalière du travail aux ouvriers rassemblés sur la place publique.
Si la loi Macron II allait dans ce sens, une autre conséquence apparaîtrait, celle de l’anéantissement des valeurs de solidarité républicaine organisée par la protection sociale collective.
Ce serait l’accomplissement du deuxième rêve du monde de la finance et du patronat.
Les tâcherons, version moderne, négocieraient avec leurs donneurs d’ordre un revenu à la fois brut et net.
Le salaire qualifié, depuis de nombreuses années, de « différé », dédié au financement de la protection sociale ne serait plus du ressort patronal.
En conséquence, les « heureux bénéficiaires » du contrat professionnel de proximité n’auraient d’autres choix que de se tourner individuellement vers les assurances commerciales pour la protection de leur santé, le chômage et leur vieillesse.
Autre risque, celui de voir disparaître, faute de financement, nombre de services publics.
Que chacun prenne conscience que des intellectuels zélés planchent à cette éventualité.
Une idée saugrenue a été émise par un haut fonctionnaire, il y a quelques jours, sans que celle-ci n’ait fait débat.
Sur les autoroutes, les contrôles de vitesse pourraient être réalisés par les entreprises privées en lieu et place des services de la gendarmerie nationale.
Ce « grand penseur » libéral, auteur de cette ineptie,  a-t-il compris que sur les autoroutes, comme ailleurs, les gendarmes ne se limitent pas à verbaliser les excès de vitesse ? Ils surveillent, ils ont été formés pour assurer la sécurité des citoyens. Ils participent au renseignement. En cette période, ce n’est pas une tâche négligeable.
Or, une entreprise privée se limiterait à encaisser un maximum de contraventions.
Le pire est d’apprendre que le Ministre de l’Intérieur Cazeneuve et le président LR Sarkozy voient d’un bon œil cette proposition !!!
 
Si le terme « classe ouvrière » signifie encore quelque chose aujourd’hui, il devient urgent d’organiser la riposte.
Voilà, si l’on n’y prend pas garde, la société que l’on nous prépare pour demain.
Seule une mobilisation de toutes celles et de tous ceux dont le niveau de vie dépend d’un bulletin de salaires ou de pensions permettra de rejeter ce soi-disant modernisme.
Mais pour cela il faut bannir l’individualisme et les égoïsmes de toute nature.
Hélas, le chemin est encombré, mais espérons encore !