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Après les allumettes suédoises, voici les retraites suédoises !



« Réformez vos structures, prioritairement vos retraites », exhorte la commission européenne à l’adresse du gouvernement français.
En bon soldat européiste, le gouvernement actuel, comme le précédent, obtempère aux ordres de Bruxelles.
Comme celui de 2010, le gouvernement Ayrault et sa majorité parlementaire, ont décidé de s’attaquer aux retraites, avant d’aborder la question de la formation professionnelle et par ricochet réduire l’assurance chômage.
Conscients de la difficulté dans une période où la déception du peuple à l’égard de l’exécutif est à son maximum, les partisans du durcissement des conditions d’accès à la retraite tentent de dresser un rideau de fumée en vantant le soi-disant « modèle suédois »
Les politologues, les sociologues et autres « intellectuels » sont à la manœuvre.
Mais, qu’en est-il vraiment de ce « modèle suédois » ?
Ne faut-il pas s’entourer de méfiance quand cette propagande est diffusée par des libéraux et des libéraux sociaux ?
En France, les structures de remue-méninges, telle « Terra Nova » officine du parti socialiste, défendent le système suédois. Mais pire encore, le président de l’Institut Montaigne, Claude Bébéar, qui n’est autre que l’ancien PDG d’Axa, a déclaré le 10 juin 2010 « je trouve le système suédois super »
D’autres se font d’ardents défenseurs de ce système inique, la CFDT, le MODEM, les Verts, le PS et toute la droite dans sa diversité. Tous des progressistes, vous l’aurez remarqué !
Tout d’abord, il faut préciser que le système suédois fut considéré comme un modèle social sur une période d’une soixantaine d’années, allant des années 30 aux années 90.
Contrairement à ce que déclarent quelques malintentionnés, il ne s’agissait pas d’un Etat providence.
Laissons la providence aux mystiques et intéressons-nous à la vie réelle, à la vie concrète du plus grand nombre, et considérons qu’il ne s’agissait rien de plus que d’un Etat qui se voulait social, en répartissant au mieux les richesses produites.
La France a connu cette situation essentiellement au cours de la période dite des « trente glorieuses »
Mais au début des années 1990, après la chute du mur de Berlin, les néolibéraux, sous l’impulsion du tandem Reagan-Thatcher, décidèrent de mettre fin au principe de l’Etat social, là où il existait.
La Suède ne fit pas exception.
Dans ce pays, la dégradation devint concrète avec le recul du pouvoir d’achat, et au mieux, de la stagnation des 20 % des ménages les plus pauvres.
En 1995, le taux de pauvreté en Suède était de 6,5 %. En 2011, il a rejoint celui de la France pour atteindre 14 %.
L’emploi subit le même recul, avec une forte progression des contrats précaires.
En 1993, la part de l’emploi public représentait 45 % de la totalité, il est tombé à 34 % en 2011.
Bien évidemment et naturellement, au cours de ces dernières années, des émeutes « secouèrent » plusieurs banlieues.
Mais motus et bouche cousue, les grands médias français n’en ont soufflé mot.
Qui a entendu parler des troubles de Soëdutälge de 2005, de Göteborg en 2006, de Malmoë en 2008 et d’Uppsala en 2009 ?
Qui a entendu parler des évènements de mai 2013 dans la banlieue de Stockholm et dans quelques autres ?
Voilà donc pour le modèle suédois, modèle pour la classe dominante, assurément, mais cauchemar pour le peuple.
Alors, bien évidemment, la réforme des retraites est du même tonneau.
Cette réforme serait un modèle à reproduire en France, d’abord pour le consensus réalisé entre le pouvoir politique et le syndicat LO (la CFDT suédoise) et ensuite pour la fiabilité du système.
Partant du récurrent, mais faux problème du déficit, pour les gérants et cogérants du système, l’objectif fut d’inventer une usine à gaz permettant d’apporter la preuve d’un équilibre retrouvé des comptes.
En fait, le fameux modèle suédois est simple, mais évidemment vicieux, il est qualifié d’auto-équilibré.
Les cogérants du système,  les fameux partenaires sociaux, définissent annuellement une enveloppe nationale retraite, s’appuyant sur trois critères :
-          L’espérance de vie
-          La situation économique
-          La croissance
Cette gymnastique peut conduire à une revalorisation des retraites, mais aussi à une stagnation, et pire encore à une diminution du montant de la retraite.
Ils auront mis sept ans, 1994/2011, pour produire ce monstre dans lequel ils ont également introduit de la capitalisation et banni le principe dit par répartition pour privilégier le système par points.
Examinons ce que recouvrent ces trois critères.
Espérance de vie
Incontestablement, l’espérance de vie a augmenté globalement depuis une cinquantaine d’années, mais de manière différenciée.
En France, par exemple, les cadres et les professions libérales ont une espérance de vie supérieure de 7 à 8 ans à celle des ouvriers.
La différence d’espérance de vie entre les hommes et les femmes est de presque 7 ans.
Par ailleurs, l’espérance de vie en bonne santé recule depuis plusieurs années. Pour les hommes, c’est un an de moins depuis 2008.
Ainsi, l’espérance de vie est un élément peu fiable, d’autant qu’en France 35 % de salariés partant à la retraite pointent à Pôle Emploi.
Pour les employeurs, les salariés de plus de 50 ans ne sont plus rentables et n’ont plus rien à faire dans l’appareil de production !!!
La situation économique – La croissance
L’introduction de ces deux critères pour le calcul du pouvoir d’achat des retraites est un piège car, avec la mondialisation, les économies occidentales sont confrontées à une profonde mutation.
Avec les fameuses délocalisations en Chine et dans les pays du centre et de l’est de l’Europe, la France, comme d’autres, perd son industrie.
L’économie et la croissance s’en trouvent plombées.
Comment espérer de la croissance quand la manufacturation des biens de consommation de masse (automobiles - téléviseurs - ordinateurs - smartphones - tablettes - textiles …) s’effectue en Chine, au Vietnam, au Bangladesh et bientôt en Ethiopie ?
La croissance nulle ou quasi-nulle est devenue une donnée durable de nos sociétés.
Que dire de cette farce entretenue par nos dirigeants ergotant entre une décroissance de moins 0,2 % et une croissance de plus 0,2 % ?
Quels que soient ces taux, le chômage continue d’augmenter et les comptes sociaux de se dégrader.
Pendant ce temps, le taux de croissance du CAC 40 croît inexorablement.
Ah ! Si le pouvoir d’achat des retraites était indexé sur les variations du CAC 40, la question des retraites ne serait plus qu’un mauvais souvenir !!!
Voilà pourquoi le système suédois est une supercherie.
En Suède, les promoteurs et les accompagnateurs de cette loi inique ont banni le système solidaire pour le remplacer par un système par points, appelé également d’un nom barbare « compte notionnel »
Chaque trimestre travaillé valide un certain nombre de points et établit une valeur financière.
Ainsi, malheur aux arrêts de maladie, aux congés maternité, aux congés de formation, aux périodes de chômage. Ceux-ci sont autant de points en moins.
Avec le système par points, la solidarité est une notion qui n’existe plus. Les effets sont sans appel.
Cela se traduit concrètement par une forte baisse du pouvoir d’achat.
En 1995, le montant de la pension d’une retraite pleine et entière équivalait à 62 % du dernier salaire. En 2014, elle sera tombée à 54 %.
Voilà comment on équilibre les budgets retraite en Suède, en rognant sur le pouvoir d’achat des retraites, comme le montre le tableau ci-dessous.
 
Le système suédois encourage à partir le plus tard possible
 
 
Age de la retraite
 
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
 
 
Pension reçue *
 
72 %
78 %
84 %
92 %
100 %
109 %
119 %
130 %
143 %
157 %
*pourcentage de la retraite normale
                       touchée à 65 ans
 
Montant
 
1080 €
1170 €
1260 €
1380 €
1500 €
1635 €
1785 €
1960 €
2145 €
2355 €
 
 
                                                                          
  Source : Ministère suédois de la Santé et des affaires sociales          Montant calculé par DPVRS
                                                                                                             sur une base 100 de 1500 €
 
En France, cette baisse du pouvoir d’achat a été engagée par lesdits partenaires sociaux dont les syndicats. Dans la négociation de mars dernier concernant les retraites complémentaires, ils ont accepté des revalorisations inférieures au taux d’inflation.
L’un d’entre eux, FO, même s’il a pris une précaution de langage, a quand même fait remarqué que le taux de pauvreté des retraités était actuellement  égal à celui des actifs, soit 10 %, mais inférieur à celui de 1970, soit 35 %.
Est-ce à dire qu’il y aurait encore quelques marges de manœuvre dans la dégradation du pouvoir d’achat des retraités ???
Le projet de réforme Ayrault engage dans la voie des comptes individuels de pénibilité. Ainsi on ne reconnaît plus le travail pénible d’une profession, mais la pénibilité subie par un salarié.
Cette évolution enterre la couverture collective et engage vers le système suédois. Comment considérer, comme l’expriment plusieurs syndicats, qu’il s’agit d’une avancée ?
Alors quoi faire ?
Il faut tout d’abord prendre conscience que le système suédois est contraire aux intérêts des salariés.
Le projet de l’actuel gouvernement français est du même acabit.
Comme pour les plans précédents, l’objectif est de déplacer des fonds jusqu’ici consacrés au système par répartition pour les orienter vers la spéculation. Il suffit de constater le déferlement de publicités, toutes plus alléchantes les unes que les autres, venant des groupes d’assurances, des banques, des vraies et des fausses mutuelles ......
Ainsi, les promoteurs et les accompagnateurs de cette entreprise ont établi un itinéraire en 3 étapes.
A nous d’en avoir conscience et d’éviter les pièges.
Etape 1 Présentation par le gouvernement du plan en gommant les points durs (augmentation de cotisations, de CSG, …) en laissant croire que la réforme n’est pas pour tout de suite, l’allongement de cotisations à 43 ans n’étant prévu qu’à partir de 2020.
Etape 2 Le gouvernement, le patronat et les « syndicats » favorables aux reculs sociaux, savaient  qu’ils devraient affronter un point plus ou moins dur avec la réaction des salariés organisés par les syndicats opposés à ces reculs sociaux.
Mais ils espéraient que ces agitations seront faibles et de courte durée.
Etape 3 La mobilisation des salariés à l’appel des syndicats opposés au plan Ayrault était indispensable mais pas garantie.
En effet,  sur le lieu de travail, face aux salaires de misère et à l’emploi précaire, il devient de plus en plus difficile et risqué de s’affronter à son patron pour faire grève.
L’idéal eut été de manifester le samedi ou le dimanche, mais cela a déjà été tenté en 2010 et force est de constater que le succès n’était pas au rendez-vous. Alors, après l’échec prévisible de la journée du 10 septembre, on nous parle de rassemblements, de meetings .......
De la foutaise, en fait.
L’horizon social ainsi dégagé il reste au Parlement à entériner le plan gouvernemental pour servir la soupe au capital en permettant de multiplier les contrats individuels et collectifs d’assurance retraite.
 

Il n’est pas possible de considérer que cette bataille est perdue.
           L’acte de résistance est encore possible à la condition de se mobiliser pour
 faire échec à ce transfert vers le capital.
Il faut impérativement refuser ces funestes contrats d’assurance retraite, dans l’entreprise mais aussi individuellement.
                    Cela nécessite bien évidemment de faire de la pédagogie auprès des collègues, mais c’est le prix à payer, sinon les promoteurs des reculs sociaux
 obtiendront  à nouveau gain de cause.
Et cela leur donnera de l’espoir pour les combats qu’ils ont programmés,
la formation et l’assurance chômage.
Il est impératif de résister à l’individualisation de la protection sociale,
mais hélas, nous ne sentons pas les syndicats, se déclarant opposés à cette réforme, s’orienter dans cette voie.