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Edouard Martin : traître ou combattant ?



Dans les milieux politiques, les commentaires fusent, depuis l’annonce de la candidature du leader cédétiste de la sidérurgie de Florange, tête de liste dans la circonscription Est, aux européennes de mai 2014.
Tout d’abord, rappelons qu’en démocratie, tout individu a le droit de s’engager en politique. L’expérience syndicale et associative ne peut être qu’un avantage.
Le tout est de savoir pour quoi faire.
Dans les analyses qui circulent, il y a confusion.
Certaines, majoritairement, s’appuient sur l’aspect médiatique qu’Edouard Martin  révéla sur l’affaire des hauts fourneaux de Florange.
Au risque de choquer, ce n’est malheureusement que l’écume, le fond n’est pas ce qui a été médiatiquement montré.
Curieusement, lors des effets médiatiques d’Edouard Martin, la CFDT était bien silencieuse. On a même pensé qu’au sommet de l’affaire de Florange, quand le Premier ministre annonça son plan, elle s’apprêtait à désavouer son responsable local.
Il faut donc apprécier la candidature d’Edouard Martin sur le fond.
L’abandon de ses mandats syndicaux simultanément à son entrée en politique n’est ni un évènement ni un gage de respect de l’indépendance syndicale.
C’est tout simplement un acte politique car le potentiel des voix à séduire ira bien au-delà des adhérents et sympathisants CFDT.
Mais sur le fond rien ne sera changé.
On n’accède pas à ce niveau de responsabilité syndicale sans partager les fondamentaux de l’organisation qui vous fait confiance et que l’on représente.
Or, la CFDT est partie prenante dans l’actuelle construction fédérale de l’Union Européenne et n’a pas d’opposition à la pratique de la concurrence libre et non faussée.
En 2005, elle a fait campagne pour la ratification du Traité Constitutionnel Européen, deux ans plus tard, elle ne s’est pas opposée au Traité de Lisbonne, copie conforme du TCE.
Les reculs sociaux imposés par Bruxelles sous l’appellation de réforme de structures, le recul de l’âge d’accès à la retraite et la baisse du pouvoir d’achat des pensions, la flexibilité du travail et des règles permettant de baisser les salaires au travers de l’accord national interprofessionnel, sont avalisés par la CFDT.
Autant dire que l’ex-délégué syndical Edouard Martin est conditionné pour assumer un mandat de parlementaire européiste au sein du PS français, assumé dorénavant comme social démocrate à l’allemande, mais aussi et surtout du PSE, Parti Socialiste Européen.
Quant à imaginer que dans l’hémicycle strasbourgeois, il réitérera ses coups de gueule de Florange,  c’est se faire de douces illusions.
Autant rappeler tout de suite que pour la CFDT, la tradition du passage du syndicat au politique est inscrite dans les gènes des adeptes de la collaboration de classes.
En février 1983, sortant d’un entretien avec le Président de la République, François Mitterrand, Edmond Maire, alors Secrétaire Général de la CFDT déclara sur le perron de l’Elysée que « si un deuxième plan de rigueur est nécessaire, il devra contenir des options fermes en faveur des chômeurs et des bas salaires »
Manière diplomatique d’annoncer favorablement le fameux tournant de la rigueur.
Dans la foulée, Jacques Chérèque, Secrétaire Général Adjoint de la Confédération, sera nommé en 1984, Préfet délégué pour le redéploiement industriel en Lorraine. Il eut cette phrase qui en dit long sur ce que devint la sidérurgie en Lorraine « Il faut retirer les hauts fourneaux de la tête des sidérurgistes lorrains » !!!
De 1988 à 1991, il fut Ministre délégué à l’aménagement du territoire et à la reconversion industrielle du gouvernement Rocard.
En novembre 1988, lors d’un congrès tenu à Strasbourg, sous la direction de Jean Kaspar, 12 syndicats qualifiés de « moutons noirs » seront exclus, ce qui permettra, 7 ans plus tard, d’approuver le plan Juppé d’étatisation de la Sécurité Sociale, sans soubresauts internes.
Certains, engagés dans des partis d’extrême gauche, créent l’Union Syndicale Solidaire.
Remplacé par Nicole Notat en 1992, il sera nommé conseiller social à l’ambassade de France à Washington de 1993 à 1996 et il présidera une commission dite du Grand Dialogue de La Poste en 2012 suite à plusieurs suicides d’agents postaux de l’établissement public.
François Chérèque (le fils du père) fut Secrétaire Général de la CFDT de 2002 à 2012. Début 2013, il trouva un confortable reclassement. Le gouvernement Ayrault l’a nommé Inspecteur Général des affaires sociales, chargé du suivi du plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté.
Sa rémunération mensuelle serait de 7.257 €
Dans ces circonstances, il est difficile d’imaginer qu’Edouard Martin aura, au Parlement Européen, une attitude très différente de celle de ses « illustres » prédécesseurs.
Il déclare qu’il n’est pas membre du parti Socialiste (laissant entendre qu’il n’est pas lié aux directives de la rue de Solférino) !
Il jure ses grands dieux qu’il ne fera pas entorse à ses propres convictions !
On ne demande qu’à le croire, mais ...
La lucidité nous oblige à ne pas oublier que des socialistes classés, il n’y a pas si longtemps, à la gauche du parti, se complaisent, sans vergogne, dans une politique de centre droit pratiquée par le tandem Hollande/Ayrault.
On trouve ainsi, entre autres, Benoît Hamon, Ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, qui accepte sans broncher le refus de la commission européenne, d’imposer la traçabilité de la viande malgré l’affaire du cheval dans les lasagnes, et le député Henri Emmanuelli qui, fin 2012, n’a pas hésité à déclarer « que des gens passent plus de temps à la retraite qu’en activité » justifiant ainsi l’allongement de la durée de cotisation.
Alors, bon vent Edouard Martin, le monde du travail vous regarde !