Il n’y a pas de démocratie sans presse libre.
Tous les démocrates, tous les républicains – version française – sont d’accord avec cette définition.
Le plus souvent, lorsque cette question est abordée, c’est pour fustiger, à juste raison, la main mise des marchands de canons et de béton sur les grands médias français.
Si tout ceci est rigoureusement exact, il n’est pas certain que cela soit le seul handicap à l’exercice d’une presse libre et pluraliste.
Là aussi, le diable pourrait bien se réfugier dans les détails.
Au cas précis, la question posée est celle de l’interprétation du qualificatif « libre »
Une presse libre, c’est quoi ?
La période que nous venons de traverser dite de la campagne officielle a révélé des comportements journalistiques plutôt surréalistes.
L’égalité du temps d’antenne pour les dix candidats ayant satisfait aux règles de participation à la présidentielle (500 signatures minimum d’élus sur au moins 30 départements) a été contestée par des journalistes de médias nationaux.
S’agit-il d’une crise d’égo de quelques enfants gâtés du journalisme ou d’un mouvement plus général ?
Mon commentaire n’a rien de scientifique, je n’ai pas analysé le comportement des journalistes de toutes les stations de radio et de toutes les chaînes de télévision, je n’en ai bien sûr pas les moyens.
Je réagis simplement à l’expression de quelques journalistes entendus au hasard de ma consommation médiatique.
Tout d’abord, la veille au soir du début de la campagne officielle, c’est Christophe Hondelatte (RTL) qui, prenant un ton de circonstance, déclara que c’était la dernière fois qu’il assurait librement son métier de journaliste !!! Que diable, comme si la campagne officielle sonnait le retour de l’O.R.T.F. !
Quelques jours plus tard, c’est Patrick Cohen (France Inter) dans le cadre de sa prestation sur France 5 dans l’émission « C’ à vous » répondant à une question de l’animatrice : « Avez-vous reçu Jacques Cheminade dans le 7/9 ? » déclara sans barguigner : « Non, je n’en avais pas envie » !!!
Donc pour Patrick Cohen, la liberté d’informer, c’est aussi, la liberté de ne pas informer.
Le 12 avril, dans le cadre de l’émission « Des paroles et des actes » de France 2, Franz-Olivier Giesbert, Directeur du Point, chargé d’assurer avec Hélène Jouan de France Inter, le débriefing, s’en pris avec dédain à des candidats qui, selon lui, n’ont rien à faire dans une compétition de ce genre, parlant même de régression intellectuelle.
Tout ceci au grand dam d’Hélène Jouan recevant en retour l’admonestation de son confrère du Point « Tu ne vas pas nous faire une plombe sur Philippe Poutou » !!!
Puis de nouveau, le 19 avril, Patrick Cohen toujours dans « C’ à vous » recevait le Président du Conseil Constitutionnel Jean-Louis Debré, l’instigateur de la campagne officielle de cinq semaines.
Inévitablement, « Pat. Co » fustigeait le principe de l’égalité du temps de parole des dix candidats sur cinq semaines durant.
Le Président du Conseil Constitutionnel expliqua sa logique, considérant qu’à partir du moment où dix personnes ont satisfait aux règles de « sélection » elles doivent bénéficier d’un temps de parole égal, à la radio et à la télévision.
Face à une moue réprobatrice du journaliste de France Inter, Jean-Louis Debré interrogea : « Mais, comment feriez-vous ? » et Patrick Cohen de répondre : « Un temps de parole au prorata du nombre de députés » et de conclure : « C’est notre métier de choisir » !!!
Cette attitude de journaliste de radio généraliste n’a rien à voir avec la liberté de la presse et le pluralisme.
Bien évidemment, dans les périodes ordinaires, les rédactions choisissent librement leurs sujets à traiter, décident de qui ils vont interviewer, mais une campagne officielle, même de cinq semaines, n’est pas une période ordinaire.
Que les journalistes essaient de mettre en responsabilité les candidats face à leurs schémas économiques et sociaux, voire à relever certaines contradictions, cela relève du jeu normal, mais pas d’opérer un choix partisan dans une campagne.
Quant au temps de parole au prorata du nombre de parlementaires, autant déclarer tout de suite l’intérêt pour le bipartisme.
Par ailleurs, de quel droit les journalistes s’arrogeraient-ils le pouvoir de décerner des brevets d’intellectualité comme l’a fait FOG concernant Eva Joly et Dupont-Aignan en disant le 12 avril sur France 2 que le Maire de Yerres (Essonne) était « le mini-gaulliste, tout pti, pti, le gaulliste de poche » ?
Ces excès de zèle me paraissent malsains et pour tout dire dangereux surtout si ces quelques exemples sont l’expression de l’ensemble de la corporation.
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