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Le mirage de la Normandie



L
a majorité parlementaire a voté le 25 novembre la réforme territoriale portant création de 13 régions.
Si le projet va à son terme, les régions Haute et Basse-Normandie ne feront plus qu’une.
Le principe de la réforme n’est pas critiquable à la condition qu’elle améliore la situation du plus grand nombre.
Sentimentalement, qui peut s’opposer à la création d’une Région de Normandie, d’autant que la justification qui en a été faite par les Pouvoirs Publics a été malicieusement présentée ?
Pour qu’il y ait réunification, il faut que précédemment, il y ait eu unification. Or, il n’y a jamais eu de Région Normandie, mais une province normande.
Est-ce à dire que les promoteurs de cette réforme sont des nostalgiques de l’Ancien Régime : royaume, provinces, duchés, paroisses ? Le tout sous la férule d’une sorte d’empire européen.
Il faut regrouper les services pour éviter les doublons et réaliser des économies, nous dit-on. Des chiffres fantaisistes ont été annoncés, mais hélas, jamais justifiés.
Et pourtant, des réformes de cette nature ont déjà été réalisées sans qu’aucune évaluation ne fût livrée à la population.
La réforme initiée par le gouvernement Raffarin en 2003 a eu pour effet de transférer les routes nationales et les personnels, non enseignants, des collèges aux départements ainsi que les personnels, non enseignants des lycées et la formation professionnelle, aux régions.
De ce fait, le fonctionnement des services transférés s’est-il amélioré ?
Des économies ont-elles été réalisées ?
A l’évidence, cela ne se traduit pas sur les comptes de la Nation puisqu’en pourcentage du produit intérieur brut la dette a augmenté de cinq points entre 2003 et 2008 et de trente points entre 2003 et 2013, soit :
2003 = 63,3 %   - 2005 = 66,8 %   - 2008 = 68,2 %   
2010 = 82,7 %    - 2012 = 90,6 %   - 2013 = 93,5 %
Quelle que soit l’entité gestionnaire, la mission doit être assurée, entretien des routes, des lycées, des collèges et la formation professionnelle dispensée. De ce fait, le montant de la dépense varie peu.
Quant à l’amélioration de la qualité de service, au cas où elle serait constatée, c’est à la dimension du micron.
C’est peut-être la raison qui conduit l’actuel gouvernement et son armée de propagandistes à éviter les questions de fond notamment les éventuelles économies réalisées dans le cas du regroupement des régions.
-          Avec la réforme des départements et des communautés de communes qui feront partie du deuxième volet de la loi, quels seront les transferts de compétences ?
-          Les services de l’Etat, actuellement présents dans les deux Régions Haute et Basse-Normandie, seront-ils maintenus ?
o   Les deux centres hospitaliers de Rouen et de Caen garderont-ils leur qualité d’Universitaire ? Pour ce qui est de la recherche, ce n’est pas un sujet mineur.
o   Les deux Académies de Rouen et de Caen seront-elles préservées ?
o   Les deux Cours d’Appel seront-elles maintenues ? Etc…etc…
Autant de questions, aujourd’hui sans réponse, et pourtant la vie des habitants dépend des choix qui seront faits.
La Région Haute-Normandie, démagogiquement qualifiée de « croupion » ne permettait pas le développement économique !
Dommage pour ces oiseaux de mauvaise augure car les faits démontrent le contraire.
Si la Région Normandie avait existé au moment de l’affaire de la raffinerie Petroplus, cette entreprise aurait-elle été préservée ?
On peut en douter. Les entreprises ne sont pas entravées par les limites régionales et d’ailleurs pas davantage par les frontières nationales.
Sous l’entité administrative Haute-Normandie, des développements majeurs se sont organisés et s’organisent toujours.
-          Haropa organise une complémentarité entre les ports de Le Havre, Rouen et Paris.
-         L’éolien en mer est un projet haut-normand de grande ampleur en relation avec l’Etat.
Deux sites électronucléaires – Penly et Paluel se sont développés et sont parmi les plus performants du parc national.
     -  Le site « Ariane » de Vernon, autrefois Société Européenne de Propulsion,  aujourd’hui Snecma, le fleuron des fleurons en matière spatiale, souffre t’il dans son développement à cause d’une région de deux départements ?
-          La plus grande entreprise de France, l’artisanat, est-elle empêchée d’évoluer parce que dans une région de deux départements ?
Plus nombreux, nous serons, plus forts, nous serons !
Là aussi, cette affirmation ne résiste pas à l’existant.
Si l’on excepte l’Ile de France, région spécifique, dans les régions les plus peuplées, PACA, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais, la tendance n’est pas à l’amélioration en fonction de l’importance démographique.
 
 
Régions
 
Rhône-Alpes
PACA
Nord-Pas-de-Calais
Aquitaine
Haute-Normandie
 
 
Démographie
 
6 393 000
4 937 000
4 052 000
3 300 000
1 848 000
 
Taux chômage
 
 8,6 %
11,3 %
12,7 %
 9,7 %
10,8 %
 
 
Taux pauvreté
 
12,3 %
16,3 %
19,5 %
13,4 %
13,7 %
 
Il va sans dire que contrairement au discours convenu, ce n’est pas en rassemblant des régions que l’on règlera la première préoccupation des françaises et des français : le chômage et la pauvreté.
Inutile de chercher pourquoi l’extrême droite prolifère dans le Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Pour « agrémenter » ce dossier, le folklore politicien n’a pas manqué.
Cette opération de regroupement des régions n’est qu’un acte d’obéissance au néolibéralisme dont l’oligarchie européiste est l’entremetteuse.
Quelques déclarations politiques montrent le réel objectif de cette réforme qualifiable de contre révolutionnaire.
Le maire socialiste de Flers déclare … « La France est plurielle et ce qui doit être recherché, c’est l’efficacité de traitement » … (Paris-Normandie 27/11/2014)
En creux, cet élu remet en cause le premier article de la constitution « La France est une République, indivisible, laïque, démocratique et sociale … »
A court ou moyen terme, l’objectif est de légiférer pour donner aux régions le pouvoir d’adapter les lois nationales aux contextes locaux. Ainsi, la concurrence entre régions serait de droit.
Le Député de la 3ième circonscription de l’Eure, Hervé Morin, UDI, y va lui aussi de son couplet en instillant le mensonge.
Sur France 3 Haute-Normandie, il déclare le 22 novembre 2014 « les normands sont d’accord avec la fusion » et quelques minutes plus tard il annonce que les alsaciens sont pour une entité unique de l’Alsace.
Pour ne pas déroger à sa pratique des analyses approximatives, il oublie de dire qu’en avril 2013 un référendum a été organisé pour connaître l’opinion des alsaciens. Cette consultation a fait choux blanc, faute de participation suffisante.
Quant à l’avis des normands, si l’ancien ministre voulait être crédible et démocrate, il demanderait un référendum.
Mais, il s’en garde bien.
Dans cette comédie, la partition jouée par les socialistes est d’un curieux tempo.
Une profession de foi publiée dans Paris-Normandie montre la versatilité des élus socialistes normands.
Toutes et tous pour la Normandie, entonnent-ils.
On pourrait en rire si ce dossier ne conditionnait pas la vie de millions de françaises et de français pour les décennies à venir.
Ceux-là même qui aujourd’hui fanfaronnent sur la création de la Normandie étaient, il n’y a pas si longtemps, rangés comme un seul homme derrière l’ancien Président de Haute-Normandie, Alain Le Vern qui ne faisait pas mystère de son opposition à la fusion des deux Normandie.
L’actuel Président Nicolas Mayer-Rossignol n’a t’il pas tenté un contre-feu en promouvant un rapprochement entre la Haute-Normandie et la Picardie ?
Il est assez curieux de constater que ce qui était un problème hier, la capitale, n’en est plus un aujourd’hui. Ce qui était rédhibitoire est devenu acceptable !
Les deux chefs-lieux, Rouen et Caen se partageraient les rôles.
A l’un, l’autorité de l’Etat, à l’autre, le pouvoir régional.
Ce genre d’organisation existe aujourd’hui en Lorraine, entre Nancy et Metz, au grand désespoir des lorrains.
Mais pour la Normandie, il n’y aurait pas de problème !
Les habitants du sud manche et du nord cotentin, pour ne prendre que ces deux exemples, n’auront qu’à s’armer de courage pour aller traiter des dossiers à Rouen.
Mais qu’à cela ne tienne, les réformes structurelles tant exhortées par les européistes bruxellois de tout bord et de tout poil auront obtenu la docilité du « gouvernement normal »
Quant à la droite, UMP/UDI, rassemblée au Conseil Régional sous le label « Pour une nouvelle Normandie » son opposition et son abstention sont incompréhensibles.
Le vote positif du maire de Le Havre n’est semble t’il pas dénué d’intérêt politicien.
En effet, comment vouloir à l’avenir jouer un rôle important dans l’application d’une réforme que l’on aurait rejetée au Parlement.
 
En conclusion, il faut croire que la majorité socialiste a le goût du sacrifice.
Après la réforme départementale qui, vraisemblablement, va la laminer en mars prochain, elle persiste dans ses erreurs d’où, à n’en pas douter, elle sortira comme un canard sans tête aux régionales de septembre 2015.
Le pire, c’est qu’elle entraîne avec elle le peuple français dans le néant.
Et nous savons toutes et tous où conduit le néant !!!