Qu’elle fut émouvante cette commémoration du 70ième anniversaire du débarquement de Normandie.
Confortablement installé devant son petit écran, qui n’a pas eu le cœur serré, qui n’a pas senti une larme perler au coin de son œil, à l’apparition des vétérans survivants, usés par le poids des ans, certains portant toujours les stigmates de la mitraille de l’occupant, tous irrémédiablement marqués, dans leur esprit, par l’horreur vécue au matin du 6 juin 1944.
En embarquant sur les côtes anglaises, tous ces jeunes hommes, âgés d’à peine plus de vingt ans, savaient qu’en arrivant sur les plages de Normandie, une grosse partie d’entre eux ne survivraient pas au feu de l’occupant.
Ils étaient loin d’imaginer qu’en arrivant sur les côtes normandes, ils auraient à enjamber le cadavre de leurs camarades avec qui, pour se donner du courage, ils avaient fumé, quelques temps auparavant, la dernière cigarette, bu leur dernier bock.
Face à toutes ces horreurs remémorées, une formule aujourd’hui galvaudée, venait sur les lèvres de tous les commentateurs du 6 juin 2014 et de tous les politiques «Plus jamais çà »
La plupart ajoutait, il faut commémorer cet évènement pour éviter ces « boucheries »
Tu parles !
La naïveté et la crédulité n’ont pas leur place chez ceux dont le souci est de s’interroger continuellement sur le pourquoi des choses.
Pourquoi cet apparat, même si une forme de sobriété a caractérisé le déroulé de cette commémoration.
Une vingtaine de chefs d’Etats ou de Gouvernements présents, dont certaines et certains ont utilisé cette commémoration pour pousser leur avantage sur des dossiers d’actualité.
Ne soyons pas naïfs, en marge du spectacle des commémorations, la politique n’est jamais loin.
C’est pourquoi, l’avenir de l’Union Européenne et l’affaire ukrainienne ont en réalité été au cœur de ce 70ième anniversaire du D-Day.
Tout d’abord, il y a eu le ridicule feuilleton dont les acteurs principaux furent les Présidents des USA et de Russie, mis en scène par le Président français.
Le suspense fut à son comble. Hollande réussirait-il à organiser une poignée de mains entre Obama et Poutine ?
Le premier étant parait-il fermement opposé à serrer la main du second !!!
Enfin, on a eu droit aux furtifs coups d’yeux, mis en scène par les télévisions, comme une belle répond aux prémices amoureux d’un don juan.
Les cireurs de pompes n’hésitèrent pas dans leurs commentaires, considérant que c’était la victoire de Hollande. L’hôte de l’Elysée était subitement devenu un grand diplomate !!!
Mais la poignée de mains entre les Présidents russe et américain reste une pure hypothèse.
Dans cette mise en scène, nous avons atteint le summum du ridicule.
Si le prix Nobel de la Paix avait voulu être à la hauteur de la distinction qui lui a été accordée en 2009, il n’aurait jamais accepté de jouer cette indigne comédie. Il se serait précipité vers Poutine, la main tendue.
Mais, en grand comédien de la politique qu’il est, sachant que les images du D-Day étaient retransmises dans le monde entier et surtout en Europe, Obama a voulu montrer à l’opinion publique que dans l’affaire ukrainienne c’était lui le gentil et Poutine le méchant.
L’objet n’est pas de présenter le Président Poutine comme un parangon de démocratie. En Russie, la liberté d’opinion est plus que surveillée. On se rappelle les propos tenus concernant des tchétchènes « j’irai les poursuivre jusque dans les chiottes »
Le Président des Etats-Unis aurait-il établi une hiérarchie en matière de violation des Droits de l’Homme ?
Barack Obama est moins regardant quand il s’agit de côtoyer les dirigeants chinois, les émirs de la péninsule arabique, et pourtant dans ces pays les conditions de vie des peuples sont moyenâgeuses et la peine de mort est une sentence banale.
La vérité c’est qu’une lutte d’influence existe sur le territoire est-européen.
Vingt ans après la chute du mur de Berlin, la Russie et les Etats-Unis, via l’Union Européenne, se déchirent sur le partage des « dépouilles » de feu l’Union Soviétique.
S’il s’agissait d’un libre choix du peuple ukrainien, l’enjeu serait démocratique et ne poserait pas de difficultés, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Après le basculement, sans heurt, en 2004 de dix pays de l’ex-bloc soviétique dans l’Union Européenne, dont certains ont rejoint l’OTAN, pour les Etats-Unis l’Ukraine est une possible prise de guerre.
L’objectif du « gendarme du monde » est d’installer des complexes militaires dans ce pays, aux portes donc de la Russie.
Comment alors s’étonner de la réaction de Poutine soutenu par le peuple russe, au moins sur ce dossier ?
Obama ne devrait pas oublier comment en avril 1961 son illustre prédécesseur John Kennedy avait fait débarquer 1500 exilés cubains, anticastristes entrainés par la CIA, pour renverser Fidel Castro qui avait pris le pouvoir à Cuba en 1959.
Quant à l’Union Européenne dans cette affaire, elle se prête de bonne grâce à jouer les commis de service.
On gardera en mémoire l’image de la baronne Catherine Ashton, haut représentant aux affaires étrangères de l’Union Européenne, claquant la bise à la sulfureuse Mme Ioulia Timochenko, au plus fort des évènements de la place Maïdan.
Moins de 48 heures après la commémoration, le Quai d’Orsay se fendait d’une déclaration précisant que jamais il n’avait été envisagé d’amarrer l’Ukraine à l’Union Européenne. Curieuse mise au point.
La vérité, c’est que la fermeté de Poutine dans un fort contexte de nationalisme russe a pris le pas sur une désunion des pays de l’Union Européenne dont les intérêts commerciaux sont différents et divergents.
Puis, face à des opinions publiques de plus en plus eurosceptiques, les dirigeants nationaux ont compris qu’ils n’avaient rien à gagner dans cette affaire.
Alors, le « Plus jamais çà » est une véritable escroquerie.
La clôture du spectacle commémoratif du 6 juin 2014 précisait clairement les objectifs par le déploiement du drapeau étoilé européen.
Et les commentateurs zélés ont bien évidemment fait un lien entre les deux conflits mondiaux (14-18/39-45) opposant au premier chef, français et allemands et les 70 ans de paix dus, selon eux, à la construction européenne.
A chaque fois que la construction libérale de l’Union Européenne est menacée, l’épouvantail de la guerre est brandi : en 1992 avec Maastricht, en 2005 avec le TCE …
Que les europhiles se rassurent, les eurosceptiques ne sont pas plus belliqueux qu’eux, ils le sont même moins.
La volonté hégémonique des dirigeants européens sur l’affaire ukrainienne devraient rendre plus modestes les eurobéats.
Certes, nous en sommes à 70 années consécutives de paix, mais à quel prix social ?
Un taux de chômage subi par 26 millions d’individus, soit 11 % de la population active, un taux de pauvreté à 16,9 % jetant dans le désarroi 84 millions de personnes, une zone économique où le taux de croissance est le plus faible du monde, des reculs sociaux jamais atteints, un appauvrissement croissant du secteur public.
Tout ceci alimentant une montée inquiétante de l’extrême droite repeinte en populisme.
Pour les peuples grecs, espagnols, portugais, italiens … dont le taux de suicide progresse, parler de paix grâce à l’Union Européenne est une véritable provocation.
Commémorer le D-Day, oui il le faut, mais cela ne suffira pas pour empêcher le retour de la bête immonde.
Alors, le « Plus jamais çà » !!!