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Commune nouvelle : Inquiétude chez le Président des maires !



Quand un citoyen lambda s’inquiète de la fusion des communes considérant que la perte d’identité des territoires est un risque de déstabilisation des populations pouvant mettre la démocratie en péril, on le moque, on le raille, on le qualifie de passéiste, on lui rit au nez.
Mais quand le Président des maires de l’Eure, Jean-Paul Legendre, DVD, s’interroge, publiquement, sur les effets négatifs de ces regroupements, le message est peut-être à prendre au sérieux.
En parallèle de l’Assemblée Générale de l’Union des maires et élus de l’Eure, tenue à Evreux le 12 mars dernier, le Président de cette Union a donné son avis sur la fusion des communes et des intercommunalités à la rédaction de l’hebdomadaire ébroïcien « Eure Infos » du 15 mars 2016.
DPVRS-27 retranscrit intégralement l’interview du Président des maires et élus de l’Eure.
 
Eure Infos : L’assemblée générale de l’Association des maires du département est l’occasion, cette année, de s’interroger sur l’avenir des petites communes. Sont-elles réellement menacées ?
Jean-Paul Legendre : On va dire qu’elles sont interrogées, parce qu’un certain nombre de réformes peut les fragiliser, voire peut-être les supprimer sous la forme traditionnelle qui est la leur.
En même temps, il y a une vitalité formidable. Partout où les populations sont interrogées, elles marquent leur vif attachement aux communes. On constate également qu’elles déploient, y compris les plus petites, des trésors d’ingéniosité pour être toujours plus au service de leurs citoyens, pour faire vivre la totalité du territoire. Les communes, c’est la démocratie de proximité.
 
EI : Actuellement il y a un gros mouvement de fusions de communes, certaines disparaissent.
JPL : Oui, c’est une véritable interrogation, mais les élus locaux, ruraux, sont des gens très pragmatiques. Il y a ceux qui ont le courage de se lancer dans cette opération de fusion qui est assez complexe sur le plan juridique et puis il y a ceux qui font l’expérience du maintien de cette démocratie locale qui joue un rôle si important dans notre pays.
 
EI : Une soixantaine de communes, sur 675, ont déjà rejoint des communes nouvelles dans le département. Que vont-elles devenir ?
JPL : A l’heure actuelle, on considère qu’elles vivent toujours comme communes déléguées, mais évidemment leur avenir interroge, leurs maires n’ont plus qu’un rôle de proximité. Y aura-t-il toujours des candidats pour cette fonction ? Ca peut poser problème. Mais, jusqu’à la fin de ce mandat, il n’y a pas vraiment de changement puisque les élus restent en place, après ce sera une véritable interrogation. C’est la raison pour laquelle ils sont hypervigilants par rapport à cela.
 
EI :  La commune reste un échelon très important pour la population.
JPL : Je le constate, en général les populations manifestent leur attachement à la structure telle qu’elle est. Mais il ne faut pas une position trop rigide, parce qu’il y a des endroits où cela peut être intelligent de se regrouper.
Des communes ont été séparées par le fait de l’histoire, pour des raisons conjoncturelles, cela peut être intelligent de les réunir.
Cela peut être intelligent de dire qu’on a un projet en commun que l’on ne peut gérer de cette façon là. Mais il ne faudrait pas non plus que cela devienne une obligation, une sorte de condamnation déguisée de l’échelon communal.
 
EI :  Vous, président de l’Union des maires, vous plaidez pour quoi ? L’intelligence ?
JPL : L’Union des maires accompagne les deux démarches. Là, on va organiser une réunion sur les communes nouvelles pour donner les informations nécessaires, mais en même temps on est vigilants pour qu’il n’y ait pas de discriminations fiscales des dotations entre les communes nouvelles et celles qui font le choix de rester seules. On est aussi aux côtés de ceux qui veulent vivre la vie communale telle qu’elle est à l’heure actuelle.
 
EI : Avec les communes nouvelles, les agglomérations, les communautés de communes qui fusionnent, les régions qui s’agrandissent est-ce qu’il n’y a pas une espèce de course au gigantisme ?
JPL : On a beaucoup développé les intercommunalités pour pallier aux effets gênants du très grand nombre de communes, alors est-ce qu’il faut en plus créer des communes nouvelles qui regroupent un certain nombre de communes, c’est un vrai problème.
D’autre part on peut se demander comment va être vécue la proximité dans ces grands regroupements. 

EI: Dans le département, on voit émerger un certain nombre de grandes agglomérations. Est-ce qu’à terme, on veut qu’elles absorbent la totalité des intercommunalités ? Comment tout ça va s’articuler par rapport au département ?
JPL : Le grand reproche contre la loi NOTRe, c’est qu’elle ne dit pas où elle veut aller, les pouvoirs publics ne nous montrent pas le chemin. Est-ce qu’on n’est pas entrain de créer un territoire avec des entités moins solidaires, plus concurrentes ? Hier, un département en valait un autre, tous les territoires avaient les mêmes droits, les mêmes obligations et un même sentiment de solidarité. Aujourd’hui on fait naître un petit peu autre chose, quelque chose de plus personnel, peut-être moins solidaire. Est-ce que c’est ce que l’on veut ?
 
EI : Bref, les communes sont à la croisée des chemins.
JPL : Oui, on connaissait les avantages du système néo-jacobin, mais que va donner le suivant, je ne sais pas. Quand on regarde certains pays autour de nous, on peut se dire que cela va créer des tentations séparatistes.
Et, lorsqu’une intercommunalité va représenter un tiers ou un quart du département, on verra sans doute les choses autrement en termes de solidarité interdépartementale. Attention aux guéguerres picrocholines.
 
EI : Est-ce que cela a déjà commencé ?
JPL : Je n’ai rien dit, mais je l’ai pensé très fort…
 
Le moins que l’on puisse dire c’est que le Président des maires de l’Eure
est très frileux quant à ces regroupements.
Son expérience de la ruralité en vaut bien d’autres,
il est maire d’Iville (488 habitants) Président de la communauté de communes du Pays du Neubourg (17000 habitants)
conseiller départemental du canton du Neubourg et à ce titre
premier vice-président du conseil départemental.