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Désir de rien



En grand politologue qu’il est, Harlem Désir a découvert récemment qu’il existait des passerelles idéologiques entre l’UMP et le FN !
Il faut au moins sortir major d’une grande école pour publier, sous forme de scoop, ce qu’une majorité de citoyens a compris depuis longtemps.
A moins que le premier secrétaire du Parti Socialiste débarque d’un voyage lunaire l’ayant écarté de la politique française pendant plusieurs années.
Si c’est le cas, qu’il soit pardonné.
Beaux joueurs, nous allons lui donner quelques éléments qui, peut-être, l’éclaireront.
Tout d’abord, on ne peut oublier qu’au cours du quinquennat précédent, Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse de lancer des débats qui ne pouvaient qu’établir des passerelles entre la droite et l’extrême droite, le débat sur l’identité nationale, par exemple.
Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd’hui, il faut se remémorer l’histoire de ces deux partis.
E
n 1976, le RPR fut créé par et pour Jacques Chirac. Ce dernier avait pris l’option d’établir une digue entre le parti gaulliste et l’extrême droite. Mais tout le parti n’était pas sur cette même ligne. Les uns qualifiés de bonapartistes défendaient l’option pure et dure d’une droite sans complexe, et d’autres considérés comme « modérés », d’essence démocrate chrétienne et qualifiés d’orléanistes, ne voyaient pas d’inconvénient à gouverner avec le centre. Même si parfois le clivage n’était pas aussi évident.
Certes, Jacques Chirac se livra à quelques écarts de langage comme « l’odeur sur le palier » mais le « choix républicain » prévalait toujours dans le cadre de triangulaires électorales.
L’autre bout de la corde du RPR était tenu par Charles Pasqua, cofondateur du service d’action civique (SAC) Il considérait que la France devait être dirigée à droite et non au centre droit, laissant, de fait, la porte ouverte à des idées d’extrême droite.
En 1988, alors qu’il était Ministre de l’Intérieur, entre les deux tours de la présidentielle où Mitterrand et Chirac allaient s’affronter pour accéder au sommet de l’Etat, Pasqua donna une interview à « Valeurs Actuelles » en forme d’appel au Front National à voter Chirac en précisant « Le FN se réclame des mêmes préoccupations et des mêmes valeurs que la majorité » (RPR à l’époque)
Après son deuxième bâton de maréchal acquis avec un retour place Beauvau de 1993 à 1995, sous l’ère Balladur, Pasqua engagea un bras de fer avec Chirac. Le divorce entre les deux hommes forts du RPR fut consommé quand Pasqua créa le RPF en 1999 avec de Villiers. La question européenne finissant de diviser les deux frères ennemis.
Les manœuvres du puissant patron des Hauts de Seine ne furent pas couronnées de succès.
Face à cette succession d’échecs, Charles Pasqua comprit que l’avenir d’une droite franche ne passait plus par des vieux chevaux de retour, mais par une relève jeune et fringante. Il suffisait d’attendre la fin de carrière présidentielle du corrézien.
Sarkozy, que Pasqua connaissait bien, pour avoir été victime, à plusieurs reprises, de son ambition politique (Présidence du Conseil Général des Hauts de Seine – Mairie de Neuilly) devenait le candidat idéal.
Le jour tant espéré arriva le 6 mai 2007, Sarkozy faisait son entrée à l’Elysée.
L
a mue du Front National
Avec le recul, on s’aperçoit que le monolithisme supposé du Front National était, vu de l’extérieur, une perception erronée.
En 1972, sur les ruines d’une extrême droite qui ne dépassait pas les 5 % de l’électorat français, Jean-Marie Le Pen créa le Front National.
Bien évidemment, les composantes de ce nouveau parti avaient et ont toujours pour ciment la préférence nationale, le nationalisme et le rejet de l’étranger et, en particulier, des populations africaines d’une autre culture que le catholicisme, mais le débat pour l’accession au pouvoir fut toujours un point de clivage interne. Cela a valu à ce parti plusieurs actes qualifiés de félonies.
Pour le fondateur du FN, créer une petite entreprise d’extrême droite était un objectif espéré, en faire une moyenne entreprise devenait l’apothéose mais aboutir à une quasi-multinationale était exclu.
Prendre les rênes de l’Etat ne faisait pas partie des plans du « commendatore »  
Jean-Marie Le Pen a d’ailleurs confessé, quelques années plus tard, les sueurs froides qu’il avait ressenties à l’annonce de « sa qualification » au deuxième tour de la présidentielle du 21 avril 2002.
On ne peut oublier que c’est en 1986, sous la présidence de François Mitterrand, que le FN prit son envol avec la proportionnelle,  conduisant à l’élection de 35 députés FN.
A l’exception de la présidentielle et des législatives de 2007, le Front National descendit rarement  au-dessous des 13-14 % à chaque consultation électorale.
Pour les socialistes, maintenir ce score en l’état dégonflait pratiquement d’autant les résultats du RPR et assurait ainsi des victoires électorales quasi permanentes. Mais, pouvait-on imaginer que ce jeu hypocrite et malsain s’éterniserait ?
Pouvait-on imaginer que les 15 à 17 % des voix du FN se perdraient dans les sables électoraux ?
Tout fut mis en œuvre pour que ces voix deviennent utiles. Mais pour qui et pour quoi ?
L’arrivée de Marine le Pen à la tête du FN changea la donne. L’accession au pouvoir n’était plus un tabou pour le FN.
Sans modifier le fond, nationalisme, rejet de l’étranger, il fallait débarrasser le parti de ses oripeaux, lui donner une apparence plus convenable et entre autre proscrire les déclarations du style « Durafour crématoire »
C’est ce que les médias appelèrent la « dédiabolisation du parti »
Ainsi, pour faire écho à Nicolas Sarkozy qui n’avait pas hésité à utiliser la mémoire de Guy Môquet, Marine Le Pen fit référence à des déclarations de Jean Jaurès !!!
En parallèle, Nicolas Sarkozy n’eut de cesse, au cours de son mandat, de tenir des discours et de lancer des débats sur lesquels des passerelles permettraient à l’UMP et au FN de s’exprimer de manière identique, démolition des camps de roms, débat sur l’identité nationale, discours de Grenoble, expression abjecte de type « Un homme de couleur, d’apparence musulmane » ...
Ainsi, une fracture ouverte apparut clairement lors des législatives de juin 2012, où l’UMP refusa d’appliquer la discipline républicaine lors de triangulaires UMP – FN – PS, en utilisant un nouveau slogan « ni PS, ni FN »
Au soir du 1er tour de la présidentielle du 22 avril, nous en étions là.
I
l faut faire preuve d’une piètre analyse politique pour ne pas avoir vu qu’un intervalle entre les deux tours supérieur aux deux semaines légales aurait vraisemblablement vu la réélection de Sarkozy !
 
 
Harlem Désir, et ses amis,  devraient prendre conscience de tous ces éléments et modérer leurs arrogances à l’égard de celles et de ceux qui leur demandent de cesser d’être les godillots de service.
J’ai lu sur un site socialiste bien pensant, le titre d’un article qui témoigne de l’aveuglement dogmatique de beaucoup de militants socialistes «La gauche a été élue pour cinq ans, la droite doit s’y faire »
Ce message aurait toute sa justification si une majorité de la population soutenait l’action gouvernementale. Hélas, nous en sommes loin, puisque seulement un quart des citoyens fait encore confiance au pouvoir en place.
Si Harlem Désir veut devenir un grand premier secrétaire du Parti Socialiste, il doit comprendre que le combat n’est pas celui de se confronter à la droite et à l’extrême droite mais de proposer des mesures économiques et sociales conformes aux valeurs d’une République Sociale, dans l’intérêt du plus grand nombre et non de servir une caste.
Si Harlem Désir a compris cela, et surtout si le gouvernement et sa majorité veulent changer de cap, la question des accointances UMP – FN deviendra mineure et sans importance.
Le peuple n’est pas idiot.
Il sait qui, au cours de l’Histoire, a pris des orientations progressistes. S’il se réfugie vers le FN, c’est parce que le PS n’est plus à gauche.
Perdu dans tout ce fatras politico-médiatico-sociétalo, il tente (bien sûr à tord) de se diriger vers ce qu’il imagine le plus à même de l’aider à sortir de ce marasme.
Alors, M Désir, un peu de courage socialiste, s’il vous plait.
 
Après avoir eu désir d’avenir, faites en sorte que cela ne se termine point en désir de rien !